L’inactivation épigénétique d'un gène impliqué dans le métabolisme de la vitamine B12 jette un éclairage nouveau sur certaines maladies rares
On pensait que des maladies rares Ă caractère hĂ©rĂ©ditaire rĂ©cessif ne s’exprimaient chez les enfants que si les deux parents Ă©taient porteurs d’une mutation du gène responsable, mais une nouvelle Ă©tude renverse ce paradigme. En effet, une Ă©quipe de recherche internationale dirigĂ©e par des chercheurs de l’UniversitĂ© de Lorraine, en France, ainsi que de l’UniversitĂ© McGill et de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santĂ© McGill (IR-CUSM), au Canada, ont dĂ©couvert une nouvelle cause d’une forme de maladie rare connue sous le nom de cblC. La nouvelle entitĂ© de la maladie baptisĂ©e «Ěýepi-cblC » a Ă©tĂ© observĂ©e chez plusieurs patients en Europe et aux États-Unis. La maladie cblC rend les patients incapables de mĂ©taboliser la *vitamine B12, ce qui provoque de graves problèmes de santĂ©.
cblC est généralement causée par deux mutations sur le gène MMACHC, chacune étant transmise par un des parents. Toutefois les chercheurs ont découvert que la nouvelle entité de la maladie est plutôt attribuable à une mutation sur une seule copie du gène et l’inactivation de la seconde copie par un mécanisme épigénétique. Cette épimutation est produite par une mutation sur un gène adjacent. Leurs découvertes, qui ont été publiées en ligne dans la revue Nature Communications de ce mois-ci, pourraient avoir une incidence sur le diagnostic et les conseils génétiques offerts aux familles atteintes de maladies génétiques, ainsi que sur l’élaboration de nouvelles approches thérapeutiques.
«ĚýNous avons dĂ©couvert un nouveau mĂ©canisme par lequel une Ă©pimutation provoque une abolition de l’expression d’un gène important de la vitamine B12. Cette Ă©pimutation peut entraĂ®ner une grave maladie gĂ©nĂ©tique responsable d’une anĂ©mie, d’une atteinte neurocognitive et mĂŞme d’un dĂ©cès prĂ©maturé », affirme le professeur Jean-Louis GuĂ©ant, auteur principal de l’étude, directeur de l’unitĂ© Inserm de nutrition-gĂ©nĂ©tique-risques environnementaux de l’UniversitĂ© de Lorraine, chef du dĂ©partement de mĂ©decine molĂ©culaire et de thĂ©rapeutique personnalisĂ©e et mĂ©decin du Centre national de rĂ©fĂ©rence pour les maladies mĂ©taboliques hĂ©rĂ©ditaires du Centre Hospitalier RĂ©gional Universitaire de Nancy.
La maladie cblC est l’erreur innée la plus commune du métabolisme de la vitamine B12 (cobalamine). Chez un nourrisson décédé avec les signes cliniques et biologiques de la maladie, les chercheurs de l’Université de Lorraine ont repéré une épimutation qui touchait le gène MMACHC et qu’on observait aussi chez trois générations de cette famille, dans le sperme du père et celui du père d’un autre patient. Les groupes de recherche l’ont ensuite repéré dans d’autres cas en Europe ainsi qu’en Amérique du Nord et ont découvert qu’il s’agissait d’un problème de lecture sur le gène adjacent.
«ĚýCette Ă©pimutation observĂ©e chez les patients Ă©teint le gène MMACHC, qui devient inactif. Elle a le mĂŞme effet qu’une vĂ©ritable mutation du gène lui-mĂŞme. Ce mĂ©canisme contribue peut-ĂŞtre Ă bien d’autres maladies », prĂ©cise le Dr David Rosenblatt, coauteur de l’étude, chercheur au sein du Programme en santĂ© de l’enfant et en dĂ©veloppement humain de l’IR-CUSM et dĂ©tenteur de la chaire de gĂ©nĂ©tique mĂ©dicale Dodd Q. Chu et famille du dĂ©partement de gĂ©nĂ©tique humaine de l’UniversitĂ© McGill.
Ces résultats s’appuient sur une collaboration de longue date entre les équipes de chercheurs en France et au Québec, ainsi qu’avec des chercheurs des États-Unis (New York, Philadelphie, Boston) et de la Suisse. Dans le cadre de travaux antérieurs, les chercheurs de l’IR-CUSM et de l’Université McGill ont découvert que les mutations du gène MMACHC étaient responsables de l’erreur innée cblC du métabolisme de la vitamine B12. Après avoir étudié des centaines de patients, quelques cas ne présentaient qu’une seule mutation du gène MMACHC.
