Le ³Ù³Ü²Ô²µ²õ³Ùè²Ô±ð : dangereux pour la santé?
Le ³Ù³Ü²Ô²µ²õ³Ùè²Ô±ð est un élément recherché pour diverses applications industrielles, militaires et médicales en raison de son point de fusionÌý– le plus élevé de tous les métauxÌý– ainsi que de sa densité et de sa dureté remarquables. Le ³Ù³Ü²Ô²µ²õ³Ùè²Ô±ð, qui entre dans la composition d’outils de coupe, de munitions, de dispositifs médicaux et même de certains médicaments, fait maintenant partie de nos vies.
Si de nombreux organismes de réglementation imposent des valeurs limites quant à la concentration de poussière de ³Ù³Ü²Ô²µ²õ³Ùè²Ô±ð en suspension dans l’airÌý– principalement pour la protection des travailleurs qui Å“uvrent dans les secteurs de l’extraction et de la transformation de ce métalÌý– il n’existe que très peu de valeurs limites officielles visant la concentration de composés hydrosolubles de ³Ù³Ü²Ô²µ²õ³Ùè²Ô±ð, auxquels un plus large segment de la population peut être exposé.
Le problème avait été soulevé au début des annéesÌý2000, alors que des scientifiques s’étaient penchés sur l’existence possible d’un lien entre des cas de leucémie infantile à Fallon, au Nevada, et des concentrations élevées de ³Ù³Ü²Ô²µ²õ³Ùè²Ô±ð dans la nappe d’eau souterraine approvisionnant la municipalité en eau potable. Cette affaire avait incité le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies des États-Unis à cibler le ³Ù³Ü²Ô²µ²õ³Ùè²Ô±ð aux fins d’études de toxicologie et de carcinogenèse.
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LÉGENDEÌý:ÌýChez la souris exposée au ³Ù³Ü²Ô²µ²õ³Ùè²Ô±ð dans l’eau potable, l’élément s’est accumulé dans les tissus poreux près de l’extrémité de l’os (à gauche). À l’aide de techniques de spectrométrie d’absorption des rayonsÌýX émis par synchrotron, les chercheurs ont obtenu une image (au centre) cartographiant la présence de ³Ù³Ü²Ô²µ²õ³Ùè²Ô±ð sous une forme semblable au phosphotungstate, un catalyseur chimique (PÌý=Ìýphosphore, WÌý= ³Ù³Ü²Ô²µ²õ³Ùè²Ô±ð, OÌý=Ìýoxygène).ÌýSOURCEÌý: CassidyÌýVanderSchee
Résultats mitigés d’études de toxicologie antérieures
Les études sur la toxicité du ³Ù³Ü²Ô²µ²õ³Ùè²Ô±ð et son possible caractère carcinogène ont jusqu’ici donné des résultats mitigés. Certaines études ont démontré que, dans d’autres populations exposées à des taux de ³Ù³Ü²Ô²µ²õ³Ùè²Ô±ð comparables à ceux observés à Fallon, l’incidence de cancer n’était pas plus élevée que la normale, résultat qui semblait exclure ce métal comme facteur incriminant. D’autres études réalisées chez des sujets exposés à la fois au ³Ù³Ü²Ô²µ²õ³Ùè²Ô±ð et au cobalt ont révélé que le ³Ù³Ü²Ô²µ²õ³Ùè²Ô±ð semblait augmenter la toxicité de l’autre substance. Cette découverte a fait ressortir la nécessité de mieux comprendre comment et sous quelle forme le ³Ù³Ü²Ô²µ²õ³Ùè²Ô±ð s’accumule dans l’organisme, et dans quelle mesure il est éliminé par le corps.
Pour les besoins de son étude sur l’exposition au ³Ù³Ü²Ô²µ²õ³Ùè²Ô±ð chez la souris, publiée dans la revue Communications Chemistry, l’équipe de l’Université McGill a eu recours à de puissantes techniques de spectrométrie de rayonsÌýX pour répondre à ces questions. Les résultats sont pour le moins préoccupants.
Alors que des études antérieures avaient démontré que le ³Ù³Ü²Ô²µ²õ³Ùè²Ô±ð s’accumule dans les tissus osseux, les chercheurs de McGill ont découvert que cette accumulation n’était pas uniforme, mais plutôt concentrée dans certaines parties de l’os.
