Si les femmes prennent de plus en plus la place qui leur revient dans la société, dans le monde du roman, elles demeurent encore, pour ainsi dire, des citoyennes de seconde zone.
En effet, le de l’Université McGill a récemment montré que les hommes étaient deux fois plus nombreux que les femmes dans 1330 romans publiés au cours des quinze dernières années.
ł˘â€™, menĂ©e par Eve Kraicer sous la direction d’Andrew Piper, professeur au DĂ©partement de langue, littĂ©rature et culture de McGill, a permis d’analyser les 26 400 personnages de ces romans appartenant Ă sept genres littĂ©raires diffĂ©rents.
Pour y arriver, ils ont numérisé des milliers de pages de livres à succès, ouvrages primés et romans de différents genres (mystère, amour, science-fiction et jeune adulte) à l’aide d’un logiciel spécialisé.
Dans les livres comme dans la vie
En comptabilisant le nombre de personnages fĂ©minins et masculins et les rapports qu’ils entretiennent entre eux, Mme Kraicer a pu montrer que les hommes Ă©taient deux fois plus prĂ©sents, et ce mĂŞme si le nombre de protagonistes de chaque sexe Ă©tait pratiquement Ă©gal. Les rapports entre les personnages correspondent Ă ce que les chercheurs qualifient de modèle social hĂ©tĂ©ronormatif, c’est-Ă -dire une majoritĂ© d’interactions homme-femme, suivis de duos homme-homme. ł˘â€™Ă©łŮłÜ»ĺ±đ a notamment permis de dĂ©couvrir que les femmes sont moins souvent au centre de l’action. Lorsque c’est le cas, elles sont rarement en interaction avec d’autres personnages fĂ©minins.
« Dans l’ensemble, nous avons observĂ© un ratio hommes-femmes de près de 2 pour 1, prĂ©cise Mme Kraicer, qui poursuit actuellement une maĂ®trise en Ă©łŮłÜ»ĺ±đs de genre et mĂ©dias Ă la London School of Economics. Fait surprenant, le sexe de l’auteur a peu d’incidence sur ce ratio. Dans toute la hiĂ©rarchie des personnages, sans Ă©gard au sexe de l’auteur ni au genre de l’œuvre, les hommes sont plus nombreux que les femmes. »
Eve Kraicer explique que la représentation joue un rôle très important dans nos vies, et que la façon dont les femmes et les filles sont représentées (ou non) dans les ouvrages de fiction a des répercussions réelles sur notre perception de leur potentiel.
La règle d’or du patriarcat
« Le ratio de deux hommes pour une femme est vu comme la règle d’or du patriarcat, soutient le Pr Piper. Cette surreprésentation des hommes est courante dans les œuvres de fiction, au cinéma, chez les experts des médias et dans l’actualité. Et nous utilisons l’apprentissage machine dans ce domaine émergent de l’analytique culturelle pour examiner ce qui se passe et pour voir si les choses sont en train de changer. »
Mme Kraicer et le Pr Piper souhaitent que le milieu de l’édition puisse s’appuyer sur ces données afin de promouvoir l’égalité entre les sexes dans les œuvres littéraires.
« Avant d’entreprendre cette Ă©łŮłÜ»ĺ±đ, je ne m’attardais pas Ă la rĂ©partition hommes-femmes parmi les personnages de roman, reconnaĂ®t Eve Kraicer. Mais, depuis, je le fais systĂ©matiquement. Dans une certaine mesure, ce type d’éłŮłÜ»ĺ±đ fondĂ©e sur des donnĂ©es peut ĂŞtre un outil de sensibilisation, car pour rĂ©gler un problème, on doit d’abord en prendre conscience. »
Le textLAB, dirigĂ© par Andrew Piper, est un laboratoire de sciences humaines numĂ©riques vouĂ© Ă la comprĂ©hension des inĂ©galitĂ©s culturelles au moyen de mĂ©thodes computationnelles. ł˘â€™analyse culturelle fondĂ©e sur des donnĂ©es est un domaine en pleine croissance Ă l’UniversitĂ© McGill. Le Pr Piper souligne que ses classes sont toujours remplies et que de plus en plus d’étudiants souhaitent travailler Ă son laboratoire. La demande d’expertise est sans cesse croissante, compte tenu du nombre grandissant d’étudiants aux cycles supĂ©rieurs en biologie, en histoire, en sociologie et en sciences de l’information qui ont recours Ă l’analytique.