Identification de nouvelles causes génétiques en lien avec des grossesses anormales et fausses couches
Une équipe de scientifiques de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill(IR-CUSM) et de l’Université McGill vient d’identifier troisgènes qui seraient responsables de grossesses môlaires récurrentes; une forme rare de grossesse non-viable, sans embryon, qui s’implante dans l’utérus. Les résultats de l’étude publiée dans la revue The American Journal of Human Genetics, pourraient avoir des implications importantes car les causes génétiques de la plupart des formes de pertes fœtales restent très peu connues.
Au Québec, environ une grossesse sur 600 est une grossesse môlaire, et la moitié d’entre elles se produisent malgré une absence totale de chromosomes maternels. En raison d'un déséquilibre dans le nombre de chromosomes fournis par la mère et le père, seul le placenta se développe anormalement et forme une tumeur qui dans 15 à 20 % des cas, peut conduire à un cancer de forme maligne. La grossesse molaire est la forme la plus courante de toutes les maladies du placenta (ou maladies trophoblastiques).
« Grâce à l’identification de ces trois nouveaux gènes, nous espérons pouvoir procéder à davantage de tests d’ADN pour les patientes afin de prévenir la répétition d’une grossesse môlaire et d’offrir un meilleur conseil génétique et une meilleure prise en charge du couple », explique laprofesseure Slim, chercheuse au sein du Programme en santé de l’enfant et en développement humain (SEDH) de l’IR-CUSM et professeure agrégée dans les Départements de génétique humaine et d’obstétrique et gynécologie à l’Université McGill.
Cependant les scientifiques et cliniciens comprennent toujours mal pourquoi survient une grossesse molaire.
« Chez les humains, les grossesses sans embryons ont intrigué les scientifiques de toutes les civilisations depuis l’époque d’Hippocrate », lance la professeure Slim qui travaille depuis plus de 15 ans sur les grossesses môlaires. « Nos découvertes lèvent pour la première fois le voile sur un mécanisme de la genèse de cette anomalie et établissent un lien entre les mutations de trois gènes et les grossesses môlaires et les fausses-couches à répétition, de même qu’avec l’infertilité féminine et masculine, observées chez certaines patientes et leurs familles. »
Identification de trois nouveaux gènes
Dans leur nouvelle étude, la professeure Slim et ses collègues ont identifié des mutations dans les gènes MEI1, TOP6BL/C11orf80 et REC114 chez des patientes ayant eu des grossesses môlaires sans chromosomes maternels et des fausses couches à répétition. Les chercheurs ont approfondi leurs travaux sur les mutations du gèneMei1 dans un modèle animal, afin de comprendre comment ce gène entraîne la perte des chromosomes maternels dans ce type de grossesses môlaires.
L’objectif était de voir si une souris porteuse d’un gène Mei1 défectueux produisait des ovocytes (ovules) n’ayant pas de chromosomes maternels. La recherche visait également à découvrir quand et comment ces ovocytes perdaient leurschromosomes — des questions demeurées sans réponse depuis que les grossesses môlaires ont été décrites pour la première fois, en 1977.
Les chercheurs ont suivi le développement d’ovocytes chez des souris chez qui le gèneMei1 avait été supprimé. Chez certaines de ces souris, l’absence de ce gène conduisait à une fécondation avec un nombre anormal de chromosomes maternel, il n’y avait donc pas d’implantation dans l’utérus, et cela entraînait une infertilité. Dans d’autres cas, les ovocytes étaient vides car ils avaient perdu tous leurs chromosomes mais la fertilisation de ces ovules était encore possible.
Allier le séquençage de nouvelle génération et les modèles murins
Cette avancée scientifique a été rendue possible grâce à la collaboration du groupe duprofesseur JacekMajewski, du Centre d'innovation GénomeQuébec et de l’UniversitéMcGill, qui a supervisé le séquençage des gènes des68patientes participant à l’étude. Ces femmes avaient eu des grossesses môlaires à répétition et n’étaient pas porteuses des deux gènes déjà connus pour entraîner ces anomalies.