«ÌýNous avons découvert que le ³Ù³Ü²Ô²µ²õ³Ùè²Ô±ð, substance auparavant considérée comme non toxique et inerte, s’accumule en fait d’une manière non homogène dans les osÌý», explique CassidyÌýVanderSchee, auteure principale de l’étude et doctorante au Département de chimie de l’Université McGill. «ÌýQui plus est, nous avons constaté que la substance s’accumule sous une forme chimique différente après son administration, ce qui confirme l’activité chimique du métal dans l’organisme.Ìý»
Accumulation dans les tissus osseux
L’étude a démontré que, chez la souris exposée à des taux élevés de ³Ù³Ü²Ô²µ²õ³Ùè²Ô±ð dans l’eau potable, l’élément s’accumule dans des zones précisesÌý– soit la moelle osseuse et les tissus osseux poreux (ou spongieux)Ìý– à un degré 10Ìýfois supérieur aux concentrations de fond. Le dépôt de ³Ù³Ü²Ô²µ²õ³Ùè²Ô±ð dans les tissus spongieux semble indiquer que cet élément s’accumule dans l’organisme au cours des phases de croissance et de remodelage de l’os, ce qui indique que les personnes jeunes et en croissance sont particulièrement vulnérables.
Les chercheurs ont aussi découvert que le métal demeurait présent dans la couche extérieure compacte de l’osÌý– le cortexÌý– même chez les souris qui avaient consommé de l’eau exempte de ³Ù³Ü²Ô²µ²õ³Ùè²Ô±ð pendant huit semaines après l’exposition initiale. Comme l’organisme ne peut éliminer le ³Ù³Ü²Ô²µ²õ³Ùè²Ô±ð de ces tissus, l’os devient une source d’exposition chronique.
Découverte encore plus inquiétanteÌý: le ³Ù³Ü²Ô²µ²õ³Ùè²Ô±ð subit une transformation dans l’organisme. En effet, l’étude a démontré que cet élément s’accumulait sous une forme semblable au phosphotungstate, catalyseur chimique connu pouvant grandement influer sur les processus biologiques de la moelle osseuse et des tissus osseux spongieuxÌý– notamment la formation de cellules immunitaires et la croissance osseuse.
«ÌýNous croyons que bon nombre des effets biologiques du ³Ù³Ü²Ô²µ²õ³Ùè²Ô±ð que nous avons étudiés pourront être associés aux changements observés dans les tissus osseuxÌý», précise KorenÌýMann, professeure agrégée d’oncologie à McGill et coauteure de l’étude. «ÌýCela comprend les effets sur le système immunitaire, les cellules souches et le cancer.Ìý»
«ÌýLes études sur les risques de l’exposition au ³Ù³Ü²Ô²µ²õ³Ùè²Ô±ð pour la santé humaine se poursuivent, mais nos travaux en révèlent déjà beaucoup sur la façon dont cet élément s’accumule dans l’organisme. Ce sont là des découvertes essentielles à la mise au point de traitements efficaces pour l’élimination de cette substanceÌý», affirme ScottÌýBohle, professeur de chimie à McGill et auteur en chef de l’étude.
Cette étude a été réalisée en collaboration avec des scientifiques du Centre canadien de rayonnement synchrotron de Saskatoon, en Saskatchewan, et du National Synchrotron Light SourceÌýII du Département américain de l’énergie, au laboratoire national de Brookhaven, à Upton, dans l’État de New York.
Ce projet de recherche a été financé par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, les Instituts de recherche en santé du Canada et le Programme des chaires de recherche du Canada.
L’article «ÌýAccumulation of persistent tungsten in bone as in situ generated polytungstateÌý», par CassidyÌýR.ÌýVanderSchee etÌýcoll., a été publié dans la revue Communications Chemistry le 8ÌýmarsÌý2018. DOIÌý:10.1038/s42004-017-0007-6
Personnes-ressourcesÌý:
CassidyÌýVanderSchee
cassidy.vanderschee [at] mail.mcgill.ca
PrÌýScottÌýBohle
scott.bohle [at] mcgill.ca
ChrisÌýChipello
Relations avec les médias
Université McGill
Tél.Ìý: 514Ìý398-4201
christopher.chipello [at] mcgill.ca
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