Appel à contribution: Procès de masse face aux violences de masse - Qu'en est-il des "maxi procès" 75 ans après Nuremberg?
Date limite: 15 juin 2021
Les expressions « procès de masse » et « maxi-procès » évoquent des réalités variées. On pense par exemple, en matière civile, aux class-actions, actions collectives qui regroupent un nombre important de victimes s’alliant contre une entreprise, un État ou, plus rarement, un ou quelques individus. En matière pénale, les « maxi-procès » rappellent les procès tenus contre la mafia italienne depuis les années 1980, et plus récemment celui contre la mafia calabraise au tribunal-bunker de Lamezia Terme. Point commun entre ces variantes civiles et pénale, une volonté d’agrégation de l’action judiciaire à des fins d’efficacité, mais aussi symboliques.
Cela étant, aucun « procès de masse » ou « maxi-procès » n’a été tenu au niveau international, pour des crimes internationaux, depuis Nuremberg et Tokyo. À l’heure de cet anniversaire, comment envisager ces procès impliquant plusieurs dizaines d’accusés jugés simultanément ? Étant donné les critiques dont fait l’objet la justice internationale pénale tant en matière de lourdeur administrative, de coûts que de durée de ses procédures, les bénéfices de procès collectifs peuvent paraître attractifs : économie d’échelle, moyens supplémentaires, délais raccourcis, effet d’exemplarité décuplé, etc. Le procès de masse revêtirait un potentiel symbolique qui dépasse celui des procès basés sur l’idée d’une responsabilité individuelle, alors même que la dimension collective des crimes internationaux est de plus en plus reconnue. Pourquoi la communauté internationale serait-elle réfractaire à mettre ainsi en scène sa puissance et son arsenal répressif ?
D’aucuns répondront, comme Arendt, que « le cri “Nous sommes tous coupables” qui, à première vue, semblait si noble et dès lors si tentant, n’a servi qu’à disculper dans une large mesure ceux qui étaient coupables. Là où tous sont coupables, personne ne l’est ». D’autres diront que matériellement, ces procès ne sont pas réalistes, ou encore que, légalement parlant, ils ne permettent pas de garantir le principe du procès équitable. Faut-il rappeler les amples critiques adressées, notamment par la société civile, à l’encontre de la poursuite de plus de 800 militaires suite à une mutinerie au Bangladesh ou à l’encontre de près de 500 personnes suite à la tentative de coup d’État de 2016 en Turquie ou encore contre des centaines de manifestants égyptiens en 2014 ?
75 ans après le jugement de Nuremberg, une réflexion s’impose au sujet de ces procès de masse mal aimés, de leur légitimité et leurs inconvénients face à une criminalité autant individuelle que collective ; une criminalité qui semble constamment échapper aux catégories tant du droit pénal que du droit international. Pourraient-ils être une nouvelle modalité de la justice internationale pénale permettant de répondre à certaines critiques qui lui sont adressées ? Quelles questions de principes posent-ils ? Comment pourraient-ils être mis en œuvre ?
Ces questions feront l’objet d’un colloque international, bilingue et hybride — en présentiel dans chacune des institutions hôtes — organisé conjointement par l’Université libre de Bruxelles (Centre de recherches en droit pénal) et l’Université McGill (Centre pourles droits de la personne et le pluralisme juridique) à l’occasion des 75 ans du jugement de Nuremberg, le 4 octobre 2021.
Plusieurs panels seront organisés. L’objectif est que se déroule une discussion pluridisciplinaire, mêlant différents positionnements et mélangeant des praticien·nes, observateur·rices, et universitaires. Selon le succès de la conférence, la possibilité d’une publication, sous forme de numéro spécial d’une revue ou d’ouvrage collectif, sera explorée.
Informations pratiques
Les propositions (en français ou en anglais) ne dépassant pas 500 mots, accompagnées d’une courte notice biographique (dans un seul document), doivent être envoyées au plus tard le 15 juin 2021 à l’attention de Marie-Laurence Hébert-Dolbec, Frédéric Mégret, et Damien Scalia, à masstrial [at] ulb.be
Les participant·es retenu·es en seront informé·es au plus tard le 30 juin 2021.
L’hébergement — à Bruxelles ou à Montréal — ainsi que les frais de restauration seront pris en charge.
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