Depuis le début de la pandémie, les enfants ont été privés pendant de longues semaines d’affilée de tout ce qui fait normalement partie de l’enfance : jouer avec des amis, aller dormir chez un ami, rendre visite aux grands-parents, etc. Le processus normal de socialisation a volé en éclats, forcé de céder la place à l’apprentissage et à la camaraderie sur Zoom.
Cette perturbation des habitudes quotidiennes pourrait se révéler particulièrement déstabilisante pour les enfants aux prises avec des problèmes de développement ou de santé, et une étude récente d’une équipe de recherche du Québec donne du poids à cette éventualité. en décembre 2021, elle semble indiquer que les enfants étaient particulièrement vulnérables aux perturbations du sommeil, à la solitude et à l’isolement.
Grâce à des fonds provenant des Instituts de recherche en santé du Canada, une professeure de l’Université McGill titulaire de la Chaire de recherche du Canada en santé mentale et prévention du suicide chez les jeunes a créé un programme qui, estime-t-elle, pourrait agir favorablement sur la santé mentale des enfants défavorisés du Québec.
Au cours des mois à venir, pilotera le recrutement des 2 000 élèves de sixième année qui participeront au programme École à ciel ouvert. Son but : déterminer s’il est possible d’atténuer les conséquences des interruptions provoquées par la pandémie en déplaçant l’enseignement à l’extérieur, en pleine nature.
« De nombreuses données issues d’études scientifiques – de mes propres travaux, notamment – montrent que le contact avec la nature améliore la santé mentale, par exemple en atténuant les symptômes de la dépression et de l’anxiété, les idées suicidaires et l’inattention, indique la Dre Geoffroy. Dans la foulée d’études récentes, on prend des mesures pour inciter les gens à profiter de la nature, surtout pendant la pandémie. De plus en plus, on encourage ces pratiques dans le milieu de l’éducation, si bien que certains professeurs, quoique peu nombreux pour l’instant, enseignent en plein air. » Marie‑Claude Geoffroy fait toutefois observer qu’en raison du manque d’études sur le sujet, on en sait peu sur l’effet de la pédagogie de plein air chez les enfants. Le programme École à ciel ouvert viendra combler cette lacune, espère-t-elle.
Recrutement en milieu défavorisé
Au début de 2022, la Dre Geoffroy commencera à recruter des élèves et des professeurs dans 80 écoles francophones situées dans des quartiers à faible revenu du Québec. La pandémie a creusé les inégalités, et c’est pour cette raison que l’équipe a opté pour ce type de milieu, précise la chercheuse.
« De mars à juin 2022, nous mettrons nos activités à l’épreuve en collaboration avec des enseignants de sixième année, dit-elle. Nous devrons recruter 10 à 15 enseignants disposés à participer à nos exercices avec leurs élèves et à nous faire part des résultats obtenus. Notre objectif est de peaufiner nos activités à la lumière de leurs constats afin qu’elles soient agréables et faciles à mettre en place. »
De septembre à décembre, l’équipe entend mener une étude pilote, qui sera suivie d’une étude en bonne et due forme réalisée de mars à juin 2023. La Dre Geoffroy estime que c’est la période idéale pour l’enseignement en plein air, puisque les enfants vivront l’expérience en hiver, au printemps et au début de l’été.
Pendant 12 semaines, les élèves étudieront deux heures par semaine à l’extérieur, dans une forêt ou un parc avoisinant. À ces heures d’enseignement à l’air libre s’ajoutera une gamme d’activités « salutogènes », c’est-à -dire axées sur le bien-être physique et mental, par exemple la pleine conscience dans la nature, l’art et ce que la Dre Geoffroy appelle « la philosophie pour les enfants ».
« L’intervention prendra la forme d’activités qui favorisent d’une part la santé mentale, comme la pleine conscience et l’art, et d’autre part la réalisation d’objectifs pédagogiques, par exemple une démarche didactique en mathématiques et en sciences de la nature », explique-t-elle.
Les activités seront élaborées par des spécialistes de l’enseignement en plein air. En outre, les enseignants auront droit à des séances individuelles hebdomadaires en compagnie d’experts en pédagogie de plein air et en santé mentale.
Marie-Claude Geoffroy espère que le programme améliorera le bien-être général, tant des enseignants que des enfants.
« Si nos interventions fonctionnent, nous mettrons nos activités à la disposition de tous les enseignants sur un site Web », souligne la chercheuse.