Comprendre un monde plein de merde
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Tout ce qui mange défèque, et les microbes ne font pas exception.
Les microbes ont dominĂ© l’écologie de la Terre ces derniers 3,5Ěýmilliards d’annĂ©es, et peut-ĂŞtre plus. En digĂ©rant la matière organique, ils jouent un rĂ´le essentiel dans le cycle du carbone de la planète. Par consĂ©quent, leurs dĂ©chets pourraient nous renseigner sur l’鱹´Ç±ôłÜłŮľ±´Ç˛Ô de la tempĂ©rature de la planète, de la composition des gaz Ă effet de serre et mĂŞme des taux d’oxygène au fil du temps, ainsi que sur la façon dont la vie elle-mĂŞme a Ă©voluĂ© en rĂ©action Ă ces changements. Mais, des scientifiques ont consacrĂ© plus de 60 ans Ă tenter d’interprĂ©ter l’information provenant de ces «Ěýempreintes fĂ©calesĚý», sans rĂ©ussir. Jusqu’à maintenant.Ěý
Des microbes très pointilleux en matière de nourriture
Dans un article récent de la revue Proceedings of the National Academy of Sciences, des chercheurs de l’Université McGill et de l’Institut scientifique Weizmann d’Israël décrivent la technique qu’ils ont mise au point afin d’interpréter ces résidus métaboliques caractéristiques. Ils se sont concentré sur les microbes qui vivent sur le fond océanique et consomment le sulfate de l’eau de mer en raison de la rareté de l’oxygène.
Selon les tempĂ©ratures mondiales, les concentrations de dioxyde de carbone et les taux d’oxygène, ces microbes qui se nourrissent de sulfate connaĂ®tront des pĂ©riodes d’abondance ĚýoĂą ils se multiplient rapidement ou, au contraire, des pĂ©riodes de disette et de croissance plus lente. La trace de ces changements se lit dans les dĂ©chets rejetĂ©s par ces microbes, plus prĂ©cisĂ©ment dans la quantitĂ© de sulfate qu’ils ont Ă©liminĂ©e.
Les microbes sont très pointilleux en matière de nourriture. Comme de nombreux ĂŞtres humains, ils prĂ©fèrent un repas lĂ©ger. Et, comme des carnivores prudents qui retirent les morceaux de Ěýgras de leur steak, les microbes rejettent gĂ©nĂ©ralement le sulfate quand il a un neutron ou deux de plus que la normale (les neutrons sont des particules atomiques et, par consĂ©quent, extrĂŞmement petites).
En pĂ©riode d’abondance, lorsque leur croissance s’accĂ©lère et qu’ils ont besoin de plus de sulfate, les microbes sont moins exigeants et se dĂ©barrassent moins de cette substanceĚý: ils la «ĚýfractionnentĚý» moins. Ă€ l’instar d’un glouton qui dĂ©vore son steak, ils ne prennent pas le temps de retirer le gras. Toutefois, lorsque les ressources sont plus limitĂ©es et que leur croissance ralentit, les microbes Ă©liminent ou fractionnent davantage. On peut comparer leur comportement Ă celui d’une personne qui rĂ©cupère de la viande dans les poubelles des Ă©piceries et retire les parties abĂ®mĂ©es pour trouver le seul morceau de viande comestible Ă l’intĂ©rieur.
Cette nouvelle Ă©tude d’ItayĚýHalevy et BozĚýWing explique ces Ă©tranges prĂ©fĂ©rences alimentaires des microbes et, pour la première fois, montre leur lien avec la quantitĂ© de nourriture stockĂ©e dans leurs cellules. Comme le souligne ItayĚýHalevy, coauteur de l’article, mĂŞme si l’analyse des «Ěýempreintes fĂ©calesĚý» a Ă©tĂ© conçue pour les microbes rĂ©ducteurs de sulfate vivant dans le sous-sol marin, ces travaux novateurs ont une portĂ©e plus vaste. «ĚýIls peuvent s’appliquer Ă de nombreux autres organismes microbiens qui jouent un rĂ´le important dans le fonctionnement du système terrestre aujourd’hui, qu’il s’agisse d’agents dĂ©nitrifiants qui rĂ©gissent le cycle de l’azote de la Terre ou de microbes qui produisent le mĂ©thane, un gaz Ă effet de serre.Ěý»
BozĚýWing raconte que ses travaux ont Ă©tĂ© inspirĂ©s par une question d’une Ă©tudiante au premier cycle Ă l’esprit particulièrement vif. «ĚýQuand j’ai commencĂ© Ă enseigner Ă McGill, j’ai dit Ă une Ă©tudiante que nous allions cultiver des microbes en laboratoire pour observer leur mode de fractionnement afin de nous en servir comme signature biologique sur certaines roches très anciennesĚý», affirme le professeurĚýWing. «ĚýElle m’a lancĂ© un regard très sceptique, avant de me demander si j’étais au courant que les microbes Ă©voluent. Cette question fondamentale est maintenant au cĹ“ur de la plupart des recherches de mon labo, oĂą nous tentons de comprendre les relations en constante Ă©±ą´Ç±ôłÜłŮľ±´Ç˛Ô entre la planète et ses habitants les plus nombreux, les microbes.Ěý»
Cette Ă©tude a Ă©tĂ© financĂ©e par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en gĂ©nie du Canada (B.ĚýA.ĚýWing); le Programme de professeurs invitĂ©s de la FondationĚýFeinberg, Ă l’Institut scientifique Weizmann (B.ĚýA.ĚýWing); le Conseil europĂ©en de la recherche (I.ĚýHalevy); et la Fondation israĂ©lienne des sciences (I.ĚýHalevy).
Version intĂ©grale de l’article publiĂ© dans Proceedings of the National Academy of SciencesĚý: .
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