Dépendance à la cocaïne, besoin impérieux et rechute
Le sevrage de la consommation de drogue se traduit par une reprogrammation des gènes du cerveau qui sont en cause dans les personnalités enclines à la dépendance, ont déclaré les chercheurs de l’Université McGill et de l’Université Bar Ilan dans le cadre d’une nouvelle étude publiée dans la revue Journal of Neuroscience.
«ĚýNos gènes nous sont transmis par nos parents et ces gènes restent figĂ©s tout au long de notre vie pour ĂŞtre ensuite transmis Ă nos enfants; nous ne pouvons pas faire grand‑chose pour changer les modifications gĂ©nĂ©tiques indĂ©sirables dont nous hĂ©ritons, prĂ©cise Moshe Szyf, professeur Ă la FacultĂ© de mĂ©decine de l’UniversitĂ© McGill. En revanche, les marques Ă©pigĂ©nĂ©tiques comme la mĂ©thylation de l’ADN agissent Ă titre d’interrupteurs et de gradateurs de gènes – elles peuvent ĂŞtre activĂ©es, Ă©teintes ou attĂ©nuĂ©es – par des mĂ©dicaments Ă©pigĂ©nĂ©tiques qui inhibent la mĂ©thylation de l’ADN et retirent les marques mĂ©thylĂ©es de ces gènes.Ěý»
Les chercheurs voulaient vérifier s’ils pouvaient arrêter un comportement de dépendance en influençant les marqueurs épigénétiques déclenchés par le sevrage en utilisant des médicaments épigénétiques comme le RG108, un inhibiteur de la méthylation de l’ADN.
Un modèle de dépendance chez le rat
L’équipe a utilisĂ© un modèle d’incubation du besoin impĂ©rieux de cocaĂŻne chez le rat, dans lequel des rats ont Ă©tĂ© entraĂ®nĂ©s Ă s’autoadministrer de la cocaĂŻne en rĂ©ponse Ă un indice lumineux ou sonore prĂ©cis. On a testĂ© ce besoin impĂ©rieux de la drogue ou ce comportement de dĂ©pendance après 1ĚýjournĂ©e ou 30ĚýjournĂ©es de sevrage de la cocaĂŻne. Ă€ la suite du long sevrage, les rats ont prĂ©sentĂ© un comportement de recherche intense de drogue lorsqu’ils Ă©taient exposĂ©s Ă l’indice. C’est Ă la suite d’une longue pĂ©riode exempte d’administration de drogue que les modifications Ă©pigĂ©nĂ©tiques Ă©taient les plus Ă©videntes.
Une approche révolutionnaire du traitement de la dépendance à la drogue
«ĚýNous avons dĂ©couvert que l’injection du mĂ©dicament RG108 immĂ©diatement avant l’exposition des animaux Ă l’indice lumineux après le long sevrage permettait non seulement d’arrĂŞter le comportement de dĂ©pendance des animaux, mais Ă©galement de le prolonger. Cela permet de penser qu’un seul traitement par le RG108 pourrait inverser la dĂ©pendance Ă la drogue, voire la guĂ©rirĚý», ajoute M.ĚýSzyf.
La période du sevrage est essentielle
«ĚýNous avons Ă©tĂ© Ă©tonnĂ©s de dĂ©couvrir que les plus grandes modifications de la mĂ©thylation de l’ADN ne se produisaient pas pendant l’exposition Ă la drogue, mais plutĂ´t pendant le sevrage, a dĂ©clarĂ© Gal Yadid, de l’UniversitĂ© Bar Ilan et coauteur de l’étude. Pendant cette pĂ©riode de sevrage, des centaines de gènes ont modifiĂ© leur Ă©tat de mĂ©thylation de l’ADN, y compris des gènes qu’on savait auparavant en cause dans la dĂ©pendanceĚý».
Cette recherche pourrait ouvrir de nouvelles voies pour le traitement de la dépendance chez l’humain.
Les traitements actuels pourraient aggraver la dépendance au lieu de l’inhiber
«ĚýLe pilier des approches actuelles du traitement de la dĂ©pendance pourrait en fait l’aggraver, dĂ©clare M.ĚýYadid. Notre recherche indique qu’étant donnĂ© que de nombreux gènes participent aux modifications liĂ©es Ă la dĂ©pendance, nos approches actuelles vont continuer d’échouer si nous ne visons qu’une cible ou un petit nombre de cibles dans le cerveau. Il faut toutefois mener davantage de recherches pour confirmer si ces nouvelles voies tiennent leurs promessesĚý».
Ěý
Le financement de l’étude a Ă©tĂ© assurĂ© par des subventions des Instituts de recherche en santĂ© du Canada, du Programme de soutien Ă la recherche du ministère du DĂ©veloppement Ă©conomique, de l’Innovation et de l’Exportation du gouvernement du QuĂ©bec et de l’AutoritĂ©ĚýisraĂ©lienneĚýantidrogue.
«ĚýRole of DNA Methylation in the Nucleus Accumbens in Incubation of Cocaine CravingĚý», Renaud Massart, Royi Barnea, Yahav Dikshtein, Matthew Suderman, OrenĚýMeir, Michael Hallett, Pamela Kennedy et Eric J. Nestler. Moshe Szyf, Gal Yadid, Journal of Neuroscience,