Témoignage de Jody Heymann devant le Comité sénatorial américain
La directrice de l’Institut de recherche sur les politiques sociales et de santé de McGill invitée à discuter du projet de loi approuvé par le sénateur Kennedy sur les congés de maladie payés
Le mardi 13 février, la Dre Jody Heymann, directrice de l’Institut de recherche sur les politiques sociales et de santé de l’Université McGill, a témoigné à titre d’experte-conseil relativement à la question des congés de maladie payés auprès du Comité sénatorial des États-Unis sur la santé, l’éducation, le travail et les régimes de retraite.
« Sans congés de maladie payés, les membres de familles ayant un revenu de travail sont à risque sur le plan économique, et perdent à la fois salaire et sécurité d’emploi lorsqu’ils doivent s’absenter pour prendre soin d’un proche », a indiqué la Dre Heymann aux membres du Comité.
Considérée comme l’une des principales spécialistes en Amérique du Nord quant aux répercussions des politiques sociales et de santé sur les familles ayant un revenu de travail, la Dre Heymann a récemment fait paraître une nouvelle étude qui révèle que les politiques américaines en matière de conditions de travail dont bénéficient les familles accusent un immense décalage comparativement à l’ensemble des pays à revenu élevé et à bon nombre de pays en développement.
Dans l’étude intitulée 2007 Work, Family, and Equity Index: How Does the U.S. Measure Up? publiée le 1er février à Washington, la Dre Heymann soutient qu’au moins 145 pays octroient des congés de maladie payés en cas d’invalidité à court ou à long terme. De ce nombre, 127 pays accordent un congé annuel d’une semaine ou plus. Les États-Unis n’accordent quant à eux que des congés non rémunérés, et ce, uniquement en cas de maladie grave, conformément à la Family & Medical Leave Act, une loi qui ne couvre pas l’ensemble des travailleurs.
« Les États-Unis peuvent-ils se permettre d’accorder des congés de maladie payés tout en demeurant concurrentiels au sein de l’économie mondiale? La réponse est oui, sans équivoque. La plupart des pays disposent d’une loi garantissant le droit à des congés de maladie rémunérés. C’est le cas de la majeure partie des économies les plus concurrentielles. Ce droit fera-t-il une différence quant à la santé des enfants et des adultes américains ayant besoin de soins? Oui, et cette différence sera énorme », a signalé la Dre Heymann lors de son témoignage devant le Comité.
Le sénateur Edward Kennedy (démocrate, Massachusetts), qui vient d’être nommé à la présidence du Comité sénatorial des États-Unis sur la santé, l’éducation, le travail et les régimes de retraite, s’attache à faire en sorte que le congrès, désormais majoritairement démocrate, adopte la Healthy Families Act: Safeguarding Americans’ Livelihood, Families and Health with Paid Sick Days (Loi sur la santé des familles : protection des sources de revenu, de la famille et de la santé des Américains grâce aux congés de maladie payés). En vertu de la loi proposée, les employés disposeraient annuellement de sept congés payés qu’ils pourraient utiliser en cas de maladie ou pour prendre soin d’un membre de leur famille.
Dans le cadre de son témoignage, Jody Heymann a puisé dans sa formation à titre de pédiatre et d’analyste de politiques, de même que dans sa propre expérience en tant que professionnelle de la santé, afin de faire ressortir les avantages associés aux congés de maladie rémunérés, tant pour les parents que pour les entreprises qui les emploient.
« À titre de pédiatre, je m’attendais à ce que les parents de mes jeunes patients leur donnent les soins dont ils avaient besoin. En autorisant un enfant à quitter l’hôpital à la suite d’une crise d’asthme aiguë, l’ordonnance et les instructions à l’égard des soins à prodiguer étaient donnés au père et à la mère; c’est uniquement à eux que revenait la responsabilité du bien-être de l’enfant et de lui assurer un rétablissement rapide. Dans le cas contraire, l’enfant serait quelques jours plus tard de retour à la salle d’urgence. Pour les parents dont l’employeur permettait le recours à des congés de maladie afin de prendre soin de leur enfant, qu’il s’agisse d’une crise d’asthme, d’un vaccin ou de la vérification de jalons importants en matière de développement, la responsabilité pouvait être alors assumée. Mais j’ai constaté que trop de parents américains n’ont pas la possibilité de fournir à leurs enfants les soins dont ils ont besoin; même s’ils le souhaitent de tout cœur. Ces parents sont forcés de choisir entre la santé des leurs et leur gagne-pain, essentiel au bien-être », a conclu la Dre Heymann.
Directrice fondatrice du Projet mondial sur les familles ayant un revenu de travail de l’Université Harvard, Jody Heymann est titulaire d’une maîtrise et d’un doctorat en politique publique de l’Université Harvard. Elle est entrée au service de l’Université McGill en 2005 à titre de directrice fondatrice de l’Institut de recherche sur les politiques sociales et de santé de l’Université McGill et de titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la santé et les politiques sociales dans le monde. Son plus récent ouvrage, intitulé Forgotten Families: Ending the Growing Crisis Confronting Children and Working Parents in the Global Economy (Oxford University Press, 2006), porte sur les répercussions de la mondialisation sur les familles ayant un revenu de travail, aux quatre coins du monde.