Georges Duhamel
(1884-1966)
Dossier
Le roman selon Georges Duhamel
« Je marche au milieu des fables » : l'art du roman selon Georges Duhamel, par Pierre-Emmanuel Roy, 19 avril 2019 |
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Il semble d'usage de faire précéder toute étude sur Georges Duhamel par quelques mots sur le triste sort que lui a réservé la postérité. Son oeuvre, ainsi qu'Arlette Lafay, Evelyn Girard et Michael Schwarze le font observer [1], s'est peu à peu enlisée dans l'oubli depuis l'entre-deux-guerres, époque où Duhamel était au faîte de sa carrière. Cette relative obscurité offre cependant un terreau fertile aux jugements sommaires. Depuis sa mort en 1966, Duhamel aura été présenté tour à tour comme un réactionnaire vociférant [2] et un « homme du présent, […] philosophe généreux et optimiste [3] »; comme un illustrateur des « sentiments sociaux [4] » et le peintre d' « un univers limité à quelques expériences bien précises [5] ». Sans être toutes infondées, ces expressions paraissent difficilement conciliables, et nous laissent de Georges Duhamel une image confuse. Depuis les années 1980, toutefois, un petit nombre d'études sur l'oeuvre duhamélienne, notamment celles d'Arlette Lafay et de Chantal Fouché, ont jeté quelque lumière sur les romans et les prises de position de cet écrivain engagé. Mais des zones d'ombre persistent, particulièrement en ce qui concerne les textes critiques de Duhamel. Rarement réédités et peu lus de nos jours, ceux-ci méritent d'autant plus notre attention qu'ils constituent un accès privilégié aux conceptions romanesques d'un écrivain d'importance, qui, ainsi que l'écrivait André Billy en 1930, représentait « réunis l'Anatole France et le Romain Rolland de [sa] génération [6] ». De Guerre et littérature (1920) à Travail, Ô mon seul repos! (1959), Duhamel n'a cessé de publier, en marge de son oeuvre romanesque, des conférences, des essais et des manifestes sur l'art du roman, avec le souci évident de rallier autant de lecteurs que possible à ses théories. Mais en quoi ces théories consistaient-elle précisément? C'est cette question qui me servira de fil conducteur dans les prochaines pages, où je m'emploierai, en ne considérant que l'oeuvre critique de Georges Duhamel, à relever les points saillants de son discours sur le roman. Je commencerai par expliquer ce que Duhamel voit comme la nature et la finalité de la littérature romanesque, puis je détaillerai les moyens dont, selon lui, le romancier doit user pour atteindre ses objectifs. Enfin, j'aborderai le sujet de la tradition chez Duhamel, en m'arrêtant en particulier aux opinions que professe cet auteur sur l'imitation et l'originalité. Le roman et sa finalité. Comment Georges Duhamel définit-il le roman? Avant d'explorer le détail de la question, il faut sans doute en considérer les grandes lignes. Pour Duhamel, c'est d'abord par son ampleur que le roman se distingue des autres formes littéraires : contrairement à la nouvelle et au récit, il présente « un grand nombre de personnages, des cadres variés, des événements complexes [7] ». Sur ce point, difficilement contestable il est vrai, Duhamel s'estime en accord avec les écrivains de son temps. Mais, dès les premières pages de son Essai sur le roman (1925), il se dresse contre les mauvais traitements que ses contemporains infligent à cette forme littéraire : éblouis par la popularité du roman, beaucoup le servent en effet à toutes les sauces, au point de le dénaturer.
Le constat est sévère, et révèle une conscience aiguë de la crise que traverse la forme romanesque au début du XXe siècle. Duhamel souligne même à plusieurs reprises la gravité de la situation : « […] le roman accueille toutes les épaves. Obèse, apoplectique, informe, monstrueux, il fait ventre de toutes les nourritures [9]. » Cet état d'errance n'est toutefois pas sans appel. Le roman attend seulement qu'on le remette sur la bonne voie, qu'on lui désigne le but auquel il doit tendre et les écueils qui le guettent. Ainsi, Duhamel déclare franchement que certaines matières ne conviennent pas à la forme romanesque. Le romancier risque de « s'égarer [10] » s'il se complaît, par exemple, dans un « fatras documentaire [11] » ou de « pesantes thèses sociales, morales, économiques ou autres [12] ». Il doit plutôt rester fixé sur un objectif unique : « la recherche de l'éternelle vérité humaine [13] ». C'est cette finalité qui constitue, au-delà des questions d'ampleur et de complexité, le fondement du roman et le « devoir [14] » du romancier. Mais « la recherche de l'éternelle vérité humaine » peut sembler un projet vague, du moins au premier abord. Tâchons donc de le préciser à l'aide des écrits de Duhamel, en commençant par écarter tout ce qui