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Nouvelles

RĂ©chauffement climatique et morphologie des souris

Des biologistes observent des changements survenus au cours des 50 dernières années dans la structure des dents et du crâne de deux espèces de souris du sud du Québec
±ĘłÜ˛ú±ôľ±Ă©: 27 November 2017

Une nouvelle Ă©tude rĂ©alisĂ©e par des biologistes de l’±«˛Ôľ±±ą±đ°ů˛őľ±łŮĂ©Ěý˛Ńł¦łŇľ±±ô±ô rĂ©vèle que les hivers plus doux sont Ă  l’origine de modifications morphologiques survenues au cours des 50 dernières annĂ©es chez deux espèces de souris du sud du QuĂ©bec – exemple typique des consĂ©quences du changement climatique sur les petits mammifères.

Les chercheurs ont également observé une inversion totale des proportions de deux espèces de souris vivant dans cette région, constatation qui vient s’ajouter aux données probantes témoignant d’un déplacement des espèces sauvages vers le nord en raison du réchauffement climatique.

La biologiste Virginie Millien, directrice de la Réserve naturelle Gault de l’Université McGill située à environ 40 kilomètres à l’est de Montréal, dans la vallée du Saint-Laurent, étudie depuis 10 ans deux espèces semblables et coexistantes : la souris sylvestre et la souris à pattes blanches. Ces deux espèces sont communes dans l’est de l’Amérique du Nord. Si la souris sylvestre vit dans les régions plus nordiques du Canada, la souris à pattes blanches est une espèce plus méridionale que l’on observe rarement au nord du fleuve Saint-Laurent.

En comparant les données colligées depuis 10 ans et les spécimens capturés par des chercheurs de McGill depuis les années 1950, l’équipe de la Pre Millien a découvert que la morphologie du crâne des deux espèces de souris a évolué au fil du temps. Les changements observés sont semblables chez les deux espèces, mais plus prononcés chez la souris à pattes blanches, de sorte que la morphologie du crâne est maintenant plus distincte entre les deux espèces.

Les chercheurs estiment qu’au cours de la même période, la souris à pattes blanches a migré plus au nord au fur et à mesure que les hivers devenaient plus doux, et ce, au rythme d’environ 11 kilomètres par année. En outre, si 9 spécimens sur 10 capturés par des chercheurs sur la Réserve dans les années 1970 étaient des souris sylvestres et 10 % seulement étaient des souris à pattes blanches, les proportions sont maintenant inversées, comme en témoignent les résultats de l’étude réalisée par l’équipe de la Pre Millien publiés récemment dans la revue Evolutionary Ecology.

Changements morphologiques

« Selon la thĂ©orie de l’évolution, des changements morphologiques Ă©taient susceptibles de se produire sous l’effet du changement climatique, mais nous disposions jusqu’à maintenant de très peu de donnĂ©es probantes tĂ©moignant de ce phĂ©nomène chez les mammifères », affirme la PreĚý˛Ńľ±±ô±ôľ±±đ˛Ô.

Ces changements pourraient être attribuables à des modifications dans les habitudes alimentaires causées par le réchauffement climatique ainsi que par la concurrence que se livrent les deux espèces de souris pour se nourrir, estiment les chercheurs. Ainsi, un changement de position de l’une des molaires chez les deux espèces pourrait indiquer que ces mammifères se nourrissent maintenant d’un autre type de nourriture qu’ils doivent broyer avec leurs dents.

Il reste à déterminer si ces changements sont d’origine génétique et seront transmis aux générations suivantes – évolution – ou s’ils relèvent davantage de la « plasticité », soit l’aptitude de certaines espèces à s’adapter à des changements rapides de leur environnement.

Dans les deux cas, les changements physiques – mĂŞme s’ils sont difficiles Ă  dĂ©celer pour les profanes – sont considĂ©rables. « Nous parlons ici d’os et de dents, des structures solides difficilement mallĂ©ables », souligne la PreĚý˛Ńľ±±ô±ôľ±±đ˛Ô.

Ces observations viennent s’ajouter aux quelques cas documentés témoignant d’une adaptation rapide au changement climatique par des espèces sauvages, notamment ceux rapportés dans les études réalisées sur les pinsons des îles Galapagos par Rosemary et Peter Grant, qui se sont échelonnées sur quatre décennies à partir de 1973. En observant attentivement les populations de deux espèces de pinsons sur une île minuscule soumise à d’importantes variations climatiques attribuables notamment à la sécheresse et à El Niño, ces scientifiques ont démontré que des changements évolutifs touchant la taille du bec et du corps peuvent survenir en l’espace de quelques années seulement.

Une île « forestière »

Pour la Pre Millien, la forêt ancienne de la Réserve naturelle Gault, sur le mont Saint-Hilaire, en Montérégie, au Québec, constitue elle aussi un véritable laboratoire isolé en plein air. « Lorsque je suis arrivée au Québec, il y a 15 ans, après avoir quitté la France, mes travaux portaient sur l’évolution des mammifères insulaires », se remémore-t-elle. « J’étais assez déçue, car il était peu probable que je trouve des îles à proximité de Montréal. Puis, j’ai vu une photo des collines montérégiennes prise par la NASA pendant l’hiver : des îles forestières au cœur de terres agricoles et de zones urbaines. Je venais de trouver le cadre de mes recherches. »

Ces collines boisées étaient particulièrement intéressantes pour la Pre Millien, car elle pouvait également avoir accès à des spécimens muséaux de la même région recueillis dans les années 1950 dans le cadre d’une étude sur le terrain réalisée par l’Université McGill ainsi que dans les années 1970 par Peter Grant qui, à l’époque, avait réalisé des travaux de recherche sur les petits mammifères de la Réserve Gault alors qu’il était professeur de biologie à McGill. (Peter et Rosemary Grant sont maintenant professeurs émérites à l’Université de Princeton.)

Recouverte de 1 000 hectares de forêts ancestrales, « la Réserve Gault est unique » dans le sud du Québec, affirme la Pre Millien, qui en est la directrice depuis l’année dernière. « Elle offre la possibilité aux chercheurs d’étudier les effets du changement climatique en faisant abstraction des perturbations causées par l’activité humaine. L’un de nos collègues biologistes s’emploie à mettre sur pied un projet semblable au nôtre et qui consiste à passer en revue les résultats de certaines études sur les plantes réalisées il y a plusieurs décennies. »

Cette étude a été financée par le Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, le Programme des chaires de recherche du Canada, une chaire Liber Ero, une bourse de recherche Killam et le LabEx Sciences Archéologiques de Bordeaux.

L’article «  morphological divergence in two closely related and co-occurring species over the last 50 years », par Virginie Millien et coll., a été publié en ligne dans la revue le 2 août 2017.

DOI : 10.1007/s10682-017-9917-0

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PreĚýłŐľ±°ů˛µľ±˛Ôľ±±đĚý˛Ńľ±±ô±ôľ±±đ˛Ô
virginie.millien [at] mcgill.ca

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