Dépister l’empreinte du cancer du sein à l’aide d’une goutte de sang
Une équipe de McGill met au point une technologieÌýpermettant la mesure exacte des biomarqueurs protéiques du cancer du sein
Une femme sur huit recevra un diagnostic de cancer du sein au cours de sa vie. Un dépistage précoce permet d’augmenter les chances de réussite du traitement et de prolonger la survie à long terme. Toutefois, le dépistage du cancer du sein à un stade précoce qui se fait par mammographie demeure inconvénient, coûteux et imprécis. En effet, ces tests font appel à des appareils encombrants et couteux, requirent du personnel hautement qualifié et en outre, chez de nombreuses femmes, les tumeurs ne peuvent être décelées qu’à un stade avancé. Une équipe du Département de génie biomédical de la Faculté de médecine de l’Université McGill a mis au point une puce microfluidique qui pourrait un jour changer radicalement le mode de dépistage du cancer et le moment du diagnostic. Les travaux de ces chercheurs font l’objet d’un article publié dans le numéro d’avril de la revue scientifique Molecular & Cellular Proteomics.
Les scientifiques s’efforcent depuis des années de mettre au point un test sanguin de dépistage du cancer reposant sur la détection de l’antigène carcino-embryonnaire, un biomarqueur protéique du cancer isolé il y a plus de 40 ans par le Dr Phil Gold, de l’Université McGill. Toutefois, ce biomarqueur peut également être décelé chez les personnes en santé, et son taux varie en fonction du bagage génétique et des habitudes de vie. C’est pourquoi les chercheurs n’ont pu établir de valeur seuil permettant de distinguer les personnes saines des personnes porteuses d’un cancer.
« Les scientifiques ont tenté à maintes reprises de surmonter le problème de la variabilité interindividuelle en cherchant notamment à dresser le "portrait" moléculaire d’une personne. Pour ce faire, ils ont mesuré le taux sanguin de multiples protéines et cerné les signatures moléculaires qui, ensemble, constituent les "empreintes digitales du cancer", explique le professeur David Juncker, chercheur principal de l’équipe. Ils n’ont toutefois pu établir un ensemble de biomarqueurs fiable, et aucun test sanguin de dépistage du cancer n’a encore été mis au point. Notre objectif est de surmonter ces obstacles. »
Le chercheur Mateu Pla-Roca, auteur principal de l’étude, ainsi que des membres de l’équipe du professeur Juncker, ont entrepris d’analyser les technologies les plus couramment utilisées pour mesurer le taux de multiples protéines sanguines afin de concevoir un modèle qui en décrirait les faiblesses et les lacunes. Ils ont ainsi découvert les raisons pour lesquelles le nombre de cibles protéiques mesurables simultanément était limité, et pourquoi il était si difficile d’améliorer l’exactitude et la reproductibilité de ces tests. Forts d’une meilleure compréhension de ces facteurs limitants, ils ont mis au point une technologie novatrice reposant sur une puce microfluidique permettant de surmonter ces obstacles. Cette approche leur a permis de mesurer autant de biomarqueurs protéiques qu’ils le voulaient, tout en réduisant au minimum le risque d’obtenir des résultats erronés.
Les chercheurs du groupe de génie biomédical du professeur Juncker, en collaboration avec les équipes d’oncologie et de bio-informatique du Centre de recherche sur le cancer Goodman de l’Université McGill, ont ensuite établi le profil de 32 protéines sanguines chez 11 témoins en santé et 17 personnes présentant un type particulier de cancer du sein (tumeurs présentant des récepteurs d’œstrogène). Ils ont découvert qu’un sous-groupe composé de 6 de ces 32 protéines pouvait servir à l’établissement de l’empreinte de ce type de cancer et permettre ainsi de classer les patients et les témoins selon l’absence ou la présence d’un cancer du sein.
« Bien que l’on doive refaire cette étude avec d’autres marqueurs auprès d’une population plus diversifiée de patients et cibler d’autres sous-groupes de cancers avant qu’un tel test puisse servir à des fins de diagnostic clinique, ces résultats mettent néanmoins en lumière les possibilités incroyables offertes par cette nouvelle technologie », se réjouit le professeur Junker.
Le professeur Juncker et ses collaborateurs se sont fixé comme objectif de concevoir un test de dépistage simple, qui puisse être réalisé dans le cabinet du médecin au moyen d’une goutte de sang, ce qui permettrait de réduire le recours aux mammographies, l’exposition du personnel médical aux rayons X, les malaises physiques et les coûts. Son laboratoire travaille actuellement à mettre au point une version portative du dispositif et à augmenter la sensibilité du test afin qu’il puisse être utilisé pour dépister avec exactitude le cancer du sein et, à terme, de nombreuses autres maladies, et ce, au stade le plus précoce possible.
Cette étude a été financée par les Instituts de recherche en santé du Canada, Génome Canada, Génome Québec, la Fondation canadienne pour l’innovation, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, et la Banque de tissus et de données du Réseau de recherche sur le cancer du Fonds de recherche en santé du Québec.
Résumé de l’article :
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