Le manque d’inventrices nuit à la santé des femmes
Une nouvelle étude publiée dans révèle que les femmes sont peu nombreuses à détenir des brevets biomédicaux, ce qui a un effet sur le nombre de produits brevetés axés sur la santé des femmes.
On sait que les femmes sont moins présentes que les hommes dans les domaines des sciences et des technologies, mais il faut aussi savoir que les conséquences de ce déséquilibre vont au-delà de la simple représentation inégale sur le marché du travail. Des chercheurs de l’Université McGill, de la Harvard Business School et de l’Université de Navarre, à Barcelone, ont en effet découvert que l’écart entre les sexes chez les inventeurs créait des inégalités dans la population qui profite des inventions.
« Bien que le pourcentage de brevets biomédicaux détenus par des inventrices soit passé de 6,3 % à 16,2 % au cours des trente dernières années, les hommes sont toujours nettement majoritaires dans ce domaine. Par conséquent, les inventions en santé ont tendance à répondre davantage aux besoins des hommes qu’à ceux des femmes », explique John-Paul Ferguson, coauteur de l’article et professeur agrégé à la Faculté de gestion Desautels de l’Université McGill.
Écart entre les sexes
Pour trier les inventions en fonction des personnes auxquelles elles s’adressent, les chercheurs ont analysé le texte de 441 504 demandes de brevets médicaux déposées entre 1976 et 2010 au moyen d’un processus d’apprentissage automatique. Leurs conclusions : les inventions biomédicales brevetées par des femmes étaient jusqu’à 35 % plus susceptibles d’être bénéfiques pour la santé des femmes que les produits biomédicaux créés par des hommes, et étaient plus souvent axées sur des maladies qui touchent uniquement ou principalement les femmes, telles que le cancer du sein, la prééclampsie post-partum, la fibromyalgie et le lupus.
Les inventrices ont tendance à créer des produits pour les femmes, mais les brevets pour de tels produits sont moins nombreux parce que peu d’inventeurs sont des femmes. Durant la période visée par l’étude, seulement un quart de toutes les demandes de brevet ont été déposées par des équipes d’inventeurs comptant des femmes.
Les chercheurs ont également constaté que les femmes scientifiques étaient 40 % moins susceptibles de commercialiser leurs idées que leurs homologues masculins. Les causes de cet écart sont nombreuses; pensons aux différences dans l’accès au mentorat ou encore aux obstacles que les femmes doivent surmonter lorsqu’elles essaient de commercialiser des produits s’adressant aux femmes.
« D’après nos résultats, cette disparité entre les sexes nous aurait privés de milliers d’inventions destinées aux femmes depuis 1976. S’il y avait eu autant d’inventrices que d’inventeurs pendant cette période, 6 500 produits pour les femmes supplémentaires auraient été mis sur le marché », précise Rembrand Koning, coauteur et professeur adjoint à la Harvard Business School.
Tendances sexistes en innovation biomédicale
L’étude révèle aussi que les inventions mises au point par des équipes de recherche composées entièrement ou principalement d’hommes sont plus susceptibles de répondre aux besoins médicaux des hommes. Pendant 34 des 35 années de la période allant de 1976 à 2010, ces équipes ont commercialisé beaucoup plus d’inventions destinées aux hommes que de produits destinés aux femmes.
Ainsi, les inventeurs ont eu tendance à s’intéresser à des maladies et à des troubles qui touchent les hommes de façon disproportionnée, comme la maladie de Parkinson et l’apnée du sommeil. On a découvert que, dans l’ensemble, les inventions biomédicales conçues entre 1976 et 2010 répondaient principalement aux besoins des hommes, peu importe la composition des équipes d’inventeurs.
Des inventions par des femmes, pour des femmes
La participation accrue des inventrices présente également des avantages plus subtils, ont constaté les chercheurs. En effet, ces femmes sont davantage susceptibles à chercher des façons d’améliorer des traitements existants pour des maladies frappant également les hommes et les femmes, comme les crises cardiaques, le diabète et les AVC, afin de les adapter aux besoins des femmes. Elles sont également plus portées à vérifier si leurs idées et inventions toucheront les femmes et les hommes différemment. Par exemple, elles chercheront à savoir si un médicament a davantage d’effets indésirables chez les femmes que chez les hommes. « Nos résultats laissent entendre que nous pourrions éliminer ces inégalités invisibles si les inventrices étaient plus nombreuses », admet Rembrand Koning.
³¢'é³Ù³Ü»å±ð L’article « Who do we invent for? Patents by women focus more on women’s health, but few women get to invent », par Rembrand Koning, Sampsa Samila et John-Paul Ferguson, a été publié dans . DOI : |
L’Université McGill
Fondée en 1821 à Montréal, au Québec, l’Université McGill figure au premier rang des universités canadiennes offrant des programmes de médecine et de doctorat. Année après année, elle se classe parmi les meilleures universités au Canada et dans le monde. Établissement d’enseignement supérieur renommé partout dans le monde, l’Université McGill exerce ses activités de recherche dans deux campus, 11 facultés et 13 écoles professionnelles; elle compte 300 programmes d’études et au-delà de 40 000 étudiants, dont plus de 10 200 aux cycles supérieurs. Elle accueille des étudiants originaires de plus de 150 pays, ses 12 800 étudiants internationaux représentant 31 % de sa population étudiante. Au-delà de la moitié des étudiants de l’Université McGill ont une langue maternelle autre que l’anglais, et environ 19 % sont francophones.