Déficience intellectuelle chez l'enfant: les mutations d’un gène influent sur l’apprentissage et la mémoire
Dans une étude publiée dans le New England Journal of Medicine (NEJM), une équipe internationale de recherche, basée à Montréal, a pu établir un lien entre des modifications de l'expression d'un gène et le développement cérébral.
La déficience intellectuelle (DI) représente le plus fréquent des handicaps sévères chez l'enfant. Même les enfants et les adultes légèrement atteints peuvent vivre un isolement social, être victimes d'intimidation et nécessiter de l'aide pour accomplir des tâches faciles. La forme la plus répandue est la DI non-syndromique qui n'est pas associée à d'autres anomalies. En l'absence de signes physiques qui orientent les chercheurs dans leurs explorations, l'identification des causes génétiques de la DI non-syndromique a été lente. Cette situation, toutefois, commence à changer.
Jacques L. Michaud, généticien au Centre de recherche du CHU Sainte-Justine et membre du Centre d'excellence en neuromique de l'Université de Montréal (CENUM), dirige l'équipe scientifique qui a identifié les mutations dans un nouveau gène chez les enfants avec DI non-syndromique. L'étude, publiée aujourd'hui dans le NEJM, est le fruit d'une collaboration avec des chercheurs de l'Université McGill, Canada, le National Institute of Mental Health et le Nathan S Kline Institute, É-U, ainsi queÌý l'Université de Paris-Descartes, France.
« La déficience intellectuelle non-syndromique constitue un problème de santé dont les causes sont multiples », explique le Dr Michaud. «Ìý Le lien que nous avons pu établir entre ce gène et une forme de déficience intellectuelle non- syndromique nous permet de mieux comprendre les causes de cette pathologie et d'ouvrir la voie à la mise au point de meilleures méthodes de diagnostic et de traitements. »
Les mutations identifiées ont un impact sur la fonction du gène SYNGAP1, qui encode une protéine impliquée dans le développement et la fonction des connections synaptiques entre les cellules du cerveau. La perte de ce gène affecte la mémoire et les apprentissages chez les souris.
Une nouvelle approche
L'équipe de chercheurs du Dr Michaud a émis l'hypothèse que des nouvelles mutations dont sont porteurs les enfants - mais qui sont absentes chez leurs parents - représentent une cause importante de DI. « Plusieurs observations nous incitent à penser que des nouvelles mutations engendrent fréquemment des troubles du développement neurologique, mais leur identification s'est avérée difficile parce qu'elle requiert l'étude d'une grande fraction des gènes, ce qui représente un imposant défi à relever », a déclaré le Dr Fadi F.Hamdan, premier auteur de l'article.
Afin d'identifier ces nouvelles mutations, l'équipe a pu profiter d'une plate-forme mise sur pied à Montréal dans le cadre du projet Synapse to Diseases (S2D) pour séquencer 500 gènes synaptiques chez un groupe d'enfants avec une DI inexpliquée. L'équipe a découvert que 3 % de ces sujets présentaient des nouvelles mutations délétères dans le gène SYNGAP1.
« Cette découverte démontre bien la performance des nouvelles technologies qui permettent de séquencer des centaines de gènes chez de larges groupes de personnes. De plus, l'étude démontre la validité de cette nouvelle approche dans l'exploration des troubles neurologiques du développement », a fait remarquer le Dr Guy A. Rouleau, directeur du Centre de recherche du CHU Sainte-Justine et chef du projet S2D.
Impact de la découverte
Tous les enfants ayant des mutations du gène SYNGAP1 présentent une forme de DI non-syndromique très semblable, caractérisée par un retard du développement intellectuel et du langage et, dans certains cas, une forme d'épilepsie bénigne. Grâce au lien maintenant établi entre ces mutations du gène SYNGAP1 et la DI non- syndromique, on pourra procéder à des tests diagnostiques chez les enfants atteints de DI et élaborer des stratégies d'apprentissage adaptées. Le foisonnement de connaissances portant sur la fonction du gène SYNGAP1 permettra éventuellement la conception de thérapies pharmacologiques ciblées visant à améliorer les habiletés cognitives et diminuer l'impact des conditions associées comme l'épilepsie.
Recrutement
Le Dr Michaud et ses collègues continuent à recruter des sujets, enfants ou adultes, atteints d'une DI non-syndromique inexpliquée, dans le cadre de leur projet de recherche. « La déficience intellectuelle est une condition complexe que l'on commence à peine à comprendre aujourd'hui. Dans cette étude, nous recherchons des sujets chez qui la déficience est inexpliquée », a rajouté le Dr Michaud. Les familles qui souhaitent participer à l'étude peuvent communiquer avec le Dr Michaud via le site Web .
A propos de l'étudeÌý:
L'article Mutations in SYNGAP1 in Autosomal Non-Syndromic Mental Retardation, publié dans le New England Journal of Medicine, est rédigé par
Fadi F. Hamdan, Julie Gauthier, Dan Spiegelman, Anne Noreau, Yan Yang, Stéphanie Pellerin, Sylvia Dobrzeniecka, Mélanie Côté, Elizabeth Perreault-Linck, Lionel Carmant, Guy D'Anjou, Laurent Mottron, Pierre Drapeau, Claude Marineau, Ronald G. Lafrenière, Jean Claude Lacaille, Guy A. Rouleau et Jacques L. Michaud du Centre d'Excellence en Neuromique de l'Université de Montréal, en collaboration avec Éric Fombonne et Ridha Joober de l'Université McGill, Anjene M. Addington et Judith L. Rapoport de l'Institut National de la Santé Mentale, Bethesda, Maryland; Lynn E. Delisi du Nathan S Kline Institute, Orangeburg, New York; Marie-Odile Krebs et Faycal Mouaffak de l' Université Paris Descartes, France.
Partenaires en rechercheÌý:
Cette étude est financée par Les Instituts de recherche en santé du Canada. Le recrutement des sujets s'effectue grâce à un financement du Fonds de la Recherche en Santé du Québec. Le consortium Synapse to Diseases (S2D) est financé par Génome Canada, Génome Québec et l'Université de Montréal.
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