Des recherches sur le dépistage de la tuberculose mènent à la toute première recommandation négative de l’OMS
Des équipes dirigées par l’IR CUSM/McGill publient des résultats sur l’inexactitude et le piètre rapport coût-efficacité de tests sérologiques répandus dedépistage de la tuberculose
Bien qu’aucune politique n’ait jamais recommandé l’utilisation de tests sérologiques (par les anticorps) pour le dépistage de la tuberculose, des dizaines de ces tests sont présentement sur le marché et vendus dans des pays en développement où la réglementation est peu sévère ou inexistante. Plus d’un million de ces tests non approuvés sont menés chaque année, à grand coût tant financier qu’humain pour des patients mal informés. Des données de plus en plus nombreuses montrent clairement que ces tests ne permettent pas un diagnostic fiable de la tuberculose, produisant dans bien des cas de faux positifs ou de faux négatifs, et qu’ils ne présentent pas un aussi bon rapport coût-efficacité que des tests recommandés de dépistage de la tuberculose.
Ces résultats, résumés dans deux articles préparés sous la direction du Dr Madhukar Pai de l’Université McGill et publiés cette semaine dans PLoS Medicine, ont récemment mené l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) à publier une recommandation de politique incitant fortement les pays à proscrire l’utilisation de tests sérologiques de dépistage de la tuberculose évolutive disponibles dans le commerce. Cette « recommandation de politique négative » concernant des tests diagnostiques actuellement sur le marché est la première du genre émise par l’OMS.
« Si la plupart des organismes de réglementation disposent de mécanismes leur permettant de retirer ou d’interdire desmédicaments ou vaccins dangereux, la sensibilisation quant aux impacts économiques et à la santé de tests diagnostiques inexacts ou sous-optimaux est limitée. Que l’OMS fasse preuve de leadership et émette une recommandation à l’encontre de tests inexacts ou sous-optimaux de dépistage de la tuberculose constitue une excellente nouvelle », mentionne le Dr Pai, professeur adjoint à l’Université McGill et chercheur au sein de l’Unité d’épidémiologie respiratoire et de recherche clinique de l’Institut thoracique de Montréal ainsi qu’à l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill.
Dans un premier article, dont l’auteure principale est Karen Steingart de l’École de santé publique de Seattle affiliée à l’Université de Washington, les chercheurs rendent compte de l’examen systématique et de la méta-analyse de 92 études qui évaluent l’exactitude diagnostique des tests sérologiques de dépistage de la tuberculose pulmonaire et extrapulmonaire (qui touche des parties du corps autres que les poumons) disponibles dans le commerce, en s’attardant plus particulièrement sur la pertinence de ces tests pour les pays en développement. Les auteurs notent que les tests sérologiques sont hautement inexacts et erratiques et concluent que, dans l’ensemble, pour les deux types de tuberculose, la qualité des données sur lesquelles repose l’exactitude diagnostique de ces tests est faible.
La seconde étude, menée par le Dr David W. Dowdy de l’École de santé publique de Baltimore affiliée à l’Université Johns Hopkins, décrit l’analyse coût-efficacité de tests sérologiques utilisés en Inde et compare ces résultats à ceux d’autres techniques diagnostiques encore utilisées dans ce pays. Selon les auteurs, utilisés pour le dépistage initial de la tuberculose chez les adultes, les tests sérologiques sont associés à une souffrance accrue, à une mortalité prématurée plus importante et à plus de cas de faux positifs et de surinfections (en raison de faux négatifs) que l’analyse de frottis de crachat au microscope, tout en entraînant une augmentation des coûts par patient en matière de lutte contre la tuberculose en Inde. Cette analyse suggère également que la priorité devrait être accordée aux efforts visant à améliorer l’accès à la microscopie assujettie à un contrôle de la qualité et que, là où l’accès et les ressources le permettent, la microscopie combinée à la culture en milieu liquide automatisée devrait remplacer les tests sérologiques à titre de procédé diagnostique supplémentaire.
S’il est vrai que la dernière décennie a vu d’importantes avancées dans la lutte contre la tuberculose, le diagnostic erroné constitue toujours un obstacle majeur pour ce qui est de combattre l’épidémie de tuberculose planétaire. « Malheureusement, contrairement au VIH ou au paludisme, il n’existe pas encore de test hors laboratoire de dépistage de la tuberculose qui soit fiable. L’OMS encourage fortement la recherche visant la mise au point de tests sérologiques nouveaux ou améliorés, affirme le Dr Pai. »
La recommandation de l’OMS visant les tests sérologiques de dépistage de la tuberculose constitue une orientation fort à propos à l’échelle planétaire, et son application est essentielle dans les pays à forte prévalence de tuberculose où l’utilisation de tels tests est répandue. « Nous sommes heureux de constater que certains pays, comme l’Inde, ont déjà adopté la recommandation de l’OMS et émis des avis déconseillant l’utilisation de tests sérologiques, ajoute le Dr Pai. Le défi consiste à améliorer la réglementation, notamment pour le secteur privé des soins de santé, et à mettre en place des mesures incitant les fournisseurs privés à adopter les tests recommandés par l’OMS. »
Au sujet de l’article
L’examen et la méta-analyse ont été commandités par l’OMS avec des fonds provenant de l’Agence internationale pour le développement des États-Unis, par l’entremise d’une subvention administrée par le Programme spécial UNICEF/Programme des Nations Unies pour le développement/Banque mondiale/OMS de recherche et de formation concernant les maladies tropicales. Les travaux sur l’analyse coût-efficacité ont bénéficié du soutien financier du Groupe de travail sur les nouvelles méthodes diagnostiques du partenariat Halte à la tuberculose. Les travaux du Dr Pai bénéficient du soutien financier des Instituts de recherche en santé du Canada et de Grands Défis Canada.
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Lien vers la première étude :
Lien vers la seconde étude :