Un physicien confirme l'exactitude d'un modèle atmosphérique vieux de 80 ans
Le physicien Shaun Lovejoy a fourni la preuve que l’atmosphère terrestre fonctionne assez différemment de ce que présupposent les modèles numériques servant à prédire le temps. Ses travaux, qui seront publiés dans Physical Review Letters, démontrent que la dynamique de l’atmosphère, de l’échelle planétaire jusqu’à une échelle de 1 km au moins, se conforme très étroitement aux prédictions des processus en cascade invariants d’échelle mais stratifiés. «Cela démontre -- grâce à l’analyse la plus fouillée des données menée à ce jour -- que l’atmosphère n’est pas divisée en zones turbulentes isotropiques tridimensionnelles et isotropiques bidimensionnelles, précise Lovejoy, mais plutôt que les grandes structures sont généralement identiques aux petites, si ce n’est de l’aplatissement progressif observé aux plus grandes échelles; ces structures sont des types particuliers de (multi) fractales».
Les modèles numériques (servant aux prévisions météorologiques assistées par ordinateur) et climatiques reposent sur un modèle de l’atmosphère qualitativement différent, où les petites structures (rafales, «turbulences», etc.) sont très différentes -- et séparées -- des grandes structures normalement associées au «temps». En raison de cette séparation d’échelle, précise Lovejoy, la turbulence peut se ramener à de petites perturbations n’ayant pas d’effet important sur le temps. Des modèles globaux incapables de résolutions inférieures à quelques centaines de kilomètres sont ainsi commodément justifiés.
En revanche, le «modèle à invariance d’échelle unifié» formulé par le professeur Lovejoy et son collègue Daniel Scherter au début des années 1980 propose un seul continuum de structures interactives (remous, rafales, tourbillons, etc.), l’énergie se communiquant en cascade des échelles les plus grandes jusqu’aux échelles millimétriques. Toute séparation intermédiaire en petites et grandes échelles est une distinction arbitraire subjective. De fait, selon M. Lovejoy, «le modèle à invariance d’échelle unifié est lui-même une version moderne d’un modèle en cascade beaucoup plus ancien, proposé par le père des prévisions météorologiques numériques, Lewis Richardson, durant les années 1920».
M. Lovejoy et deux de ses collègues, D. Schertzer et J.D. Stanway, ont utilisé 909 images satellitaires couvrant une échelle allant de 1 à 5 000 km, dans les spectres visible et infrarouge, pour démontrer que la variabilité à toutes les échelles observées et à tous les niveaux d’intensité se conforme étroitement aux prévisions d’un modèle en cascade direct à invariance d’échelle, à partir de l’échelle planétaire.
Les recherches théoriques du professeur Lovejoy, qui sont en grande partie financées par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, ont été fortement influencées par différentes idées formulées sur le chaos, l’invariance d’échelle et les fractales. Leurs résultats prometteurs permettront de mieux comprendre les phénomènes météorologiques et les séismes. Dans le champ appliqué, le professeur Lovejoy s’est intéressé à différentes questions comme la surface des océans et des glaces, la pollution chimique, la parole humaine aux basses fréquences, les jets d’hadron et les structures à grande échelle de l’univers. L’objectif à long terme de ces travaux est l’étude systématique des symétries à invariance d’échelle de systèmes géophysiques et atmosphériques. Les progrès fulgurants de l’informatique, de la télédétection et des techniques d’analyse d’image lui ont permis de réunir systématiquement des données pour prouver que les géosystèmes sont liés entre eux par un principe unificateur fondamental.