Une étude jette la lumière sur une horloge génétique
Au fur et Ă mesure qu’ils se dĂ©veloppement, les embryons de vertĂ©brĂ©s forment les vertèbres selon un processus sĂ©quentiel rĂ©gi par le temps. Les scientifiques ont dĂ©terminĂ© que ce processus, appelĂ© segmentation, est soumis au fonctionnement d’uneĚýłó´Ç°ů±ô´Ç˛µ±đĚýrĂ©gie par l’oscillation de l’activitĂ© de certains gènes dans les cellules embryonnaires. Mais le phĂ©nomène Ă l’origine du fonctionnement de cette horloge n’a pas encore Ă©tĂ© complètement Ă©lucidĂ©. ĚýĚý
Un nouveau partenariat interdisciplinaire entre des physiciens et des chercheurs en gĂ©nĂ©tique molĂ©culaire a permis aux scientifiques de mieux comprendre ce système biologique crucial de dĂ©coupage du temps. Fruit d’une collaboration entre le professeur Paul François, de l’UniversitĂ© McGill, et la professeure Sharon L. Amacher, de l’UniversitĂ© d’État de l’Ohio, l’étude – qui a fait l’objet d’un article publiĂ© dans la revue scientifiqueĚýDevelopmental CellĚý– jette la lumière sur le mĂ©canisme de cette łó´Ç°ů±ô´Ç˛µ±đĚýen apportant des preuves visuelles et en temps rĂ©el de son fonctionnement Ă l’échelle des cellules individuelles.
Si de prĂ©cĂ©dentes Ă©tudes avaient permis d’observer le phĂ©nomène d’oscillation dans des tissus embryonnaires murins, les chercheurs de McGill et de l’UniversitĂ© d’État de l’Ohio ont Ă©tĂ© en mesure de l’observer et de l’analyser au sein de cellules individuelles. Pour ce faire, ils ont modifiĂ© gĂ©nĂ©tiquement le poisson zèbre, un poisson d’eau douce dont le corps est presque transparent au cours des premiers stades de son dĂ©veloppement, ce qui facilite l’observation de ses caractĂ©ristiques anatomiques. Les chercheurs ont eu recours Ă un marqueur fluorescent chez le poisson transgĂ©nique et conçu des logiciels pour surveiller la concentration d’une certaine protĂ©ine «ĚýcycliqueĚý», dont la production augmente ou diminue en fonction de l’expression des gènes intervenant dans le fonctionnement de l’horloge molĂ©culaire.
On sait que les cellules voisines communiquent entre elles au moyen d’un système de messagerie appelĂ© «Ěýsignalisation NotchĚý». Dans le cadre de leurs travaux sur le poisson zèbre, les chercheurs ont interrompu ce rĂ©seau de communication intercellulaire afin d’observer l’effet de cette intervention sur le mode d’oscillation au sein de cellules individuelles et de leurs voisines.Ěý
Les travaux ont permis de constater que les concentrations cycliques de protéines dans les cellules individuelles du poisson zèbre continuaient d’augmenter et de diminuer, sans interrompre leur oscillation. Cependant, une fois la voie de transmission intercellulaire bloquée, les oscillations entre les cellules voisines n’étaient plus synchronisées. En d’autres mots, les horloges cellulaires continuaient de fonctionner, sans être à l’unisson. Cette découverte confirme que la voie de transmission du signal Notch assure la synchronisation des cellules – un rôle crucial, puisque ces dernières doivent agir de concert pour former les vertèbres.
L’observation d’embryons normaux de poissons zèbres a également permis aux chercheurs de démontrer que les cellules désynchronisent leurs oscillations lors de la division cellulaire pour se synchroniser de nouveau avec leurs voisines afin de former collectivement les vertèbres.
«ĚýChez l’humain, les anomalies de la voie de transmission du signal Notch sont associĂ©es Ă la dysostose spondylocostale, terme qui regroupe un ensemble de troubles congĂ©nitaux du dĂ©veloppement tels que la scoliose et le nanisme tronculaire causĂ©s par des malformations des cĂ´tes et des vertèbresĚý», prĂ©cise la professeure Amacher. «ĚýDes Ă©tudes telles que la nĂ´tre pourraient ouvrir la voie Ă de nouveaux traitements ciblant diverses maladies. Dans l’organisme, de nombreuses cellules – comme les cellules souches et les cellules cancĂ©reuses – sont vraisemblablement pourvues de systèmes oscillatoires qui dictent la rĂ©ponse aux signaux environnementaux. En Ă©lucidant le mode de fonctionnement de ces horloges molĂ©culaires, nous pourrons comprendre comment intervenir pour les modifier et, ainsi, faire varier le nombre de cellules oscillatoires qui rĂ©pondent aux signaux de diffĂ©rentiation afin de faire progresser la recherche sur la biologie des cellules souches et du cancer, ainsi que le gĂ©nie tissulaire. Ěý Ěý
« La formation de la colonne vertĂ©brale est très importante, car tout le reste en dĂ©pendĚý», prĂ©cise le professeur François, dont la formation de physicien lui a permis de mettre au point les outils informatiques nĂ©cessaires Ă l’analyse des sĂ©quences vidĂ©o sur les embryons de poissons zèbres. Les travaux du professeur François portent principalement sur la modĂ©lisation des propriĂ©tĂ©s physiques et de l’évolution des rĂ©seaux gĂ©nĂ©tiques – un domaine nĂ© de la fusion de la biologie et de la physique au cours des dernières annĂ©es Ă la suite du sĂ©quençage du gĂ©nome humain et d’une meilleure comprĂ©hension des processus intracellulaires par la communautĂ© scientifique. Ěý
Le professeur François a collaborĂ© avec Émilie Delaune, boursière postdoctorale qui a mis au point l’outil d’imagerie et rĂ©alisĂ© toutes les expĂ©riences Ă l’aide de ce dernier, et Nathan Shih, Ă©tudiant aux cycles supĂ©rieurs. La professeure Amacher, Émilie Delaune et Nathan Shih ont rĂ©alisĂ© leurs travaux Ă l’UniversitĂ© de Californie Ă Berkeley. ÉmilieĚýDelaune travaille maintenant Ă l’École normale supĂ©rieure de Lyon, en France.
Ces travaux de recherche ont été financés par l’Association française contre les myopathies, une bourse internationale « sortante » Marie-Curie, un Prix Pew, les Instituts nationaux de santé, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et le Regroupement québécois pour les matériaux de pointe.
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