est accessoire, c'est-à-dire les conséquences heureuses, mais secondaires, de l'invention romanesque. On pourrait en citer plusieurs. Le roman représente d'abord un exutoire pour le romancier, qui déverse dans son oeuvre un trop-plein de pensées et d'émotions. « Les idées, comme les personnages imaginaires, comme les images, comme les chants lyriques, tout cela nous étoufferait si nous n'avions pas la divine exonération de l'oeuvre [15]! » Mais là n'est pas la principale finalité du roman : s'il ne profitait qu'au romancier, à quoi bon publier? Les bons romans, écrit aussi Duhamel, produisent une « musique verbale [16] » caractéristique de leur auteur. Mais c'est ailleurs que leur beauté trouve son véritable fondement. Duhamel s'inquiète, au demeurant, que « l'invention technique », c'est-à-dire les recherches formelles, ne détourne les écrivains « de leur destin, de leur mission [17] ». Il faut ajouter que la « mission » du romancier n'est pas non plus d' « émouvoir », ni même d' « instruire [18] », du moins dans le sens étroit et didactique du terme : ces visées sont trop étroites pour occuper entièrement un romancier digne de ce nom. Enfin, le romancier n'a pas vocation à peindre une époque à la manière d'un sociologue ou d'un historien. Cherchant sans doute à se distancier des naturalistes et de leurs héritiers, Duhamel écrit, au sujet de sa Chronique des Pasquier : « Je laisse aux historiens leur tâche très sourcilleuse. L'histoire n'est pas absente de ma chronique : elle en forme la toile de fond [19]. » Ce qui représente en vérité l'essence du roman, c'est « la peinture des âmes [20] ». Le roman véritable, pour Duhamel, constitue ni plus ni moins qu'une « galerie de portraits » qui « entrent en action [21] ». C'est en ce sens que « le roman n'a pas de sujet [22] » : les événements s'y produisent au gré des personnages, sans suivre un plan tracé d'avance, si bien qu'on a toujours peine à les résumer. Le roman ne sert pas à démontrer une thèse, à transmettre une leçon ou à relater un événement historique : s'il le fait, ce doit être par contrecoup. Le développement naturel des personnages doit toujours primer. Sur ce point, Duhamel est catégorique : « la psychologie demeure le fond de toute étude romanesque [23] ». La « peinture des âmes » n'est cependant pas une fin en elle-même. En s'y livrant, le romancier cherche à « rendre sensible l'âme humaine [24] », afin d'aider ses lecteurs « à vivre pleinement, […] consciemment [25] ». Tout le reste – effets de style,pathos, documentation, etc. – doit être ou bien écarté, ou bien mis au service de ce dessein, que Duhamel présente, dans sa Défense des lettres (1937), comme la fonction sociale du romancier. Requis par les soucis et les travaux de leur fonction personnelle, la plupart des citoyens, dans une société normale,n'ont ni la vertu ni le temps de connaître le monde, au sens philosophique et poétique du mot, et d'exprimer dans une langue ingénieuse la substance de leurs découvertes. Ils s'en remettent volontiers au spécialiste, c'est-à-dire à l'écrivain qui, dans la mesure de son crédit, se trouve mandaté pour accomplir des actes de connaissance26. Notons au passage la manière dont Duhamel caractérise l'écrivain dans ces lignes : ce dernier est un « spécialiste […] mandaté » qui se rend utile auprès de ses concitoyens. Une sorte de médecin de l'âme, dont la compétence repose davantage sur l' « humilité » et l' « expérience » que sur une vague inspiration poétique [27]. Bien qu'on trouve parfois, chez Duhamel, une certaine emphase dans les passages touchant l'art du romancier – celui-ci est après tout investi d'une « mission » – la figure qui s'impose est le plus souvent celle d'un simple professionnel. Rejetant ce qu'il nomme la « doctrine de la tour d'ivoire [28] », Duhamel voit dans le romancier un « ouvrier du présent [29] », un être lucide et pragmatique dont les procédés littéraires tiennent du « microscope » et du « thermomètre [30] ». De toute évidence, Duhamel distingue de nombreux points communs entre la création romanesque et la médecine, son premier métier. On s'explique bien, alors, que dans ses textes critiques, il cherche non seulement à inculquer le sens d'une mission aux « jeunes équipes de nos narrateurs [31] », mais aussi à leur transmettre son savoir-faire, un ensemble d'outils et de procédés qui les aideront à s'acquitter de leur fonction sociale. Ce savoir-faire, qui parsème les nombreux écrits de Duhamel, offre de précieuses indications sur sa vision du roman. Tâchons d'en dégager les principaux aspects. Les instruments du romancier. Duhamel se veut donc un « réaliste de l'âme [32] », en ce sens qu'il voit dans la « psychologie […] le fond de toute étude romanesque [33] ». Une question