Des chercheurs de McGill découvrent un gène de susceptibilité à la maladie de Crohn
Un capteur bactérien « défectueux » ne détecte pas les bactéries nocives dans le système digestif
Des chercheurs de l’Université McGill, de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR CUSM) et du Centre d’innovation Génome Québec et Université McGill, de même que leurs confrères d’autres établissements canadiens et belges, ont découvert des variations dans l’ADN d’un gène qui accroît la susceptibilité à la maladie de Crohn. Les résultats de leur étude ont été publiés dans le numéro de janvier de la revue Nature Genetics.
Cette étude a été conduite par l’étudiante de doctorat de McGill Alexandra-Chloé Villani, sous la direction des professeurs Denis Franchimont et Thomas Hudson. Le docteur Franchimont, qui est rattaché à l'ULB-Hôpital Érasme de Bruxelles (Belgique), est un ancien titulaire d’une Chaire de recherche du Canada et faisait partie du département de gastroentérologie du CUSM. Le docteur Hudson, ancien directeur du Centre d’innovation Génome Québec et Université McGill, est aujourd’hui président et directeur scientifique de l’Institut ontarien de recherche sur le cancer (IORC), à Toronto.
Les chercheurs ont mis au jour des variations dans la séquence d’ADN d’un gène du nom de NLRP3, qui augmente la susceptibilité à la maladie de Crohn. La maladie de Crohn est une maladie inflammatoire chronique évoluant par poussées, qui peut atteindre tout les segments du tube digestif. Les patients qui en souffrent présentent différents groupes de symptômes, dont des douleurs abdominales, des diarrhées sanglantes, de la fièvre, des vomissements et une perte de poids. Les complications plus rares incluent des atteintes cutanées et ostéo-articulaires et une inflammation oculaire.
« Même si l’origine exacte de la maladie de Crohn est encore inconnue, nous savons que des facteurs environnementaux et génétiques jouent un rôle essentiel dans la pathogenèse de cette maladie », indique le docteur Franchimont.
La maladie de Crohn touche toutes les régions du monde, mais semble néanmoins plus fréquente en Amérique du Nord et dans le nord de l’Europe. Le Canada est particulièrement touché, puisque le taux d’incidence de cette maladie y est parmi les plus élevés au monde. La maladie de Crohn touche entre 400 000 et 600 000 personnes en Amérique du Nord. Elle apparait en général entre l’âge de 15 et de 30 ans, mais peut néanmoins survenir à tout autre âge.
La plus grande surface de notre corps est composée du tube digestif, et couvre près de 400 mètres carrés. Elle est tapissée par des milliards de bactéries de la microflore intestinale.
« La couche unique de cellules qui tapisse notre tube digestif est par conséquent constamment exposée à de fortes concentrations de bactéries et d’agents pathogènes », explique Alexandra-Chloé Villani. « Ces cellules doivent reconnaître les bactéries nocives et y répondre tout en préservant leur tolérance aux ‘bonnes’ bactéries, c'est-à -dire aux bactéries non pathogènes qui constituent notre flore microbienne. Le principal défi de notre système immunitaire digestif consiste donc à préserver l’équilibre entre la tolérance et la défense ».
« Le gène NLRP3 de susceptibilité à la maladie de Crohn code pour une protéine, la cryopyrine, qui est en fait un capteur bactérien intracellulaire jouant un rôle clé dans le déclenchement de la réponse immunitaire», poursuit Mme Villani. D’après les résultats qu’ils ont obtenus, les chercheurs pensent que le capteur bactérien cryopyrine est probablement défectueux chez certains patients et qu’il ne reconnait pas les bactéries dangereuses.
« L’insuffisance de la contre-attaque du système immunitaire digestif à écarter la menace permet aux bactéries nocives d’infiltrer la paroi intestinale à travers la première ligne de défense. Le système immunitaire digestif va tenter à plusieurs reprises de repousser l’agression bactérienne, mais des efforts insuffisants peuvent entraîner un cercle vicieux qui aboutit à une inflammation chronique de la paroi et fait le lit de la maladie de Crohn. »
« Ce gène joue également un rôle central dans la régulation de la fièvre, qui est l’un des mécanismes de défense les plus primitifs pour combattre les bactéries pathogènes. Par ailleurs, les variations de la séquence d’ADN du gène NLRP3 sont également connues pour être responsables des fièvres périodiques héréditaires », ajoute le docteur Hudson.
