Sud planétaire : des modèles climatiques plus justes grâce aux données historiques
Une équipe internationale dirigée par l’Université McGill a trouvé le moyen de concevoir des modèles de changements climatiques plus justes pour le Sud planétaire en utilisant des données provenant de registres historiques tenus par des visiteurs, notamment des missionnaires.
Pour illustrer le tout, une Ă©quipe de recherche interdisciplinaire comprenant des climatologues, des analystes de donnĂ©es et un historien ont intĂ©grĂ© des donnĂ©es tirĂ©es d’archives du xixe ˛őľ±Ă¨ł¦±ô±đ provenant de missionnaires en poste en Tanzanie aux donnĂ©es actuelles pour la rĂ©gion, fournies par des spĂ©cialistes en modĂ©lisation climatique. Elle a rĂ©ussi Ă quantifier les donnĂ©es historiques, qui Ă©taient, disons-le, plus empiriques que scientifiques. RĂ©sultat : des donnĂ©es rendant compte des changements climatiques intervenus pendant la pĂ©riode la plus longue jamais rĂ©pertoriĂ©e dans la rĂ©gion et permettant de concevoir des modèles de changements climatiques plus justes. Les rĂ©sultats de ces travaux ont Ă©tĂ© publiĂ©s recemment dans la revue .
« Le Sud planétaire a été négligé par les scientifiques, et les organisations de la région commencent à peine à rectifier le tir, affirme Philip Gooding, chercheur au de l’Université McGill et auteur principal de l’étude. « En Tanzanie comme dans de nombreuses régions tropicales du Sud planétaire, on n’a pas encore colligé, ou du moins analysé, de données antérieures aux années 1950 sur l’évolution du climat, poursuit-il. C’est en partie parce que la recherche sur les changements climatiques est plus difficile dans ces régions. Par exemple, l’analyse des cernes de croissance des arbres ne va pas de soi, parce que de nombreuses espèces tropicales ne produisent pas de tels anneaux ou réagissent différemment aux variations du climat. Quant aux sédiments lacustres, ils témoignent de la variabilité climatique sur des dizaines d’années, mais leur analyse ne reflète pas les conditions annuelles ou saisonnières. » C’est pourquoi, dit-il, l’équipe de recherche s’est plongée dans des archives.
Précipitations et sécheresses sous l’œil des missionnaires et des explorateurs
L’équipe de recherche a étudié les registres climatiques d’Ujiji, de Tabora et de Mpwapwa, au centre de la Tanzanie, pour la période allant de 1856 à 1890. Dans ces villes situées à peu près à la même latitude, la saison des pluies se produit plus ou moins au même moment de l’année et a une durée similaire.
Les « explorateurs » européens et les premiers impérialistes ont commencé à fouler ces contrées à la fin des années 1850. Ils ont noté leurs observations sur la météo et se sont renseignés auprès de la population pour connaître la météo des saisons et des années antérieures. À compter des années 1870, diverses œuvres missionnaires européennes ont commencé à dépêcher des représentants dans la région. Les séjours de ces derniers étant plus longs, les registres sont plus fiables, estime l’équipe de recherche.
Registre des pluies sur 30 ans, au xixe ˛őľ±Ă¨ł¦±ô±đ
Le contenu des lettres et des journaux de ces Européens varie énormément, mais les conditions climatiques étaient pour eux un sujet d’intérêt : variabilité des précipitations, périodes de sécheresse, inondations, récoltes et état des champs et des pâturages.
Pour la période allant de 1856 à 1890, on possède suffisamment de données pour dégager des tendances climatiques à long terme, surtout lorsqu’on les collige et qu’on les intègre à des modèles.
Des données entachées d’un passé chargé
L’équipe de recherche n’est pas sans savoir que les données historiques, issues d’un passé chargé, posent problème.
« Les Européens sont intervenus dans les affaires africaines en invoquant, entre autres choses, les ravages des sécheresses racontés par les missionnaires, mais n’ont pas pour autant accru la résilience à ce phénomène. Par leur discours lourdement racialisé, ils ont infantilisé et brutalisé ces peuples qui, bientôt, allaient subir la colonisation », explique Philip Gooding.
Il reste que ces données viennent améliorer la justesse des modèles climatiques, poursuit-il, ajoutant que la méthode mise au point dans son étude peut s’appliquer plus largement au Sud planétaire.
« Si on utilise uniquement des données provenant de modèles climatiques, l’incertitude est assez grande, parce qu’on ne peut pas les confirmer par des observations faites dans la région, souligne Melissa Lazenby, climatologue de l’Université du Sussex et coauteure de l’article. Comme on a intégré des données historiques à celles de nos modèles, notre étude brosse un portrait plus juste et plus crédible de l’activité climatique passée. Ainsi, les modèles climatiques portant sur cette région aux maigres registres sont plus solides et peuvent nous permettre de faire des prévisions plus justes et plus crédibles. »
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L’article « Documents, Reanalysis, and Global Circulation Models: A new Method for Reconstructing Historical Climate Focusing on Present-day Inland Tanzania, 1856-1890 », par Philip Gooding et coll., a été publié dans la revue .
DOI :
Financement
ł˘â€™Ă©tłÜ»ĺ±đ a Ă©tĂ© financĂ©e par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.