Photo (gauche à droite) : Renée Atallah, administratrice de recherche à l'ÉSII; Mélanie Lavoie-Tremblay, professeure agrégée à l'ÉSII, Val Frunchak; Nancy Feeley, professeure agrégée à l'ÉSII; Margaret Purden, professeure agrégée à l'ÉSII; David Eidelman, doyen de la faculté de Médecine
Quand Margaret Purden a annoncé à ses parents son intention de devenir infirmière, sa mère lui a répondu craindre qu’elle attrape une maladie mortelle d’un patient ou qu’elle s’exile pour aller travailler «en Amazonie». Ne pourrait-elle pas plutôt devenir enseignante?
Les craintes de sa mère ne se sont jamais réalisées, mais la professeure Purden s’est tout de même forgé une carrière en sciences infirmières centrée sur l’éducation – elle a entre autres élaboré des normes nationales pour les programmes de maîtrise et de doctorat en sciences infirmières, enseigné aux étudiantes et étudiants dans le domaine, et fait progresser la formation interprofessionnelle en santé à l’échelle locale, nationale et internationale.
Depuis 1999, elle est directrice scientifique du Centre de recherche en sciences infirmières de l’Hôpital général juif (HGJ), dont la mission consiste notamment à continuer de développer la discipline. La profession, explique la Pre Purden, est par nature très vaste. Elle cite en exemple les carrières de deux de ses collègues à l’HGJ, dont l’une a conçu une échelle d’évaluation de la douleur chez les patients inconscients, tandis que l’autre est titulaire d’une chaire en oncologie psychosociale.
Les travaux de la Pre Purden pour élargir notre compréhension du rôle des infirmières lui a valu le Prix du mérite 2018 pour les diplômés en sciences infirmières dans le cadre des Prix Rayonnement local et international des diplômés de la Faculté de médecine.
Très tôt dans sa vie, Margaret Purden est devenue la référence dans sa famille lorsque quelqu’un se blessait. Son expérience au chevet d’un grand-parent malade à domicile l’a convaincue de l’importance d’offrir des services de santé plus complets hors du milieu hospitalier, et du rôle crucial de la profession infirmière à cet égard.
Elle a été admise au cégep dans la première cohorte de ces nouveaux établissements, dont beaucoup n’avaient toujours pas d’infrastructures propres. Ses deux ans d’études collégiales se sont donc déroulées sur le campus mcgillois, où les cégépiens s’entassaient à plus de 500 dans des amphithéâtres, ou suivaient les cours à distance par retransmission vidéo. Cette expérience lui ayant donné soif de contact humain, elle a décidé de postuler au baccalauréat en sciences infirmières à McGill en raison de la taille réduite des groupes et des cours de sciences fondamentales qui étaient offerts.
La philosophie mcgilloise des sciences infirmières lui a beaucoup plu. «Il s’agit d’apprendre à tisser des liens avec les gens – à écouter, à observer.» Elle se rappelle son premier patient, un homme de 70ans qu’elle a accompagné à ses rendez-vous et lors d’interventions. «Je m’assoyais avec lui dans la salle d’attente de la clinique et je lui posais toutes sortes de questions. J’apprenais beaucoup de choses sur son passé, son expérience à la guerre, ses buts, ses peurs. En même temps, j’en apprenais davantage sur les tests diagnostiques auxquels il devait se préparer. Je m’informais sur chacun d’entre eux et je les lui expliquais. J’ai compris à quel point il était important de développer une relation avec ses patients, de s’investir et d’apprendre à les connaître.»
La Pre Purden est d’avis que la profession infirmière peut et doit jouer un rôle élargi dans le système de santé. En cela, elle affirme avoir été influencée par une légende mcgilloise des sciences infirmières, la professeure F.Moyra Allen (B. Sc. inf. 1948). Quand la Pre Allen, ancienne directrice de recherche à ce qui est aujourd’hui l’École des sciences infirmières Ingram, a obtenu une subvention sur trois ans pour mettre sur pied un centre de soins infirmiers dans l’Ouest de l’Île de Montréal, en 1975, elle a embauché Margaret Purden. Au nouveau centre, les infirmières étaient encouragées à endosser de nombreuses responsabilités: faire le suivi du développement des enfants, évaluer les familles sur le plan psychologique, déceler les signes de l’isolement social. «Elle avait des années d’avance sur son temps», dit Margaret Purden de la Pre Allen.
La thèse de doctorat de la Pre Purden sur l’ajustement psychosocial des patients atteints de maladies cardiaques et de leurs proches a lancé sa carrière en recherche. Elle a examiné le rôle des proches aidants et de la relation conjugale dans le rétablissement des patients, ainsi que les coûts de soins de santé associés à la maladie chronique.
Forte de ces qualifications en recherche, elle a pris la barre du Centre de recherche en sciences infirmières de l’HGJ, où elle a mis en place une infrastructure pour soutenir trois chercheuses en sciences infirmières. Le centre détient actuellement 13millions de dollars en financement externe. Les enjeux cliniques sont au cœur de la philosophie du Centre: l’une des études en cours, par exemple, porte sur la communication de l’information entre infirmières lors du changement de quart de travail.
Directrice du nouveau Bureau de la formation interprofessionnelle de la Faculté de médecine, la PrePurden vise, avec son équipe de pédagogues en sciences infirmières, médecine, physiothérapie, ergothérapie et orthophonie, à décloisonner les professions de la santé et à rassembler les étudiants et étudiantes de toutes les disciplines. En 2005, Santé Canada lui a accordé une subvention de 1,3million de dollars pour le projet Initiative d'enseignement portant sur la collaboration interprofessionnelle de l'Université McGill: partenariats en matière de pratique centrée sur le patient et la famille. Ce projet a servi d’assise au programme formel de formation interprofessionnelle de l’Université, qui compte aujourd’hui trois cours obligatoires donnés annuellement à 1 400 étudiants et étudiantes.
Même si les sciences infirmières ont connu d’importantes avancées, selon elle – développement du rôle des infirmières dans la communauté, amélioration des pratiques au moyen de la recherche, défense de l’importance de la profession infirmière parmi les professions de la santé –, la Pre Purden croit que les infirmières doivent continuer de plaider pour les changements qui restent à faire. «Les infirmières ont tendance à être polies, à se retenir de parler trop fort.» Toujours sur le ton encourageant de l’enseignante, elle conclut: «Vous n’aidez pas vos patients en gardant le silence. Vous avez une contribution précieuse à apporter.»