En alimentation, lâheure est Ă la fraĂźcheur, Ă lâapprovisionnement local â voire hyperlocal â aux produits biologiques et aux ingrĂ©dients saisonniers.
La population est de plus en plus sensibilisĂ©e Ă lâimportance de bien manger. Câest ce qui explique que nous assistons prĂ©sentement Ă un grand bouleversement dans le monde de lâagriculture. Et câest en rĂ©ponse Ă cette tendance grandissante que Les Fermes Lufa, une entreprise cofondĂ©e par Lauren Rathmell, diplĂŽmĂ©e de lâUniversitĂ© McGill en biochimie, installe des serres dans des quartiers urbains et sur le toit dâimmeubles de trĂšs grande surface qui abritent des bureaux ou des entrepĂŽts.
Thibault Sorret, le chef du personnel de Lufa, explique que les trois serres gigantesques de lâentreprise permettent de cultiver des fruits, lĂ©gumes et autres plantes bios grĂące Ă la rĂ©utilisation de lâeau de culture, Ă lâemploi de produits naturels comme engrais et au recours aux «âbonsâ» insectes qui se nourrissent de pucerons ravageurs, et non aux pesticides.
FondĂ©e en 2011, lâentreprise en agriculture urbaine livre des paniers de produits frais et bios Ă ses abonnĂ©s â qui sont prĂ©sentement 17â000, un nombre qui grimpe en flĂšche â aux quatre coins de la rĂ©gion de MontrĂ©al. Chaque semaine, lâentreprise livre ses paniers Ă une multitude de points de cueillette, dont pharmacies, cafĂ©s, centres communautaires et YMCA.
En fait, la durabilitĂ© est un des piliers des engagements de McGill, et les liens entre les Fermes Lufa et lâUniversitĂ© sont considĂ©rables.
Sorret, un Français dâorigine qui a vĂ©cu 10 ans en Chine, est Ă©galement tout rĂ©cemment diplĂŽmĂ© de McGill, titulaire dâun baccalaurĂ©at (2018) en commerce de la FacultĂ© de gestion Desautels, spĂ©cialisĂ© en entrepreneuriat et gestion de la durabilitĂ©.
Il a atteint la finale de la Coupe Dobson de McGill, une grande compĂ©tition dâentrepreneuriat gĂ©rĂ©e par le Centre Dobson pour lâentrepreneuriat de McGill et financĂ©e par la Banque Nationale, au cours de laquelle il sâest familiarisĂ© avec lâhydroponie.
«âIl y avait une journĂ©e portes ouvertes chez Lufa, et je me suis prĂ©parĂ© comme câest pas possibleâ», explique-t-il. Je crois avoir tout lu sur lâentreprise. Lauren Ă©tait la guide et je lâai bombardĂ©e de questions trĂšs, trĂšs spĂ©cifiques.â»
Sorret a fait le suivi et a fait parvenir Ă Lauren Rathmell un texte de trois pages dĂ©taillant des problĂšmes de ventes quâil avait constatĂ© en parlant Ă des clients prospectifs de Lufa.
«âJâavais proposĂ© mon aide Ă titre de bĂ©nĂ©vole, mais on mâa appelĂ© pour une entrevue pour un emploi â encore mieux.â»
Du haut de ses 20 ans en 2016, Sorret rĂ©alise ensuite plusieurs projets dâenvergure pour Lufa.
«âIls mâont demandĂ© si je connaissais les publicitĂ©s Facebook. Non. âOK, cherche sur Google.â Ils mâont donnĂ© les codes dâaccĂšs et une semaine plus tard, jâavais dĂ©passĂ© mes objectifs de vente. Mais jâai aussi remarquĂ© que le processus dâinscription ne tournait pas rond. CâĂ©tait beaucoup trop compliquĂ©, il fallait vraiment ĂȘtre tenace, vraiment vouloir sâinscrire en dĂ©pit de tous les obstacles. Est-ce quâon pouvait revoir le systĂšme? Alors avec lâĂ©quipe on a rĂ©organisĂ© tout le processus; Lufa lâa mis en service â et le taux de conversion (dâune visite sur le site Web Ă une inscription) a triplĂ©.â»
Fort de ce succÚs, Lufa a nommé Sorret responsable des ventes.
«âJâadore cette façon de faire de Lufa. Ils ont fait confiance Ă ce gamin de 19 ans qui nâavait aucune expĂ©rience, qui Ă©tait en 2e annĂ©e Ă McGill.â»
Sorret nâhĂ©site pas Ă attribuer le mĂ©rite de ses succĂšs Ă ses professeurs de McGill.
«âDesautels ne mâa pas prĂ©parĂ© pour les congĂ©diements. La premiĂšre fois que jâai dĂ» congĂ©dier quelquâun, jâai compris que rien ne vous prĂ©pare à ça. Mais ce qui est primordial, câest la structure pour aborder les problĂšmes. Et câest ça que jâai appris Ă Desautels.
Je me souviens particuliĂšrement du professeur Jay Hewlin, qui enseigne la nĂ©gociation et le rĂšglement des conflits. Il dĂ©composait la façon dont vous aviez abordĂ© un problĂšme. Câest seulement aprĂšs deux trimestres que jâai compris ce quâil disait â soit quand, comment et pourquoi faire.
« Ce cours Ă©tait fabuleux â Ă lui seul, il dote McGill dâune valeur inestimable. »
Jay Hewlin, avant tout avocat et consultant dâaffaires, explique que « si quelque chose ne marche pas dans le monde rĂ©el, je nâai aucun intĂ©rĂȘt Ă lâenseigner⊠Je nâenseigne pas âles nĂ©gociations.â Jâenseigne comment on nĂ©gocie. Il y a une grande diffĂ©rence. »
Sorret rend aussi hommage à Dror Etzion, professeur adjoint à la Faculté de gestion en stratégie et organisation, qui lui a fait comprendre les liens entre les biens publics et privés, à savoir comment une compagnie privée peut tirer des bénéfices en créant des biens publics.
« Auparavant, le paradigme Ă©tait quâon utilisait des biens publics pour crĂ©er des biens privĂ©s. Pour nous, câest plutĂŽt lâinverse », prĂ©cise Sorret.
Le professeur Etzion raconte que « Câest devenu une blague. Chaque fois que je parle Ă un de mes anciens Ă©tudiants, soit il travaille chez Lufa, ou bien il y a travaillĂ© ».
Lâengagement en faveur de la durabilitĂ© « est une chose formidable », souligne M. Etzion.
Le grand virage bio et hyperlocal est phĂ©nomĂ©nal. PrĂ©sentement, il sâadresse surtout aux personnes aisĂ©es, alors la question dorĂ©navant consiste Ă rendre ce marchĂ© accessible Ă tous.â»