Des astronomes canadiens déterminent l’empreinte spectrale de la Terre dans l’espoir de trouver des planètes habitables au-delà du système solaire
Deux astronomes de l’Université McGill ont constitué une empreinte spectrale de la Terre qui pourrait être utilisée pour repérer une planète capable d’accueillir des formes de vie hors de notre système solaire.
L’étudiante en physique Evelyn Macdonald et son directeur de recherche, le professeur Nicolas Cowan, ont utilisĂ© les observations de l’atmosphère de la Terre recueillies par le satellite SCISAT pendant plus de dix ans afin de constituer un spectre de transit, sorte d’empreinte digitale de l’atmosphère de notre planète en lumière infrarouge qui rĂ©vèle la prĂ©sence de molĂ©cules essentielles dans la recherche de mondes habitables. Ils s’emploient notamment Ă dĂ©celer la prĂ©sence simultanĂ©e d’ozone et de mĂ©thane, signe pour les scientifiques d’une source organique de ces composĂ©s sur la planète observĂ©e. On qualifie ce type de dĂ©tection deĚý« biosignature ».
« Un certain nombre de chercheurs ont déjà tenté de simuler le spectre de transit de la Terre, mais il s’agit là du premier spectre de transit infrarouge empirique de la Terre, a précisé le professeur Cowan. C’est ce qu’un astronome extraterrestre pourrait voir s’il observait un passage de la Terre. »
Publiés le 28 août dans la revue Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, les résultats de cette étude pourraient aider les scientifiques à déterminer quel type de signal ils doivent chercher pour repérer des exoplanètes semblables à la Terre (planètes qui orbitent autour d’une autre étoile que le Soleil). Le satellite SCISAT, conçu par l’Agence spatiale canadienne, avait d’abord pour objectif d’aider les scientifiques à comprendre le phénomène d’appauvrissement de la couche d’ozone, en étudiant les particules dans l’atmosphère traversée par la lumière du Soleil. En général, les astronomes peuvent dire quelles molécules sont présentes dans l’atmosphère des planètes en observant comment la lumière stellaire change au fur et à mesure qu’elle traverse l’atmosphère. Les instruments doivent attendre qu’une planète passe – ou effectue un transit – devant l’étoile pour enregistrer ces observations. Il est probable qu’avec des télescopes suffisamment sensibles, les astronomes puissent identifier des molécules telles que le dioxyde de carbone, l’oxygène ou la vapeur d’eau, pouvant indiquer qu’une planète est habitable, voire habitée.
Le professeur Cowan expliquait la spectroscopie de transit des exoplanètes à un groupe réuni à l’heure du lunch à l’Institut spatial de McGill quand le professeur Yi Huang, expert en sciences atmosphériques et océaniques et membre de cet institut, a remarqué que la technique utilisée était semblable à celle d’études de l’atmosphère terrestre en période d’occultation du soleil effectuées par SCISAT.
Depuis la première découverte d’une exoplanète dans les années 90, les astronomes ont pu confirmer l’existence de 4 000 exoplanètes. Dans ce domaine relativement nouveau de l’astronomie, le Saint Graal consiste à trouver des planètes ayant le potentiel d’abriter la vie – une Terre 2.0.
Un système stellaire très prometteur susceptible de contenir de telles planètes, TRAPPIST-1, sera ciblĂ© par le tĂ©lescope spatial James-Webb, projet de collaboration entre la NASA, l’Agence spatiale canadienne et l’Agence spatiale europĂ©enne, qui devrait entrer en service en 2021. Evelyn Macdonald et Nicolas Cowan ont rĂ©ussi Ă simuler un signal montrant ce Ă quoi on pourrait s’attendre d’une planète semblable Ă la Terre vu Ă travers la lentille de ce tĂ©lescope.Ěý
Situé à 40 années-lumière de la Terre, le système stellaire de TRAPPIST-1 contient sept planètes dont trois ou quatre sont situées dans la zone désignée comme « habitable » où l’eau pourrait exister à l’état liquide. Les astronomes de McGill mentionnent que ce système pourrait se révéler une avenue prometteuse pour la recherche d’un signal semblable à celui de l’empreinte de la Terre, étant donné que les planètes orbitent autour d’une étoile naine M, plus petite et plus froide que le Soleil.
« L’étoile TRAPPIST-1 est une naine rouge assez près de nous, ce qui fait de ses planètes d’excellentes cibles pour la spectroscopie de transit, explique Mme Macdonald. Comme l’étoile est beaucoup plus petite que le Soleil, les planètes sont donc relativement faciles à observer. De plus, ces planètes orbitent près de l’étoile, elles passent donc devant elle à des intervalles de quelques jours. Bien sûr, même si une des planètes abritait la vie, nous ne nous attendons pas à ce que l’atmosphère qui l’entoure soit identique à celle de la Terre puisque l’étoile du système est très différente du Soleil. »
Dans leur analyse, les chercheurs affirment que le télescope Webb sera suffisamment sensible pour détecter le dioxyde de carbone et la vapeur d’eau. Il pourrait même être en mesure de détecter la biosignature du méthane et de l’ozone s’il observait la planète cible assez longtemps.
Le professeur Cowan et ses collègues de l’Institut de recherche sur les exoplanètes (basé à Montréal) espèrent être parmi les premiers à détecter les signes de vie au-delà de notre planète. L’empreinte de la Terre assemblée par Evelyn Macdonald dans le cadre de son mémoire de premier cycle pourrait indiquer aux autres astronomes ce qu’ils doivent tenter de repérer. L’étudiante entreprendra un doctorat dans le domaine des exoplanètes à l’Université de Toronto cet automne.
Le financement de ces travaux provient du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, du Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies et d’une bourse de recherche de premier cycle en sciences de McGill.
L’article « », signé par Evelyn J. R. Macdonald et Nicolas B. Cowan, a été publié en ligne le 28 août 2019 dans la revue Monthly Notices of the Royal Astronomical Society.
Illustrations / photos :Ěý
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Vue de la Terre depuis la Station spatiale internationale (Source : NASA/Reid Wiseman)
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Représentation artistique de planètes semblables à la Terre (Source : NASA/ESA/G. Bacon (STScI))
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Le télescope spatial James-Webb, dont la mise en service est prévue pour 2021, étudiera l’atmosphère des exoplanètes et pourrait réussir à déterminer si elles sont habitables ou si elles présentent une biosignature. Ce télescope est le fruit d’une collaboration entre la NASA, l’Agence spatiale canadienne et l’Agence spatiale européenne. (Source : Northrop Grumman)
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Personne-ressource pour les médias
Nathalie Ouellette
Institut de recherche sur les exoplanètes, Université de Montréal, Montréal, Canada
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nathalie [at] astro.umontreal.ca
Personnes-ressources pour les questions de nature scientifique
Evelyn Macdonald
Institut spatial de McGill, Université McGill, Montréal, Canada
evelyn.macdonald [at] mail.mcgill.ca
Nicolas Cowan
Institut spatial de McGill, Université McGill, Montréal, Canada
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nicolas.cowan [at] mcgill.ca