Qu'est-ce qui active ou désactive une cellule?
La découverte de chercheurs de McGill pourrait avoir des répercussions sur les domaines de l’oncologie, des thérapies géniques et des biotechnologies.
Des chercheurs du département de pharmacologie et de thérapeutique de l’Université McGill annoncent aujourd’hui dans la revue Nature la découverte d’un gène humain responsable d’une nouvelle activité que l’on croit essentielle à la reprogrammation des cellules. L’équipe dirigée par le docteur Moshe Szyf, professeur agrégé au département de pharmacologie et de thérapeutique, comprend également le docteur Sanjoy Bhattacharya, stagiaire post-doctoral rattaché au laboratoire, et Shyam Ramchandani et Nadia Cervoni, étudiants de doctorat.
L’organisme de l’être humain et des vertébrés comprend de nombreux organes dont chacun est constitué de nombreux types de tissus, qui sont eux-mêmes faits d’un ou plusieurs types de cellules. Les cellules sont donc l’unité de base des organismes vivants. Chaque cellule porte en elle toutes les données génétiques nécessaires à la construction d’un organisme complet. Toutefois, en se développant, les différents types de cellules activent ou désactivent différentes parties de leur bagage génétique, ce qui permet aux cellules de jouer un rôle spécifique dans l’organisme. «Ce mécanisme est bien sûr l’un des plus grands secrets de la biologie,» précise le docteur Szyf. «Qu’est-ce qui bloque une cellule dans un programme et l’empêche de retourner à un programme antérieur? Ce processus est en partie contrôlé par des enzymes, les ADN méthyltransférases, qui modifient l’ADN. Pour exploiter tout le potentiel des biotechnologies, il faut pouvoir déverrouiller ces programmes génétiques.» Le docteur Szyf précise que le schéma de modification hérité des parents s’efface dès les premiers stades du développement pour que l’embryon puisse créer de nouveaux programmes. «Un nuage de mystère entourait depuis quarante ans l’existence des enzymes responsables de ce processus. La plupart des chercheurs, croyant que ces enzymes devaient produire une réaction chimique impossible, en ont déduit qu’elles n’existaient pas» ajoute le docteur Szyf. La découverte de l’enzyme déméthylase décrite par les chercheurs de McGill a cependant réfuté ce dogme et permis d’identifier une nouvelle réaction enzymatique qui n’avait jamais été documentée.
Les chercheurs pensent que la compréhension de ce nouveau gène leur permettra de contrôler et d’inverser des programmes génétiques, ce qui pourrait être d’une importance cruciale dans certains champs des biotechnologies comme le clonage, les traitements à base de cellules souches et les thérapies géniques. Les traitements anticancéreux sont un autre domaine sur lequel cette découverte pourrait avoir des répercussions. On sait depuis vingt ans que le schéma de modification des gènes des cellules cancéreuses présente des problèmes inhérents. Le gène découvert par les chercheurs de McGill est fortement exprimé dans de nombreuses cellules cancéreuses et l’on croit qu’il pourrait constituer une cible anticancéreuse très importante. D’autres recherches seront nécessaires pour exploiter tout le potentiel technologique et thérapeutique de cette découverte, mais les chercheurs espèrent avoir découvert une piste extrêmement importante.