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McGill, une institution québécoise à part entière

McGill, une institution québécoise à part entière


Deep Saini
Principal de l’Université McGill depuis le 1er avril 2023

Je suis arrivé à Montréal en décembre 1987, ne parlant pas un mot de français. Moins de deux ans plus tard, j’enseignais la biologie à l’Université de Montréal, en français. Je suis resté 18 ans à Montréal. C’est ici que ma femme et moi avons élevé nos enfants, qui sont allés à l’école en français. Aujourd’hui, je reviens dans cette métropole que j’aime tant : Montréal, c’est chez moi!

Des milliers d’étudiants et de chercheurs de l’Université McGill ont suivi un parcours similaire au mien, qu’ils soient québécois, canadiens ou qu’ils viennent d’ailleurs dans le monde. Ils ont été formés à Montréal et ont fait avancer la recherche et l’innovation québécoises. Plusieurs sont restés et se sont intégrés à la société québécoise. Certains sont partis vers d’autres horizons pour revenir plus tard. D’autres ne sont pas revenus, mais ont gardé des liens étroits avec McGill, Montréal et le Québec.

Nous connaissons tous Moderna, qui a notamment développé un vaccin contre la COVID-19. Le cofondateur, Noubar Afeyan, d’origine arménienne, a passé une partie de son enfance à Montréal et a obtenu son diplôme en génie chimique de McGill. Récemment, il expliquait devant un auditoire à la Conférence de Montréal que la décision de Moderna d’opter pour la région métropolitaine comme lieu de sa première usine hors des États-Unis reposait sur le fait que Montréal possédait toutes les qualités pour assurer le succès de ce projet, notamment la présence d’une université reconnue internationalement en recherche sur l’ARN messager : McGill. Voilà un exemple éloquent qui démontre que le Québec profite de l’excellente réputation de McGill et de son vaste réseau de diplômés.

Aujourd’hui, plus de la moitié de nos étudiants sont des Québécois, et la majorité de notre population étudiante parle français. Tous nos étudiants peuvent rédiger leurs examens, leurs travaux et leurs mémoires en français. De plus, notre programme de droit est bilingue. Enfin, nous avons ouvert un campus à Gatineau, où nos étudiants apprennent la médecine en français.

Nos collaborations avec les universités francophones sont nombreuses. Pour ne donner qu’un exemple, parlons du Mila, fruit d’un partenariat entre McGill et l’Université de Montréal, et qui fait de la métropole québécoise une plaque tournante mondiale de la recherche et de l’entrepreneuriat en intelligence artificielle.

Université québécoise et fière de l’être, McGill contribue à l’économie, au développement du savoir et à la culture du Québec. Elle est également l’université la plus internationale du pays, et l’une des plus internationales au monde. Nous jouons donc un rôle spécifique au Québec, comme chacun des 19 autres établissements universitaires québécois.

Le débat sur le financement des universités anglophones est stérile. Toutes les universités sont financées par le gouvernement du Québec selon la même formule. À part quelques enveloppes spécifiques destinées par exemple aux établissements en région, les universités québécoises reçoivent toutes le même montant par étudiant.

Certes, McGill bénéficie de généreux dons de ses diplômés. C’est aussi le cas, de plus en plus, pour les autres universités québécoises, quelle que soit leur langue d’enseignement. Faudrait-il pénaliser les établissements qui reçoivent davantage de dons? Ce faisant, c’est le Québec qui serait perdant, car ces dons financent la recherche de pointe, notamment dans les soins de santé.

McGill attire également d’importantes subventions de recherche des gouvernements québécois et canadien, et de source privée; cela est la résultante de notre excellence dans ce domaine. Voudrait-on freiner les recherches réalisées en nos murs et auxquelles sont souvent associées d’autres universités québécoises? En quoi serait-il bénéfique pour le français au Québec de réduire la recherche faite à McGill, souvent par des francophones?

La ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, est à revoir la formule de financement des universités. Cette révision a, entre autres, comme objectif de contribuer à la vitalité du français au Québec, notamment dans le domaine de la recherche scientifique.

McGill partage entièrement cet objectif et souhaite collaborer avec le gouvernement afin de l’atteindre. Il faut en effet protéger et promouvoir le français, et McGill s’y emploie déjà. Toutefois, assurons-nous qu’en protégeant le français, on n’affaiblit pas les institutions qui contribuent à la vitalité, à la compétitivité et à la prospérité du Québec. Apprécions toutes nos universités à leur juste valeur. Aidons-les à se développer, peu importe la langue d’enseignement, car la prospérité pérenne de notre société nécessite des efforts coordonnés de chacune d’entre elles.

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