La génétique permet aux chercheurs Montréalais d’élucider des mystères vieux de plusieurs décennies
Le mystère commence en 1976. Adolfo Pampena reçoit un diagnostic d’une forme rare de cancer qui est à l’origine de divers symptômes étranges et qui est associé à l’apparition de multiples tumeurs à l’estomac et au colon. Déconcertée, son équipe médicale n’a pas les moyens de répondre aux questions les plus importantes pour lui et pour sa famille : la cause de sa maladie et les risques pour les générations à venir.
Aujourd’hui, 35 ans plus tard, les réponses sont là , grâce à une étude en génétique qui a été menée par des chercheurs de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR du CUSM), du Programme en génétique du cancer de l'Université McGill, du Centre de recherche clinique en oncologie Gérald Bronfman et de l’Institut Lady Davis de recherches médicales de l’Hôpital général juif. L’étude a été publiée récemment dans le New England Journal of Medicine (NEJM).
Les chercheurs ont réussi à isoler le gène responsable de la maladie (BUB1B), qui participe à la régulation de la séparation des chromosomes. L’instabilité des chromosomes lors de la division des cellules peut les conduire au mauvais endroit, pouvant entraîner l’apparition de tumeurs. Ìý« Cette Ìý découverte signifie que des patients peuvent se présenter à notre clinique génétique avec un état inconnu et, en bout de ligne, obtenir un diagnostic pertinent pour eux et leurs familles », déclare le Dr William Foulkes, auteur principal de l’étude et chercheur en génétique à l’IR du CUSM et à l’Institut Lady Davis.
« Mon père et mes proches ont été soulagés d’apprendre que le risque de cancer pour les autres membres de la famille est moins élevé que ce que nous pensions, souligne Mary Pampena, la fille d’Adolfo. Maintenant, nous en savons davantage sur les antécédents génétiques de mon père et sur les cancers dont il a été atteint. Nous savons quel examen de dépistage effectuer à l’avenir. Ces renseignements sont importants pour nous, pour nos enfants et pour les générations futures.»
Dans une autre étude publiée dans le Journal of the American Medical Association (JAMA) de janvier 2011, le Dr Foulkes décrit en détail la percée d’un second mystère qui impliquait cinq familles avec de longs antécédents de goitre multinodulaire atoxique (GMN). Un goitre est une maladie qui touche la glande thyroïde et qui peut entraîner un gonflement extrême du cou ou du larynx. La forme la plus commune de la maladie n’est pas génétique mais due à une insuffisance en iode. Toutefois, on savait que cette forme de GMN était d’origine génétique, mais la mutation spécifique responsable de cette maladie n’avait, à ce jour, jamais été localisée. Le Dr Foulkes et le Dr Marc Tischkowitz (du Programme en génétique du cancer de l’Université McGill et de l’Institut Lady Davis) et leur équipe y sont finalement parvenus et ont localisé la mutation à un endroit surprenant.
« Il s’est avéré que la mutation, sur le gène appelé DICER1, était extrêmement inhabituelle, » selon le Dr Foulkes, qui est également professeur de médecine James McGill aux départements de génétique humaine et d’oncologie, et directeur du Programme en génétique du cancer de l’Université McGill. « Elle modifie les protéines à un endroit seulement, et ce changement suffit à provoquer un goitre multinodulaire. En règle générale, la mutation du gène à l’origine d’une maladie cause de nombreux problèmes, et non une seule maladie. Mais dans ce cas, nous n’avons aucune évidence qu’elle soit à l’origine d’autre chose que le goitre. »
Ìý
Étrangement, dans trois familles, des femmes se sont vues diagnostiquer une forme inhabituelle de tumeur ovarienne appelée tumeur à cellules de Sertoli et de Leydig, ce qui a permis au Dr Foulkes et à ses collaborateurs de confirmer le lien génétique entre le goitre multinodulaire et ces rares tumeurs. L’hypothèse de cette relation a été formulée pour la première fois en 1974.
« À l’avenir, en tant que chercheurs, notre défi sera d’être capable d’aider des gens souffrant d’une maladie inconnue en décelant assez rapidement la cause génétique de leur problème, explique le Dr William Foulkes. À long terme, nous espérons pouvoir améliorer le diagnostic, Ìýle traitement et bien d’autres aspects de la prise en charge des patients.»
Au sujet des études :
L’étude publiée dans le NEJM a été financée par des bourses de la Turner Family Cancer Research Fund, le Fonds de la recherche en santé du Québec (FRSQ), l’IR du CUSM, la bourse de recherche Henry R. Shibata de l’Institut des Cèdres contre le Cancer, le Breakthrough Breast Cancer Research Centre et le Research Councils UK.
L’étude publiée dans le JAMA a été financée par des bourses du Week-end pour vaincre les cancers féminins, Turner Family Cancer Research Fund, le FRSQ, l’IR du CUSM et la bourse de recherche Henry R. Shibata de l’Institut des Cèdres contre le Cancer.