se pose alors : sur quels types de personnages le romancier doit-il mener ses recherches psychologiques? Pas sur des êtres d'exception, en tout cas. Dans plusieurs de ses écrits, Duhamel reproche aux romantiques et aux classiques d'avoir peint des « monstres [34] », des « figures de rêve [35] » qui n'ont rien de commun avec l'homme ordinaire. Phèdre, Hernani, Quasimodo sont des personnages beaux et étonnants, mais un abîme si profond les sépare de nous qu'ils ne sauraient nous renseigner sur notre propre existence. « Il leur manque la chair et le sang de la communion humaine [36]. » Selon Duhamel, le devoir du romancier est de créer des personnages dont le caractère ne dépasse pas outre mesure l'ordinaire – ils peuvent même, au besoin, être « médiocres, méprisables ou malheureux ou décevants [37] ». De cette façon, le lecteur pourra reconnaître en eux ses doutes, ses espoirs et ses faiblesses. Il sera amené, en lisant leur histoire, à faire un « retour sur [lui]-même [38] ». Voilà pourquoi le « médiocre Salavin », auquel Duhamel a consacré tant de pages, est « habité par un grand sujet [39] ». Ses velléités et ses échecs lui font incarner la condition humaine [40]. Ce que Duhamel écrit sur le personnage de roman vaut aussi pour l'action : ni l'un ni l'autre ne doit présenter un caractère extraordinaire. C'est dans ce sens qu'il faut entendre l'expression « romanesque familier », que Duhamel propose dans une conférence de 1936 [41]. S'il veut toucher son but – aider le lecteur à « vivre pleinement » – le romancier doit « recréer le réel [42] » de manière à révéler « la texture vraiment merveilleuse de la vie quotidienne [43] ». Duhamel ne souhaite pas faire s'évader le lecteur dans un monde factice, mais plutôt lui montrer les nuances secrètes qui font la beauté de l'existence. Le lecteur doit pouvoir dire, comme lui : « Je marche au milieu des fables [44]. » De là le rejet, chez Duhamel, du roman d'aventures et du roman historique [45], deux formes dont la tendance est à privilégier le lointain et l'extraordinaire aux dépens de l'ici-maintenant. Les romans auxquels la « substance humaine [46] » fait défaut laisseront toujours le lecteur sur sa faim, quelque divertissants qu'ils puissent être. Ici, il faut préciser que la peinture de la vie quotidienne présente en réalité un double avantage. On a vu qu'elle amenait le lecteur à un « retour sur [lui]-même [47] », contrairement aux histoires extraordinaires. Mais elle permet aussi au romancier de traiter un sujet dont il a une connaissance intime. Ce fait est d'une grande importance : Duhamel juge que le romancier « véritable » est « celui qui peut s'enfermer avec une main de papier blanc, un porte-plume, de l'encre, et tout tirer de son fonds [48] ». C'est le fruit de ses observations et de son imagination, et non des renseignements de seconde main, qui doit former son principal matériau. Comme Duhamel se plaît à le répéter : « la documentation est un leurre [49] ». En effet, s'il traite un sujet qui lui est familier, le romancier peut laisser l'action et les personnages se développer aussi naturellement que possible; il évite que des maladresses, inévitables s'il ne connaît pas personnellement son objet, compromettent la vérité de son récit. Malgré tout son talent, Zola est justement tombé dans ce piège que Duhamel ne cesse de signaler à ses confrères : son « oeuvre est en partie gâtée par un fatras documentaire qui n'est ni sincère, ni authentique, ni surtout efficace [50] ». Certaines formes, on l'aura deviné, conviennent mieux que d'autres à l'idée du roman que prône Duhamel. Un roman bref et corseté, comme Adolphe, ne peut serrer le réel d'aussi près que les longs romans russes, où l'écrivain est libre de représenter toutes les étapes du développement des personnages, jusque dans les faits les plus banals en apparence. Ainsi, Duhamel, qui au début des années 1920 voyait l'avenir du roman dans les petites compositions [51], se révélera enfin un partisan convaincu du « roman cyclique » (terme qu'il juge plus précis que « roman fleuve [52] »). L'avantage de cette forme? Elle permet mieux qu'aucune autre de « [faire] vivre [un groupe de personnages] tout au long d'une époque, au milieu des événements de cette époque, vivre et mûrir, mûrir puis vieillir [53] ». Par sa souplesse et son étendue, le roman cyclique donne au romancier toute la licence dont il a besoin pour peindre fidèlement le quotidien, sans le réduire à un noyau compact. Le roman cyclique n'a même pas à respecter certaines des conventions les plus fondamentales de l'art romanesque. Il peut, par exemple, fort bien « se passer de dénouement », puisque le modèle sur lequel il se règle n'en connaît aucun : « la vie de l'espèce a-t-elle un dénouement [54]? ». Le roman cyclique favorise aussi l'emploi d'un procédé que Duhamel dit emprunter aux « hommes de laboratoire [55] », et qui consiste à examiner un sujet sous de multiples points de vue pour en fixer tous les contours. Comme l'explique Duhamel, son roman cyclique Vie et aventures de Salavin donne à lire, d'un livre à l'autre, le protagoniste lui-même, un narrateur omniscient, le meilleur ami de Salavin, ainsi que le journal de Salavin (« Salavin tel qu'il se voit et tel qu'il “s'écrit” [56] »). Chacune de ces perspectives illumine une nouvelle face du personnage, lui donnant chaque fois un peu plus de relief. On trouve aussi cette technique dans la Chronique des Pasquier, que Duhamel considère comme son oeuvre maîtresse [57]. Par de tels procédés, le roman cyclique parvient à reproduire, dans une large mesure, l'épaisseur et la complexité de l'existence.Il apparaît toutefois légitime de se demander si, en vantant les mérites du roman cyclique, Duhamel contredit ce qu'il écrivait en 1920 à son ami Roger Martin du Gard :
Contrairement à ce qu'on pourrait croire, ces propos ne sont pas nécessairement le signe d'une rupture dans la pensée de Duhamel. À preuve : en 1934, après avoir publié tous les volumes de Vie et aventures de Salavin et amorcé l'écriture de la Chronique des Pasquier, Duhamel se déclarait encore partisan des « récit[s] sommaire[s] [59] ». En effet, un bon roman cyclique, comme son nom le laisse entendre, se compose en réalité « d'un nombre plus ou moins grand de récits brefs, exactement articulés entre eux [60] ». Ce serait donc une erreur de croire que cette forme autorise un quelconque relâchement dans la composition. Duhamel dit d'ailleurs avoir écrit sa Chronique des Pasquier d'après un « plan préalable » – assez « souple » et « docile », bien sûr, pour ne pas contraindre le romancier et ses personnages [61] –, et il précise que Vie et aventures de Salavin, bien que créé sans aucun plan, ne doit rien à un « bourgeonnement arbitraire [62] ». Le récit de Salavin a « grandi comme un arbre, comme un être vivant [63] »; non pas au gré du hasard, mais en vertu des critères souverains de l'art romanesque : la vérité et le naturel. Le roman entre tradition et modernité. On a souvent reproché à Georges Duhamel son attachement à la tradition. Le réquisitoire est connu : Duhamel serait un « homme du dix-neuvième siècle par tous ses livres [64] », un adversaire farouche des avant-gardes [65], un écrivain « raide, digne, compassé [66] ». Dans quelle mesure ces critiques sont-elles justifiées, en ce qui concerne la vision du roman de Duhamel? Celui-ci appartient-t-il vraiment, comme le soutient Michael Schwarze, à une « arrière-garde moderne » que caractérise un « recours incohérent aux discours et aux traditions les plus diverses [67] »? On ne saurait définir la conception du roman de Georges Duhamel sans creuser la question. Il faut d'abord reconnaître que Duhamel appuie constamment, dans son oeuvre critique, sur l'importance de la transmission. Le romancier du XXe siècle, écrit-il, est l'héritier d'une lignée d'écrivains ayant « patiemment mis au point » des « méthodes, [des] rites et [des] pratiques [68] » d'écriture. Le temps a démontré la valeur de ces instruments : il s'agit donc de s'en servir, « et sans ingratitude [69] ». Duhamel juge ainsi qu'il serait vain, « après un siècle de réalisme exact et salutaire, de ne pas définir un personnage romanesque, de ne pas lui donner toutes les fiches signalétiques nécessaires [70] ». De même pour les questions de style : les « bons écrivains », soutient Duhamel, usent d'une « langue ingénieuse [71] », mais toujours en respectant le bon usage établi par leurs prédécesseurs [72]. Le rôle du romancier n'est donc pas de triturer la langue, mais de « se châtier sans cesse dans [ses] ouvrages pour l'enseignement des générations nouvelles [73] ». Les romanciers qui, au nom de l'originalité, rejettent le legs de leurs devanciers et s'autorisent toutes les impropriétés de langage sont comme des « savant[s] de laboratoire » qui lèveraient le nez sur « le microscope, le compas, le thermomètre [74] ». Leur affectation les rend ridicules. Et elle ruine aussi leur dessein, puisque sans l'assise de la tradition, l'innovation même devient impossible. Comme l'écrit Duhamel, dans une des phrases les plus mémorables de la Défense des lettres : « L'imitation est jusqu'à nouvel ordre la seule école de l'originalité [75]. » Mais en dépit de ses égards pour la tradition, Duhamel fait valoir la nécessité d'innover dans la création romanesque. « J'ai peu de goût pour les impasses [76] », écrit-il. Pour ne pas s'embourber dans de vieilles conventions littéraires, le roman n'a d'autre choix que de progresser. Seulement, il faut