Changements climatiques au Québec : Une plus grande diversité des espèces et le besoin de repenser nos modèles de conservation
Selon une Ă©quipe de chercheurs, les changements climatiques contribueront, de manière paradoxale, Ă une nette augmentation de la diversitĂ© des espèces prĂ©sente dans les aires protĂ©gĂ©es du QuĂ©bec, en faisant ainsi parmi les plus importants refuges de biodiversitĂ© du continent. Les scientifiques ont eu recours Ă la modĂ©lisation de niches Ă©cologiques pour calculer les variations Ă©ventuelles dans la prĂ©sence de 529Ěýespèces dans environ le tiers des aires protĂ©gĂ©es du sud du QuĂ©bec, dont la superficie Ă©tait infĂ©rieure Ă 50Ěýkm2 dans presque tous les cas. Or, les rĂ©sultats de leur Ă©tude nous permettent de croire que d’ici cinquante Ă quatre-vingts ans (soit entre 2071 et 2100), près de la moitiĂ© des aires protĂ©gĂ©es du sud de la province pourraient afficher un taux de renouvellement des espèces supĂ©rieur Ă 80Ěý%.
Ces chercheurs de l’UniversitĂ© du QuĂ©bec Ă Rimouski, du ministère des ForĂŞts, de la Faune et des Parcs, et de l’UniversitĂ©ĚýMcGill croient que la hausse du nombre d’espèces d’oiseaux, d’amphibiens, d’arbres et de plantes vasculaires Ă fleurs pourrait varier de 12Ěý% Ă 530Ěý%, selon la rĂ©gion. Il s’agit de la première Ă©tude visant Ă examiner de manière aussi approfondie les effets Ă©ventuels des changements climatiques sur la biodiversitĂ© dans un vaste rĂ©seau de rĂ©gions nordiques protĂ©gĂ©es.
Faut-il repenser les modèles de conservation?
L’équipe de recherche prĂ©voit qu’en raison de l’ampleur et de la rapiditĂ© du renouvellement des espèces, il sera nĂ©cessaire de repenser les modèles de conservation actuels, car la prĂ©servation du portrait de la biodiversitĂ© observĂ©e aujourd’hui dans nos parcs nationaux sera impossible. Voici ce qu’en disent les chercheursĚý:
- Plutôt que de tenter de préserver la biodiversité actuelle dans nos parcs nationaux, nous devrions peut-être mettre en œuvre une stratégie de conservation plus efficace visant à maintenir la résilience écologique ainsi que la diversité des caractéristiques et des conditions physiques.
- Les gestionnaires des aires protégées auront possiblement des décisions difficiles à prendre, compte tenu du nombre grandissant de nouvelles espèces immigrantes qui colonisent les régions nordiques. Si les écosystèmes traditionnels subissent de profondes modifications, les gestionnaires pourraient devoir compter sur des populations autosuffisantes d’espèces non indigènes dans certaines aires protégées. Cela dit, la présence d’espèces immigrantes pourrait avoir des effets négatifs sur la structure et le fonctionnement de l’écosystème.
- L’attribution d’un statut de conservation à des espèces rares ou récemment naturalisées pourrait être une question épineuse, étant donné la précarité d’un grand nombre d’espèces nordiques. Cela dit, on devrait juger de la valeur de conservation des nouvelles espèces rares dans une perspective continentale à long terme plutôt que dans une perspective nationale à court terme.
- On devra veiller à préserver et à rétablir la connectivité entre les habitats des aires protégées afin de permettre l’ouverture d’éventuels corridors de migration. Ainsi, les espèces éviteront de se retrouver coincées durant des dizaines, voire des centaines, d’années en raison d’un retrait rapide de la bordure sud du territoire et d’une lente progression vers la bordure nord.
Les chercheurs précisent toutefois que la hausse possible du nombre d’espèces ne devrait pas détourner l’attention du risque d’extinction d’espèces indigènes, qui pourraient ne plus disposer des conditions nécessaires à leur existence dans les aires protégées qu’elles peuplent actuellement. Le modèle géographique de la perte relative d’espèces susceptible de se produire donne à penser que plusieurs d’entre elles se trouvent dans les aires protégées les plus au sud du Québec et dans celles des latitudes plus élevées, où l’extinction de quelques espèces locales seulement peut entraîner de lourdes conséquences au sein de communautés écologiques tout entières.
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Cette étude a été financée par le ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC) du Québec, Canards illimités Canada, le gouvernement du Canada, le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec, le Consortium sur la climatologie régionale et l'adaptation aux changements climatiques Ouranos et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG).
Lire l’article intĂ©gral intitulĂ© «ĚýNorthern protected areas will become important refuges for biodiversity tracking suitable climatesĚý», par DominiqueĚýBerteaux et coll.Ěý: - DOIĚý: 10.1038/s41598-018-23050-w
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