L'écume d'étang, un bon indicateur de biodiversité
Cette substance visqueuse fournit aux chercheurs de McGill et d’Oxford des renseignements précieux sur la biodiversité.
Pour la plupart d’entre nous, l’écume blanche qu’on voit parfois à la surface des étangs n’évoque qu’une prolifération peu appétissante de bactéries, mais cette substance visqueuse fournit aux chercheurs de McGill et d’Oxford des renseignements précieux sur la biodiversité.
Dans le numéro du 3 août de Nature, deux biologistes de l’Université McGill, Rees Kassen et Graham Bell, décrivent les recherches que des chercheurs de McGill et d’Oxford ménent sur l’écume des étangs et plus particuliérement sur la bactérie pseudomonas fluorescens afin de mieux comprendre les modes de diversité des espèces dans la nature. Ces recherches sont menées en laboratoire sur des bactéries prélevées dans des étangs. En étudiant les bactéries en laboratoire, les auteurs précisent « qu’il est possible de vérifier directement les théories fondamentales de la biodiversité à une échelle viable sur le plan expérimental » .
Une énigme vieille de trois décennies enfin élucidée
À l’aide d’écume d’étang, l’équipe de chercheurs étudie la raison pour laquelle la diversité des espèces est particulièrement marquée dans les régions où la productivité - le rythme auquel l’énergie est assimilable par une population - se situe à un niveau moyen. En d’autres termes, il existe une relation unimodale (hump-shaped) entre la diversité des espèces et la productivité.
Les biologistes savent depuis longtemps que différentes espèces peuvent coexister dans un même environnement si elles occupent des créneaux spécialisés différents. La diversité ne peut toutefois pas être maintenue lorsqu’un créneau produit beaucoup plus d’individus qu’un autre, car la population du créneau le plus productif déloge celle des créneaux moins productifs. Depuis trente ans, environ neuf hypothèses ont été avancées pour expliquer ce phénomène. Comme cette relation entre la diversité et la productivité est observable à une échelle très importante, soit un territoire équivalent à la superficie d’un État américain moyen, toutes les hypothèses antérieures sont restées théoriques, jusqu’à aujourd’hui.
Résultats spectaculaires des expériences préliminaires
Les chercheurs de McGill et d’Oxford ont été les premiers à mener des expériences sur la relation entre la productivité et la diversité. Ils ont simulé le gradient de productivité de l’ensemble d’un étang en cultivant des bactéries dans des éprouvettes contenant différentes concentrations d’éléments nutritifs. Dans chaque éprouvette, l’environnement pouvait être variable ou uniforme selon que l’éprouvette était agitée ou non.
Les chercheurs ont observé une courbe sur le gradient de productivité des éprouvettes à environnement variable. Dès que l’environnement est redevenu uniforme, la courbe a entièrement disparu. Les chercheurs voient là la preuve qu’un environnement variable est absolument essentiel à l’apparition d’une relation unimodale. Ils soutiennent que ce type de relation s’observe parce que différentes régions ou différents créneaux d’un environnement variable produisent des populations variables. Ce déséquilibre, expliquent-ils, est caractéristique des environnements où la productivité est très faible ou très élevée. Ce n’est qu’à un niveau moyen de productivité que la taille des populations s’équilibre et permet la coexistence de différentes espèces adaptées à des créneaux différents.
Les équips de recherche de McGill et d’Oxford entendent poursuivre leurs analyses de l’écume d’étang pour en savoir plus long sur la biodiversité. «Cette fois-ci » , précise Rees Kassen « nous cherchons à expliquer comment les modes de diversité sont troublés par des facteurs physiques, environnementaux ou prédatoriaux et comment ceux-ci affectent les espèces d’une région donnée » .