que ce soit toujours en direction de son but véritable : éclairer notre vie intérieure. Si l'innovation ne passe pas par une rupture avec la tradition, comment procède-elle? On sait que le romancier peut transposer dans son art certains procédés scientifiques, en faisant notamment « varier les éclairages [77] » autour de son protagoniste. Mais il doit aussi profiter d'apports étrangers : dans son Essai sur le roman, Duhamel engage ses contemporains à affiner leur connaissance de l'âme humaine à la lecture des « écrivains du Nord », notamment Ibsen et Dostoïevski, qui sont allés plus loin que les Français dans l'investigation psychologique. Les personnages complexes et profonds que ces auteurs mettent en scène marquent un progrès décisif par rapport à la « psychologie méditerranéenne », portée à réduire l'être humain à un type, à une pâle « formule [78] ». L'innovation, on le voit, ne s'opère pas seulement par l'imitation, mais aussi par le rejet des traditions désuètes, comme celle du personnage type. Certes, le romancier doit reprendre les outils que lui lèguent ses prédécesseurs, mais il ne doit pas pour autant s'interdire d'en faire le tri. De tous ses devanciers, ceux que Duhamel évoque le plus souvent dans ses écrits sur le roman sont les romantiques et les naturalistes. Tout en reconnaissant l'importance de leurs apports littéraires, il estime que le roman moderne doit abandonner plusieurs de leurs pratiques. Les griefs de Duhamel à l'endroit des romantiques se résument essentiellement à ceci : ces écrivains s'intéressaient davantage à des chimères qu'aux problèmes concrets de l'existence [79]. Le regard qu'ils portaient sur l'être humain manquait cruellement de lucidité : « Le romantisme a cessé de nous donner des chefs-d'oeuvre. Il n'a pas encore fini d'égarer notre jugement [80]. » Les reproches que Duhamel fait aux naturalistes sont plus nombreux : une volonté « puérile » de conserver dans le dialogue les incorrections de la langue populaire [81], des descriptions fastidieuses [82], un manque de poésie et d'humour [83] et, par-dessus tout, une « observation sèche […] et un peu myope de la nature [84] ». Leur conception étriquée du réalisme les a conduits à ne peindre que les apparences et à négliger l'essentiel, c'est-à-dire la vie intérieure. Les lacunes des naturalistes se perpétuent cependant chez plusieurs romanciers contemporains, qui, désireux de « faire fort », sombrent dans ce que Duhamel nomme « la littérature du désespoir [85] », une littérature froide et sombre aux « brutalités [86] » artificieuses. Confit dans des dogmes surannés, le courant naturaliste « offre [au XXe siècle] le tableau d'une complète décadence [87] ». Duhamel lance donc de sévères critiques à des ǻè dont il revendique pourtant l'héritage. Doit-on toutefois en conclure qu'il se rend par là coupable d'une « incohérence fondamentale [88] »? Je ne le crois pas. Duhamel affirme, dans son Essai sur le roman, que le roman moderne est appelé à « faire la Գٳè des propositions du siècle précédent [89] ». Il doit, plus précisément, engendrer un « réalis[me] de l'âme [90] », en combinant d'une part le souci d'intériorité des romantiques, et d'autre part le souci de réel des naturalistes. On ne saurait trop insister sur l'importance, ici, du terme de Գٳè : il fait la pleine lumière sur la position de Duhamel. Celui-ci ne souhaite pas un retour impossible au passé. Il ne cherche pas non plus à rompre avec la tradition. Il tient plutôt un parti mitoyen entre deux camps également décriés : les « dandys de tous les classicismes » et les « révolutionnaires de ce matin [91] ». La raison en est qu'il conçoit l'évolution du roman comme une dialectique où les bonnes idées perdurent et se développent, et où les mauvaises tombent en désuétude. Duhamel – il faut lui rendre cette justice – n'est pas du même avis que La Bruyère sur l'innovation : « Il serait dangereux de penser qu'ils ont tout dit et que nous arrivons trop tard. Nul n'arrivera jamais trop tard. Le portrait de l'homme ne sera jamais achevé [92]. » Pour conclure, que faut-il retenir des écrits sur le roman de Georges Duhamel? On peut répondre à cette question en trois temps. 1) Le roman se définit avant tout par son utilité : il doit rendre sensible au lecteur les merveilleuses nuances de la vie humaine. 2) Pour atteindre ce but, le romancier doit peindre des personnages dans lesquels les lecteurs puissent facilement se reconnaître. Il doit procéder avec exactitude et en profondeur, sans s'égarer dans les « nébulosités romantiques [93] » ou dans « l'observation sèche » et « matérielle [94] » des naturalistes. 