Les généticiens et les biologistes moléculaires devront désormais chercher des épimutations chez les patients qui ont de graves formes de maladies rares malgré l’absence de mutation dans au moins l’une des deux copies du gène. Le mécanisme qui provoque l’épimutation met en jeu deux gènes voisins du gène MMACHC, responsables de la maladie. Les mécanismes épigénétiques peuvent également être causés par l’environnement (alimentation, stress, exposition à des produits toxiques) et non par le hasard des mutations.
«ĚýNous avons jusqu’à prĂ©sent identifiĂ© une quarantaine de maladies rares oĂą ce mĂ©canisme peut potentiellement ĂŞtre produit au niveau de trios similaires de gènes », explique Jean-Louis GuĂ©ant.
«ĚýCette percĂ©e scientifique souligne l’importance de l’étude de patients atteints de maladies rares pour l’avancement de nos connaissances de la biologie humaine », ajoute le Dr Rosenblatt, qui est Ă©galement le directeur de l’un des laboratoires de rĂ©fĂ©rence dans le monde pour les patients chez qui on soupçonne cette incapacitĂ© gĂ©nĂ©tique d’absorber la vitamine B12.
*La vitamine B12, ou cobalamine (Cbl), est essentielle au bon fonctionnement du système nerveux humain et à la synthèse des globules rouges. Incapable de produire la vitamine, le corps humain doit l’obtenir à partir d’aliments d’origine animale tels que les produits, laitiers, les œufs, la viande rouge, le poulet, le poisson et les fruits de mer, ou de suppléments vitaminiques. Les légumes ne contiennent pas de vitamine B12.
Ă€ propos de cette Ă©tude
Cette étude a été financée par la Région Lorraine, i-SITE (LUE), l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) de la France et les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC). Cette découverte a fait l’objet d’une le 4 janvier 2018.
À propos de l’Université de Lorraine
L’Université de Lorraine est un établissement public d’enseignement supérieur composé de 10 pôles scientifiques rassemblant 60 laboratoires et de 9 collégiums réunissant 47 composantes de formation dont 11 écoles d’ingénieurs. Elle compte près de 7 000 personnels et accueille chaque année plus de 60 000 étudiants.
À propos de l’IR-CUSM
L’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) est un centre de recherche de réputation mondiale dans le domaine des sciences biomédicales et de la santé. Établi à Montréal, au Canada, l’Institut, qui est affilié à la faculté de médecine de l’Université McGill, est l’organe de recherche du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) – dont le mandat consiste à se concentrer sur les soins complexes au sein de sa communauté. L’IR-CUSM compte plus de 420 chercheurs et près de 1 200 étudiants et stagiaires qui se consacrent à divers secteurs de la recherche fondamentale, de la recherche clinique et de la recherche en santé évaluative aux sites Glen et à l’Hôpital général de Montréal du CUSM. Ses installations de recherche offrent un environnement multidisciplinaire dynamique qui favorise la collaboration entre chercheurs et tire profit des découvertes destinées à améliorer la santé des patients tout au long de leur vie. L’IR-CUSM est soutenu en partie par le Fonds de recherche du Québec – Santé (FRQS).
À propos de l’Université McGill
Fondée à Montréal (Québec) en 1821, McGill est le principal établissement d’enseignement postsecondaire au Canada. Il compte deux campus, 11 facultés, 11 écoles professionnelles, 300 programmes d’études et plus de 37 000 étudiants, dont 8 300 étudiants diplômés. McGill attire des étudiants de plus de 150 pays à travers le monde, avec plus de 7 200 étudiants internationaux représentant 20 % du corps étudiant. Près de la moitié des étudiants de McGill ont une première langue autre que l’anglais comme langue maternelle, dont plus de 6 200 francophones. www.mcgill.ca
A propos de l’unité Inserm N-GERE
L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) est l’Institut national de la santé et de la recherche médicale. C’est la seule institution de recherche publique exclusivement axée sur la santé humaine et la recherche médicale en France. L’Inserm est composé de 339 unités de recherche, gérées par 6 500 agents permanents. L’unité Inserm sur les risques nutrition-génétique-environnementaux (N-GERE) étudie les interactions génétique-métabolisme-environnement du développement et de la santé. L’approche consiste à disséquer les mécanismes épigénomiques-métaboliques-épigénétiques par lesquels les expositions environnementales et les déséquilibres/déficits métaboliques affectent le développement précoce et les mécanismes des maladies complexes et héréditaires. L’unité joue un rôle de premier plan dans la Fédération Hospitalo-Universitaire (FHU) ARRIMAGE qui met en réseau les unités locales de l’INSERM, la recherche clinique du CHRU de Nancy et le centre national de référence pour les maladies métaboliques héréditaires.
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