Prévenir la dépression chez l'enfant peut atténuer cet état chez l'adulte
La prévention de la dépression chez l'enfant est le meilleur moyen de prévenir cet état chez l'adulte, selon John Abela. Ce professeur de psychologie à McGill vient de terminer une étude novatrice (la première de son genre à bien des égards) dans le cadre de laquelle il a cherché à savoir si les enfants sont vulnérables à la dépression pour des raisons d'ordre psychologique et environnemental. Les résultats de cette étude seront présentés la semaine prochaine lors d'une conférence parrainée par la Society for Research on Child Development.
« Les enfants d'aujourd'hui sont plus pessimistes, tristes et déprimés que jamais auparavant », déclare M. Abela. « La dépression n'est pas définie par l'âge pas plus qu'elle n'est l'apanage des adultes. Lorsqu'ils atteignent l'âge de 14 ans, jusqu' à neuf pour cent des enfants ont déjà connu au moins une crise de dépression grave. »
L'étude de M. Abela, réalisée avec le concours de 35 étudiants de 1er et 2e/3e cycle, est la première de son genre :
- à analyser les croyances des enfants sur eux-mêmes, le monde et l'avenir et les conséquences de ces croyances sur le bien-être affectif pendant 14 mois au moyen d'entrevues diagnostiques, d'évaluations multiples des symptômes de dépression et d'évaluations perfectionnées du stress.
- à déterminer si les enfants dont les parents ont des antécédents de dépression ont des croyances plus pessimistes sur eux-mêmes, le monde et l'avenir, par rapport aux enfants dont les parents n'ont pas d'antécédents de dépression.
- à démontrer que les modes de pensée pessimistes provoquent une certaine vulnérabilité à la dépression, même chez les jeunes enfants (de 6 à 10 ans).
Objectifs
L'objectif primordial de l'étude de M. Abela était de déterminer sur une période d'un an si des facteurs psychologiques et environnementaux expliquent la vulnérabilité à la dépression chez un échantillon d'enfants à haut risque âgés de 6 à 14 ans. « En utilisant un échantillon d'enfants à haut risque », explique-t-il, « nous avons maximisé le nombre de participants qui ont connu des crises de dépression durant l'étude ».
Le premier groupe de participants se composait de 140 enfants à haut risque dont au moins un des parents avait des antécédents de dépression. Ces enfants ont été suivis pendant 14 mois. Un deuxième échantillon de 40 enfants à faible risque, dont les parents n'avaient pas d'antécédents de dépression, ont été recrutés comme groupe témoin. Le groupe à faible risque a été interviewé une fois et n'a pas pris part à l'étude pendant toute sa durée.
Après une entrevue préliminaire, les participants à haut risque ont reçu un coup de téléphone toutes les six semaines pour connaître leurs symptômes de dépression et la survenue d'événements négatifs dans leur existence. Ce processus a duré 12 mois. Au cours des deux mois suivants, chaque enfant s'est vu remettre un petit ordinateur pour surveiller les symptômes de dépression et la survenue d'événements négatifs. Appelés Jornada 690, ces ordinateurs portatifs étaient préprogrammés pour indiquer aux participants quand il était temps d'évaluer la façon dont ils se sentaient et ce qui se passait dans leur vie. Au retentissement d'une alarme, l'enfant allumait son ordinateur et un ensemble de questions, une à la fois, apparaissait à l'écran. Toutes les questions étaient lues à haute voix par l'ordinateur et des réponses apparaissaient à l'écran. L'enfant n'avait qu'à effleurer la réponse qui décrivait le mieux son état à ce moment-là .
¸éé²õ³Ü±ô³Ù²¹³Ù²õ
L'étude de M. Abela a donné de nombreux résultats très convaincants. « Le plus intéressant est que les enfants dont un des parents a des antécédents de dépression courent quatre fois plus de risques d'être déprimés eux-mêmes », affirme M. Abela. « Même si les études épidémiologiques démontrent que les enfants dont les parents ont des antécédents de graves crises de dépression courent plus de risques de connaître de graves troubles dépressifs que les enfants dont les parents n'ont pas de tels antécédents, relativement peu d'études ont cherché à savoir pourquoi. »
Au cours de son étude, M. Abela a cherché à déterminer si des facteurs psychologiques ou environnementaux contribuaient aux troubles dépressifs chez les enfants à haut risque. Le résultat? « Nous avons découvert que des facteurs d'ordre psychologique et environnemental peuvent entraîner des troubles dépressifs chez les enfants », répond-il.
Parmi les facteurs qui rendent les enfants vulnérables à la dépression, mentionnons : la tendance à formuler des remarques pessimistes sur soi-même, le monde et l'avenir; peu d'amour-propre; de piètres stratégies d'adaptation comme le fait de ruminer des problèmes sans tenter d'y remédier; des traits de personnalité rigides et extrêmes comme l'autocritique et la dépendance extrême sur leurs parents. « Les plus jeunes enfants vivent la dépression comme un état de tristesse, d'irritabilité, d'ennui, de fatigue ou de troubles du sommeil », ajoute M. Abela. « Certains désiraient même mourir. »
M. Abela pense que les résultats de son étude sont très prometteurs. « Ces résultats nous aideront à mieux comprendre le traitement et la prévention des troubles dépressifs chez les enfants. » La découverte des facteurs psychologiques et environnementaux qui rendent les enfants vulnérables à la dépression fournit aux cliniciens un instrument qui permet d'identifier les enfants qui courent des risques de dépression. Il est essentiel d'identifier ces enfants pour que leurs tendances pessimistes puissent être modifiées et éviter ainsi les crises de dépression ultérieures.
¸é±ð³¾Ã¨»å±ð²õ
Dans le cadre de l'étude de M. Abela, les 140 participants et leurs parents ont appris à prévenir la dépression. « Nous avons appris aux enfants à contrecarrer les modes de pensée pessimistes », ajoute-t-il. « Il est possible d'identifier les modes de pensée et de les modifier. »
En publiant les résultats de son étude, M. Abela espère que toutes les écoles canadiennes finiront par offrir des cours d'optimisme aux enfants. « Je pense que toutes les écoles doivent avoir des programmes d'entraînement à l'optimisme dans leur cursus », dit-il, en faisant observer que certaines écoles des États-Unis et du Canada dispensent déjà une telle formation.
Les parents qui cherchent des moyens d'aider leurs enfants à surmonter la dépression ont tout intérêt à lire l'ouvrage de Martin Seligman, The Optimistic Child (HarperTrade) pour commencer. Professeur de psychologie à l'Université de Pennsylvanie, Martin Seligman a été le directeur de thèse de M. Abela. Pour d'autres documents susceptibles d'intéresser les parents d'enfants déprimés, mentionnons :
Les recherches du professeur Abela ont été subventionnées par les organismes suivants : Fondation canadienne pour l'innovation, Fonds québécois de la recherche sur la nature et les technologies (FCAR) et Prix du jeune chercheur de la National Alliance for Research on Schizophrenia and Depression (NARSAD).