3) Le roman, comme les autres formes littéraires, est le fruit d'une « tradition bien-évoluante [95] ». Pour progresser vers son objectif, il doit reprendre et perfectionner la part utile de cette tradition, et en écarter les éléments caducs. Ces observations faites, il me paraît nécessaire de souligner la cohérence des propos de Duhamel sur le roman. On peut, certes, lui reprocher quelques inconséquences : le personnage vaporeux de Cécile Pasquier, par exemple, s'apparente aux « figures de rêve [96] » que Duhamel condamne pourtant chez les romantiques. Mais le système qui se fait jour dans son oeuvre critique, depuis ses premiers écrits sur la poésie jusqu'à ses dernières publications, est d'une remarquable unité. Il faut aussi noter, en dernier lieu, que Duhamel s'est beaucoup attaché à diffuser ses idées sur le roman parmi ses contemporains. En témoignent ses nombreuses publications et conférences [97], sa correspondance avec Roger Martin du Gard, ses discours académiques, et même certains passages de ses romans où l'on entend moins la voix des personnages que celle du romancier-critique [98]. Dans cette abondance de propos, et dans leur ton souvent péremptoire (pensons aux expressions comme « le véritable romancier » que j'ai souvent citées), on perçoit un constant souci d'influence. Et l'influence de Duhamel sur la littérature de son temps semble en effet avoir été considérable : Paul Claudel lui écrivait en 1935 – avec un brin de flatterie, sans doute – que Duhamel et lui étaient alors « les deux écrivains qui aux yeux du public français et européen [tenaient] sans contestation possible la première place [99] ». Que s'est-il donc produit pour que cet écrivain autrefois acclamé s'efface de nos mémoires? Les changements de sensibilité littéraire qui se sont concrétisés dans les années 1950, et que le Nouveau Roman illustre avec éclat, expliquent, du moins en partie, que lecteurs et universitaires aient peu à peu délaissé Duhamel à compter des années 1940 [100], et que l'influence de cet auteur se soit aujourd'hui estompée. Cependant, le « retour du personnage [101] » qu'on observe depuis quelque temps pourrait bien se traduire par un regain d'intérêt pour l'oeuvre de Duhamel et pour celle de ses contemporains (en particulier Romain Rolland et Roger Martin du Gard) qui, eux aussi, sont tombés dans un oubli relatif. Duhamel, qui depuis les années 1940 attend patiemment de quitter le « réfrigérateur de la gloire [102] », verra peut-être le meilleur de son oeuvre revenir dans nos bibliothèques. Notes : [1] A. Lafay,Duhamel revisité, p. 7; E. Girard, « Au front. Un médecin injustement oublié, Georges Duhamel », p. 159; M. Schwarze, « Y a-t-il une arrière-garde moderne? Le cas de Georges Duhamel », p. 212. Bibliographie : Écrits de Georges Duhamel :
Autres sources :
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Bibiographie
Ouvrages cités |
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On trouvera ci-dessous, dans l'ordre chronologique de publication, une sélection de titres où Georges Duhamel expose sa conception du roman. |
DUHAMEL, Georges. « Préface », dans Des Légendes, des batailles, Paris, Éditions de l'Abbaye, 1907. DUHAMEL, Georges et Charles VILDRAC.Notes sur la technique poétique, Paris, Champion, 1925 [1910]. DUHAMEL, Georges.Guerre et littérature, Paris, Les Cahiers des amis des livres, 1920. DUHAMEL, Georges.Essai sur le roman, Paris, Marcelle Lesage, 1925. DUHAMEL, Georges.Remarques sur les mémoires imaginaires, Paris, Mercure de France, 1934. DUHAMEL, Georges. « L'exemple de Cervantes », dans Deux Patrons, suivi de Vie et mort d'un héros de roman, Paris, Paul Hartmann, 1937, p. 59-99. DUHAMEL, Georges. « Vie et mort d'un héros de roman », dans Deux Patrons, suivi de Vie et mort d'un héros de roman, Paris, Paul Hartmann, 1937, p. 101-156. DUHAMEL, Georges.Défense des lettres. Biologie de mon métier, Paris, Mercure de France, 1937. DUHAMEL, Georges. « Rapport sur les concours de l'année 1944 »,, page consultée le 22 septembre 2018. DUHAMEL, Georges.Chroniques des saisons amères. 1940-1943, Paris, Paul Hartmann, 1944. DUHAMEL, Georges. « Anatole France, gardien du langage »,, page consultée le 22 septembre 2018. DUHAMEL, Georges.Chronique de Paris au temps des Pasquier, Paris, Union Latine d'Éditions, 1951. DUHAMEL, Georges. « La chanson de Roland », dans Refuges de la lecture, Paris, Mercure de France, 1954, p. 77-97. DUHAMEL, Georges. « Gustave Flaubert », dans Refuges de la lecture, Paris, Mercure de France, 1954, p. 183-206. DUHAMEL, Georges. « Le trésor des belles lettres », dans Refuges de la lecture, Paris, Mercure de France, 1954, p. 237-275. DUHAMEL, Georges.Travail, Ô mon seul repos!, Namur, Éditions Wesmael-Charlier, 1959. DUHAMEL, Georges.Le Livre de l'amertume, Paris, Mercure de France, 1984. LAFAY, Arlette (éd.).Témoins d'un temps troublé. Roger Martin du Gard, Georges Duhamel. Correspondance 1919-1958, Paris, Lettres modernes Minard, 1987. HUEBER, Jean-Jacques (éd.).Le Croyant et l'humaniste inquiet : Correspondance François Mauriac – Georges Duhamel (1919-1966), Paris, Klincksieck, 1997. |
