La pandémie de COVID 19 à l’origine d’une diminution du bruit sismique en 2020
Une étude parue dans la revue a mis en évidence une réduction de 50 % du bruit sismique pendant la première moitié de 2020 en raison du confinement.
En analysant une série de données recueillies durant plusieurs mois à un an par plus de 300 stations sismiques réparties aux quatre coins du monde, les chercheurs ont constaté une réduction du bruit sismique dans de nombreux pays et de nombreuses régions. Les chercheurs ont également pu suivre le déplacement de la « vague » de confinement sismique qui a débuté Chine avant de se propager en Italie puis dans le reste du monde. Les données sismiques reflètent les conséquences globales des mesures d’éloignement physique et social et de la diminution des activités économiques, industrielles et touristiques. Il s’agit de la plus longue et plus importante période de réduction du bruit sismique anthropique mondial jamais enregistrée.
Ces travaux ont vu le jour après que Thomas Lecocq, géologue à l’Observatoire royal de Belgique et auteur principal de la nouvelle étude, a décidé de partager ses méthodes avec les autres sismologues; une approche qui, selon lui, est le meilleur moyen de surmonter les difficultés liées à l’analyse de données mondiales. Cette initiative a donné lieu à la collaboration singulière de 76 auteurs œuvrant dans 66 institutions situées dans 27 pays, au nombre desquels figure William Minarik, chargé d’enseignement au Département des sciences de la Terre et des planètes de l’Université McGill.
Ěý
Des signaux géologiques masqués
Le confinement imposé à la suite de l’éclosion de la COVID‑19 a eu d’importantes répercussions sur l’environnement et la faune sauvage, notamment la réduction des émissions dans l’atmosphère et la diminution de la circulation routière et du bruit. Cette étude est la première au monde à étudier les conséquences de cette période – appelée « anthropause » – sur la croûte terrestre qui se trouve sous nos pieds.
L’étude révèle que, pendant le confinement, les capteurs sismiques des zones urbaines ont enregistré beaucoup plus clairement les signaux sismiques auparavant masqués, surtout durant la journée. À l’aide des données enregistrées par des capteurs situés à Montréal, à Toronto et à Vancouver, William Minarik a constaté un phénomène similaire à celui observé par ses collègues aux quatre coins du monde.
« Pour Ă©viter le bruit urbain, les sismomètres sont habituellement installĂ©s dans des zones rurales reculĂ©es. Ces appareils n’ont relevĂ© que de faibles variations pendant le confinement liĂ© Ă la COVID‑19. Heureusement, MontrĂ©al dispose d’une station Ă large bande gĂ©rĂ©e par le RĂ©seau sismographique canadien.ĚýCelle-ci fait Ă©tat d’une diminution du bruit coĂŻncidant avec le dĂ©but du confinement », explique le chargĂ© d’enseignement.
L’article dresse une liste des endroits où aucun changement n’a été observé. À Edmonton, Calgary, Sudbury et Victoria, William Minarik n’a noté aucune diminution du bruit, soit parce que les capteurs étaient situés dans une partie des villes où le niveau de bruit est resté inchangé, soit parce que les provinces où elles se trouvent ont adopté des mesures de confinement moins strictes.
La sismologie mesure habituellement les ondes sismiques après un tremblement de terre. Les enregistrements sismiques provenant de sources naturelles sont toutefois contaminés par les vibrations à haute fréquence (« parasites sonores ») causées par l’activité humaine à la surface – comme la marche ou la circulation automobile et ferroviaire –, chacune d’elle ayant une signature sismique distincte sous terre. L’industrie lourde et les travaux de construction émettent également des ondes sismiques qui sont enregistrées par les sismomètres.
La diminution des « parasites sonores » d’origine anthropique observée en 2020 est du jamais vu. L’étude démontre que les plus fortes baisses de bruit sismique ont été constatées dans les zones urbaines. Cela dit, les chercheurs ont également trouvé des « traces » du confinement sur des capteurs enfouis à des centaines de mètres dans le sol et dans des zones reculées, comme l’Afrique subsaharienne.
Ěý
Une nouvelle façon de mesurer la mobilité urbaine
Un certain nombre de rapports portant sur le ralentissement économique et social causé par le confinement ont été publiés, mais plusieurs, qui utilisaient des indicateurs de mobilité issus des données de géolocalisation cellulaire ou des recherches effectuées sur le Web, soulevaient des enjeux de respect de la vie privée. Grâce aux données qu’ils ont recueillies sur les bruits sismiques, Thomas Lecocq et ses collaborateurs ont mis au point une méthode de quantification de la mobilité urbaine qui fournit des renseignements anonymes et présente donc un risque d’atteinte à la vie privée moins important que les applications pour téléphones cellulaires.
Conséquence de l’urbanisation croissante et de l’augmentation de la population mondiale, davantage de personnes vivront dans des zones à risque d’un point de vue géologique. Il est donc plus important que jamais d’identifier les bruits d’origine anthropique pour permettre aux sismologues de se concentrer sur les signaux terrestres, surtout dans les villes, et de surveiller les mouvements du sol.
Les auteurs espèrent que cette nouvelle étude ouvrira la voie à d’autres travaux sur le confinement sismique, dont l’objectif principal devra être la détection des signaux des tremblements de terre et des mouvements volcaniques auparavant masqués.
Ěý
À propos de l’étude
L’article « », par Thomas Lecocq et coll., a été publié dans la revue Science.
Ěý
À propos de l’Université McGill
FondĂ©e enĚý1821 Ă MontrĂ©al, au QuĂ©bec, l’UniversitĂ© McGill est l’une des grandes universitĂ©s du Canada. Elle compte deuxĚýcampus, 11ĚýfacultĂ©s, 13ĚýĂ©coles professionnelles, 300Ěýprogrammes d’études et au-delĂ de 40Ěý000ĚýĂ©tudiants, dont plus de 10Ěý200 aux cycles supĂ©rieurs. Elle accueille des Ă©tudiants originaires de plus de 150Ěýpays, ses 12Ěý800ĚýĂ©tudiants internationaux reprĂ©sentant 31Ěý% de sa population Ă©tudiante. Au-delĂ de la moitiĂ© des Ă©tudiants de l’UniversitĂ©ĚýMcGill ont une langue maternelle autre que l’anglais, et environ 19Ěý% sont francophones.