« Les études d’association génomique menées antérieurement avaient déjà permis d’identifier plus de 30 facteurs génétiques distincts mis en cause dans la maladie de Crohn, mais ces derniers expliquent seulement un cinquième du caractère héréditaire de cette maladie », souligne le professeur Franchimont.
Même si, à court terme, ces résultats ne déboucheront pas sur de nouveaux traitements pour la maladie de Crohn, le professeur Franchimont pense que les patients en bénéficieront à long terme : « Les études de cette nature nous permettent de mieux comprendre les mécanismes qui entrent en jeu dans la pathogenèse de la maladie. Nous savons aujourd’hui que les capteurs bactériens y jouent un rôle, si bien que des mesures pourront être prises pour développer de nouvelles stratégies thérapeutiques qui tiennent compte de ces nouvelles connaissances ».
Cette étude a bénéficié de subventions de la Fondation canadienne pour l’innovation, du programme des chaires de recherche du Canada, de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill et de la Fondation canadienne des maladies inflammatoires de l’intestin (FCMII).
À PROPOS DE L’UNIVERSITÉ MCGILL
Fondée à Montréal, au Québec, en 1821, l’Université McGill se classe comme chef de file parmi les universités canadiennes. McGill compte deux campus, 11 facultés, 10 écoles professionnelles, 300 programmes d’études et plus de 33 000 étudiants, originaires de 160 pays. L’Université accueille au-delà de 6 200 étudiants étrangers, qui composent près de 20 pour cent de sa population étudiante. Près de la moitié de ses étudiants ont une langue maternelle autre que l’anglais – dont 6 000 francophones.
À PROPOS DE L’INSTITUT DE RECHERCHE DU CENTRE UNIVERSITAIRE DE SANTÉ MCGILL (IR CUSM)
L’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR CUSM) est un centre hospitalier universitaire de réputation internationale dans les domaines des sciences biomédicales et les sciences de la santé. Établi à Montréal, au Québec, l’Institut est rattaché au CUSM, le Centre universitaire de santé McGill affilié à la Faculté de médecine de l’Université McGill. Il accueille plus de 600 chercheurs et près de 1 200 étudiants aux cycles supérieurs et postdoctoraux. Il compte plus de 300 laboratoires au service d’un large éventail de recherches fondamentales et cliniques. L’Institut de recherche se situe à l’avant-garde du savoir, de l’innovation et de la technologie et il est intimement lié aux programmes cliniques du CUSM, de sorte que les patients puissent bénéficier directement des fruits de ses recherches. L’Institut de recherche du CUSM est financé en partie par le Fonds de la recherche en santé du Québec. Pour plus de détails, consultez le site Web au : .
À PROPOS DU CENTRE D’INNOVATION GÉNOME QUÉBEC ET UNIVERSITÉ MCGILL
Le Centre d’innovation Génome Québec et Université McGill est financé par Génome Canada et le ministère du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation du Québec et offre des services complets d’analyses de l’ADN, de quelques échantillons à plusieurs dizaines de milliers par semaine. Les ambitieux projets de séquençage d’ADN réalisés depuis bientôt cinq ans témoignent de la capacité de Génome Québec de fournir des données probantes et de qualité exceptionnelle dans la poursuite de diverses études génomiques. Les travaux de génomique à grande échelle au Centre d’innovation s'articulent autour de trois plateformes : séquençage, génotypage et génomique fonctionnelle appuyées par une infrastructure et une expertise unique en bioinformatique. La plateforme de protéomique, quant à elle, offre des services de haute qualité en séparation et analyse de protéines. Pour plus de détails, consultez le site Web au : .
À PROPOS DE L’INSTITUT ONTARIEN DE RECHERCHE SUR LE CANCER
L’IORC est un centre d’excellence, qui permet à l’Ontario de se situer à l’avant-garde de la découverte et de l’innovation. Il se consacre à la recherche sur la prévention, le dépistage précoce, le diagnostic, le traitement et le contrôle du cancer. L’IORC est un organisme à but non lucratif financé par le ministère de la Recherche et de l’Innovation du gouvernement de l’Ontario. Pour plus de détails, consultez le site Web au : .