Citations
DUHAMEL, Georges. « Préface », dans Des Légendes, des batailles, Paris, Éditions de l'Abbaye, 1907. |
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« J'ai suivi, au fur et à mesure d'une éducation normale, le chemin tracé par la race, tendant à résumer dans mon développement l'évolution du langage et de l'esprit. Il y a là une loi, bien connue des naturalistes; elle est applicable schématiquement à l'embryogénie de l'esprit comme à celle des organes : or, il est bon de le faire remarquer et de le crier bien fort, à une époque où la littérature est une manière de musée tératologique riche en monstres venus au monde des lettres soudainement, sans gestation préalable, mirifiques champignons de notre fumier poétique, riche aussi en regrettables foetus expulsés hâtivement, avant terme, et qui forment en bloc, une manière de lourd boulet retardataire que traîne à son pied la tradition bien-évoluante. » (p. 11-12) |
DUHAMEL, Georges et Charles VILDRAC.Notes sur la technique poétique, Paris, Champion, 1925 [1910]. |
« […] le monde a subi des secousses furieuses; la poésie en a souffert, sans nul doute, et profité peut-être. Que vont donc penser de ces querelles nos frères cadets, les révolutionnaires de ce matin, tous ceux qui ont fourré des pétards dans la syntaxe, vitriolé la grammaire, écartelé la typographie, éventré le vocabulaire et soufflé dans les mots comme au cul des grenouilles, pour voir? Et les autres, les repentis, les “esprits distingués”, les dandys de tous les classicismes, les conscrits de toutes les restaurations, cravates et cocardes? » (p. V) |
DUHAMEL, Georges.Guerre et littérature, Paris, Les Cahiers des amis des livres, 1920. |
« Je crois volontiers, avec Taine, que “le milieu, c'est-à-dire l'état général des moeurs et de l'esprit, détermine l'espèce des oeuvres d'art”. » (p. 13) |
DUHAMEL, Georges.Essai sur le roman, Paris, Marcelle Lesage, 1925. |
[Sur l'adéquation du genre et de la matière :] « Les pensées qui prennent naissance dans un esprit créateur, dans un esprit de poète, comportent, dès le principe, des caractères précis qui commandent impérieusement le genre littéraire dans lequel chacune de ces pensées devra trouver une réalisation convenable. » (p. 23) |
DUHAMEL, Georges.Remarques sur les mémoires imaginaires, Paris, Mercure de France, 1934. |
« La poésie épique est morte, mais les hommes ont toujours besoin d'histoires. Le roman moderne est un arrière-neveu de l'épopée primitive. » (p. 11) |
DUHAMEL, Georges. « L'exemple de Cervantes », dans Deux Patrons, suivi de Vie et mort d'un héros de roman, Paris, Paul Hartmann, 1937, p. 59-99. |
« Chez Cervantes, tout est incroyable : le roman n'est pas encombré par les digressions, il en est nourri. Tout ce qui devrait troubler l'harmonie de l'ouvrage contribue à l'intérêt. Il y a plus de philosophie exprimée dans la seconde partie que dans la première. Cela pourrait gâter le roman. Il n'en est rien. La seconde partie, je l'ai dit, est, à mon sens, meilleure que la première. Sous le rapport de la technique même, ce chef-d'oeuvre est bien fait pour brouiller toutes nos convictions et pour briser toutes les règles. » (p. 89) |
DUHAMEL, Georges. « Vie et mort d'un héros de roman », dans Deux Patrons, suivi de Vie et mort d'un héros de roman, Paris, Paul Hartmann, 1937, p. 101-156. |
« Il m'a fallu parvenir au seuil de la maturité pour découvrir que le personnage singulier n'est pas le personnage étonnant. En d'autres termes, un héros de roman nous touche non par son caractère exceptionnel, mais par son inquiétante généralité. » (p. 105) |
DUHAMEL, Georges.Défense des lettres. Biologie de mon métier, Paris, Mercure de France, 1937. |
[Sur le génie littéraire :] « Eh bien! Non, le génie n'est pas le fruit d'un accident, d'un hasard, d'un excès, d'une drogue. […] L'opium, la morphine, l'éther, l'alcool même donnent à des milliers de malheureux le sentiment subjectif du génie; ces poisons n'ont pas doté le monde humain d'un seul chef-d'oeuvre. Qu'on n'aille pas citer Baudelaire et les Paradis… Quand Baudelaire est excellent, il a la cervelle froide et le regard cruellement limpide. » (p. 150-151) |
DUHAMEL, Georges. « Rapport sur les concours de l'année 1944 »,, page consultée le 22 septembre 2018. |
[Sur l'imagination :] « Je serais tenté de dire : on ne crée que ce qui existe. Le romancier trouve ses personnages en lui-même d'abord et autour de lui. Ce qu'il semble créer de toute pièce est fait, somme toute, avec les sédiments de tout ce que la vie abandonne dans sa mémoire. Imaginer, c'est assembler des éléments épars et les ordonner de façon nouvelle. » |