Le séquençage a permis à l’équipe de la professeure Slim d’identifier huit patientes chez qui l’un destroisgènes identifiés dans l’étude présentait des anomalies. Des partenaires au Québec, ainsi que d’autres en Inde, en Turquie et aux États-Unis ont participé à l’étude en référant leurs patientes.
« Le modèle animal a joué un rôle très important pour comprendre comment se produisent ces grossesses môlaires sans chromosomes maternels »,ajoute la professeure TerukoTaketo, coauteure de l’étude et chercheuse au sein du programme SEDH à l’IR-CUSM, qui a permis à l’équipe de suivre le développement des ovocytes de souris (avec le gène Mei1 supprimé), durant leur maturation in vitro.
Une collaboration pour venir en aide aux patientes
Depuis 2010, la professeure Slim collabore sur plusieurs projets de recherche avec le Dr Philippe Sauthier, gynécologue-oncologue au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) et responsable du Réseau des maladies trophoblastiques du Québec (RMTQ), dans le but d’identifier les causes génétiques des grossesses môlaires.
« La douloureuse expérience d'une perte fœtale associée à la découverte d'une grossesse anormale souvent peu connue par les professionnels de la santé génère un stress et une perte de repères souvent déstabilisants et éprouvants pour les femmes et pour le couple, confie Magali Breguet, infirmière coordonnatrice du RMTQ. Savoir que cette collaboration permet d’apporter des pistes de solutions est un vrai baume pour ces femmes qui subissent une période de plusieurs mois de suivi médical et vivent l'attente de la grossesse suivante avec angoisse devant le risque de récidive. »
En 2006, Rima Slim et ses collègues ont identifié le premier gène responsable de grossesses môlaires à répétition : le gène NLRP7. Depuis, un test permettant de dépister la présence de mutations dans ce gène est offert à des femmes développant des grossesses môlaires à répétition, dans leur laboratoire et dans d’autres, dans le monde entier.
À propos de l’étude
L’étude intitulée Causative genes and mechanism of androgenetic hydatidiform moles a été co-écrite par Ngoc Minh Phuong Nguyen, Zhao-Jia Ge, Ramesh Reddy, Somayyeh Fahiminiya, Philippe Sauthier, Rashmi Bagga, Feride Sahin, Sangeetha Mahadevan, Matthew Osmond, Magali Breguet, Kurosh Rahimi, Louise Lapensee, Karine Hovanes, Radhika Srinivasan, Ignatia B. Van den Veyver, Trilochan Sahoo, Asangla Ao, Jacek Majewski, Teruko Taketo, et Rima Slim.
doi.org/10.1016/j.ajhg.2018.10.007
Ces travaux ont été rendus possibles grâce au soutien financier des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC).
À propos de l’Institut de recherche du CUSM: L’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) est un centre de recherche de réputation mondiale dans le domaine des sciences biomédicales et de la santé. Établi à Montréal, au Canada, l’Institut, qui est affilié à la faculté de médecine de l’Université McGill, est l’organe de recherche du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) – dont le mandat consiste à se concentrer sur les soins complexes au sein de sa communauté. L’IR-CUSM compte plus de 420 chercheurs et près de 1 200 étudiants et stagiaires qui se consacrent à divers secteurs de la recherche fondamentale, de la recherche clinique et de la recherche en santé évaluative aux sites Glen et à l’Hôpital général de Montréal du CUSM. Ses installations de recherche offrent un environnement multidisciplinaire dynamique qui favorise la collaboration entre chercheurs et tire profit des découvertes destinées à améliorer la santé des patients tout au long de leur vie. L’IR-CUSM est soutenu en partie par le Fonds de recherche du Québec – Santé (FRQS). Pour en savoir plus, visitez
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