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Bactériophages et retard de croissance : des virus possiblement nocifs et utiles à la fois

En combattant les agents pathogènes, les virus qui infectent les é pourraient se révéler bons pour la santé
ʳܲé: 12 February 2020

Selon une étude récente chapeautée par l’Université McGill, des bactériophages (virus infectant les é) présents dans l’intestin pourraient jouer un rôle dans le retard de croissance, problème touchant 22 % des enfants de moins de cinq ans dans le monde.

Publiée aujourd’hui même dans la revue , l’étude donne également à penser que ces virus, qui agissent sur la quantité et la diversité de la flore bactérienne intestinale, pourraient aussi avoir des effets favorables sur la santé. Selon les chercheurs, ces travaux laissent entrevoir la mise au point possible de traitements efficients qui pourraient remplacer les interventions nutritionnelles – efficaces, mais difficiles à implanter de façon durable – au sein de populations humaines vulnérables.

Phages, é et retard de croissance

Des études antérieures semblent indiquer que le microbiote intestinal ne serait pas étranger au retard de croissance, la flore des enfants touchés comportant davantage de é pathogènes, c’est-à-dire associées à des problèmes de digestion et d’absorption.

Si les recherches sur les é peuplant l’intestin et leur influence sur la santé ne manquent pas, on a en revanche fait peu de cas jusqu’à maintenant d’autres résidents du tractus gastro-intestinal, pourtant fort nombreux : les bactériophages.

« Partout où il y a des é, dans l’intestin comme ailleurs, il y a des virus bactériens appelés “phages” ou “bactériophages” », explique Corinne Maurice, professeure adjointe au Département de microbiologie et d’immunologie de l’Université McGill et auteure en chef de l’étude. « Aussi nombreux que les hôtes, les phages peuvent exercer sur eux des effets divers; par exemple, ils peuvent tuer certaines é, ou transférer à d’autres des gènes de virulence ou de résistance aux antibiotiques. Mais pour l’instant, nous ne comprenons pas bien leur rôle ni leur modus operandi. C’est un domaine de recherche assez récent et fascinant. »

Des populations virales qui diffèrent

Pour préciser le rôle possible de ces virus dans le retard de croissance, l’équipe de la Pre Maurice a recueilli, en collaboration avec le Centre international de recherche sur les maladies diarrhéiques du Bangladesh, des échantillons fécaux auprès d’enfants de ce pays âgés de 14 à 38 mois : 30 ne présentaient pas de retard de croissance et 30 autres, non apparentés, en présentaient un.

Grâce à la microscopie, au séquençage du gène codant pour l’ARN ribosomique et à la métagénomique, les chercheurs ont constaté que les phages intestinaux n’étaient pas les mêmes selon que l’enfant avait ou non un retard de croissance. En outre, lorsqu’ils ont exposé, in vitro, les é intestinales d’enfants exempts de retard de croissance à des phages provenant du tractus gastro-intestinal d’enfants présentant un tel retard, ils ont observé une prolifération des « mauvaises » é, soit celles qui seraient en cause dans le retard de croissance.

« En montrant que les phages peuvent modifier la flore bactérienne chez des enfants de 14 à 23 mois, notre étude révèle qu’ils pourraient normaliser le microbiote intestinal en cas de retard de croissance », avance Mohammadali Khan Mirzaei, ancien postdoctorant dans le laboratoire de la Pre Maurice et auteur principal de l’étude.

« Les séquelles sanitaires et socioéconomiques d’un retard de croissance persistent la vie durant et peuvent être transmises de la mère à l’enfant », indique Corinne Maurice, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en physiologie microbienne intestinale et membre du programme Chercheurs mondiaux CIFAR-Azrieli. « Si les phages pouvaient provoquer des changements bien définis dans la flore bactérienne, qui persisteraient pendant tout le développement de l’enfant, nous aurions là un traitement abordable, sans risque de résistance aux antibiotiques. »

On devra maintenant valider ces observations dans un échantillon plus important et chez des modèles animaux. Cela dit, conclut la Pre Maurice, si nous comprenons les interactions entre les é et les virus dans le tractus gastro-intestinal, peut-être pourrons-nous un jour les mettre à profit pour améliorer l’état de santé des êtres humains.


L’article « », par Mohammadali Khan Mirzaei, Anik Ashfaq Khan, Prakash Ghosh, Zofia E. Taranu, Mariia Taguer, Jinlong Ru, Rajashree Chowdhury, Mamun Kabir, Li Deng, Dinesh Mondal et Corinne F. Maurice, a été publié dans la revue Cell Host & Microbe.

Cette étude a été financée par la Fondation Bill et Melinda-Gates et le Programme des chaires de recherche du Canada.

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