DUHAMEL, Georges.Chroniques des saisons amères. 1940-1943, Paris, Paul Hartmann, 1944. |
« Il semblait bien qu'il fût impossible d'aller plus loin que ces écrivains [les naturalistes] dans la peinture stricte, étroite et implacable des apparences. Je dis “il semblait”, car il est toujours possible d'aller plus loin. Je considère que Jules Renard exprime cette volonté de passer outre, de serrer le réel de plus près encore, avec des mots plus crus, des tours plus arides, un style plus sec et plus précis. » (p. 32) |
DUHAMEL, Georges. « Anatole France, gardien du langage »,, page consultée le 22 septembre 2018. |
« Les bons écrivains se servent par excellence de la langue, mais ils ne possèdent pas sans réserve et sans contrôle ce bien qui leur a été confié par leurs aïeux et qu'ils devront eux-mêmes transmettre à leurs descendants. » |
DUHAMEL, Georges.Chronique de Paris au temps des Pasquier, Paris, Union Latine d'Éditions, 1951. |
« Je respecte l'effort de Zola, l'oeuvre de Zola, non sans réserves et objections, toutefois. Cette oeuvre est parfois inspirée, elle est plus souvent encore volontaire. […] L'oeuvre de Zola doit plus à la documentation qu'à la connaissance personnelle et profonde. Comment, d'ailleurs, un homme pourrait-il avoir une expérience personnelle et profonde de personnages et de milieux aussi divers? » (p. 23-24) |
DUHAMEL, Georges. « La chanson de Roland », dans Refuges de la lecture, Paris, Mercure de France, 1954, p. 77-97. |
« La grande floraison romanesque de la France, depuis trois siècles, représente la survivance et la reviviscence de l'esprit d'épopée dans un peuple qui n'en a jamais d'ailleurs été déserté. » (p. 97) |
DUHAMEL, Georges. « Gustave Flaubert », dans Refuges de la lecture, Paris, Mercure de France, 1954, p. 183-206. |
« Les mignardises et les préciosités des Goncourt, les contorsions de Huysmans, il [Flaubert] les a regardées de loin et d'ailleurs jugées sans faiblesse. Il a fermement tenu le gouvernail pendant une passe difficile. Ceux qui, non sans raison, pensent aujourd'hui que la vertu de notre langage est un principe d'espoir dans le désarroi de la patrie, ceux-là peuvent dédier à Flaubert, chaque jour, une pensée de gratitude » (p. 191) |
DUHAMEL, Georges. « Le trésor des belles lettres », dans Refuges de la lecture, Paris, Mercure de France, 1954, p. 237-275. |
« Ce ne sont pourtant pas les écrivains du romantisme qui vont mener le roman à ses plus durables conquêtes. Ils sont bien trop occupés d'eux-mêmes pour voir l'univers d'un oeil froid et le peindre avec une stricte vigilance. Vraiment, ce sont de grands poètes, et que peut-on leur demander de plus? » (p. 262) |
DUHAMEL, Georges.Travail, Ô mon seul repos!, Namur, Éditions Wesmael-Charlier, 1959. |
« J'ai suivi les romantiques dans leur évasion, sans toutefois m'égarer quand ils en éprouvent le désir. Je dois beaucoup aux réalistes – Balzac et Flaubert, sans doute –; mais les naturalistes ont, à mon sens, oublié qu'il n'y a pas de véritable romancier sans poésie et sans humour » (p. 39-40) |
DUHAMEL, Georges.Le Livre de l'amertume, Paris, Mercure de France, 1984. |
[Sur les Thibault de Roger Martin du Gard :] « Ces “Thibault”, c'est aussi bien que possible. Et pourtant, je crois que c'est un immense effort sur une forme d'art épuisée, c'est d'une honnêteté absolue. Cela trouvera en outre son public, mais je ne peux m'empêcher de penser que, ni dans la technique, ni dans la psychologie, ni dans aucun des procédés d'art mis en jeu, cela n'ajoute quoi que ce soit aux grands romans naturalistes de la fin du siècle dernier. Pourtant, je m'y intéresse, non seulement parce que c'est d'un ami, mais encore parce que c'est d'une grande oeuvre et que Roger Martin du Gard est, parmi mes amis, un des derniers avec qui j'éprouve quelque plaisir à parler de mon art. » (p. 73-74) |
LAFAY, Arlette (éd.).Témoins d'un temps troublé. Roger Martin du Gard, Georges Duhamel. Correspondance 1919-1958, Paris, Lettres modernes Minard, 1987. |
[Lettre du 22 février 1920] « Je sais, par expérience que si je veux revenir obstinément sur mon ouvrage jusqu'à ce que chef-d'oeuvre s'ensuive, je gâterai tout ce qu'il peut y avoir là de bon. » (p. 8) |
HUEBER, Jean-Jacques (éd.).Le Croyant et l'humaniste inquiet : Correspondance François Mauriac – Georges Duhamel (1919-1966), Paris, Klincksieck, 1997. |
[Lettre du 27 mai 1925] « Eh bien, mon cher Mauriac, ils ont raison les autres : Le Désert de l'amour est un bien beau livre, à mon goût le meilleur de vos livres. Tout y est juste, vrai, émouvant. Le personnage du père suffirait à la gloire du romancier. » (p. 36) |