Juin est le Mois de la Fierté. C’est aussi une occasion d’honorer les membres des communautés LGBTQIA2S+, de comprendre leurs réalités et les défis qu’ils doivent relever, et de célébrer leurs réalisations.
Cette année, l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) a été l’hôte du premier séminaire Fierté dans la recherche, tenu le 19 juin 2023. Ce webinaire d’une durée d’une heure visait à faire connaître les différentes perspectives des membres des communautés LGBTQIA2S+, plus particulièrement en ce qui a trait aux milieux de recherche.
Animé par Diego Herrera, Ph. D., spécialiste en équité, diversité et inclusion, ce séminaire a réuni les panélistes suivants : , professeur agrégé au Département de chirurgie de la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université McGill, et scientifique au sein du  à l’IR‑CUSM; Diane Labelle, membre du conseil régional en éducation du Centre régional d’éducation des adultes des Premières Nations et qui a cofondé le premier groupe bispirituel régional du Québec : 2E Cercle, le ; Harlan Pruden, étudiant au doctorat à l’Université Simon Fraser, cofondateur de  et responsable de l’application des connaissances autochtones au sein du programme de santé autochtone  au British Columbia Centre for Disease Control; et Milo Ira, qui fait des études de maîtrise ès sciences à l’Université Simon Fraser et qui fait partie de l’équipe de Two-Spirit Dry Lab.
Les panélistes ont commencé par se présenter et par expliquer leur relation avec le spectre des genres et des identités sexuelles dans la vie de tous les jours. Diane Labelle, Milo Ira et Harlan Pruden, tous membres des Premières Nations, ont reconnu que les identités de genre auxquelles on fait référence dans la langue anglaise ne reflètent pas nécessairement leur propre identité de genre. Les panélistes ont expliqué en quoi consiste l’intersection de différentes identités, ce qui rend complexe la navigation dans les notions occidentales d’identité sexuelle.
« C’est la complexité de ces notions et de ces concepts que nous voulons décortiquer, a expliqué Harlan Pruden. Ces notions et ces concepts ont d’énormes implications quand il est question de recherche. Quel traitement réservons-nous à ces concepts? Si on ne m’offre que la possibilité d’honorer mon identité gaie dans un cadre de travail , je considère qu’il s’agit d’une forme de colonisation active. Les colonisateurs doivent me faire de la place, afin de me donner le droit, la possibilité, de respecter mes croyances. »
Lors de la discussion sur la relation existant entre les identités et les pronoms, Harlan Pruden et Diane Labelle ont fait remarquer que, dans les langues autochtones, le pronom « it » (qui n’a pas d’équivalent français, puisque le genre neutre n’existe pas en français) n’est pas choquant – toutefois, l’intégration de ce concept dans un contexte occidental s’avère complexe. Les panélistes ont expliqué qu’au sein des nations Crie et Mohawk, le pronom « it » peut faire référence à un animal, à une chose ou à une personne. Le pronom « it » peut révéler des concepts culturels qui établissent des liens de proximité et d’égalité entre les êtres humains et leur environnement ou leur territoire.
L’animateur a ensuite abordé le sujet de la relation qu’une personne non binaire pourrait avoir avec la recherche.
« D’un point de vue queer et non binaire, les observations que je fais s’appliquent à des situations où des questions ne sont pas posées et où les personnes queer appartenant à des communautés minoritaires en termes d’orientation sexuelle et d’identité de genre sont souvent exclues des études de recherche, a expliqué Jason Harley. Cela constitue un problème pour un certain nombre de raisons, mais l’un des principaux problèmes réside dans le fait que, lorsqu’on omet de demander à des participantes et à des participants de manière sensible et efficace quelle est leur orientation sexuelle, on ignore comment divers enjeux et diverses conditions peuvent affecter ces personnes différemment. Cela constitue un problème parce que la recherche peut se traduire par des améliorations sur le plan des politiques. Si on ne connaît pas ces choses, cela peut comporter des défis. »
« C’est vraiment une honte que nous restions enfermés dans ce paradigme, a ajouté Diego Herrera. Nous ne couvrons que la majorité des gens ou la « moyenne » des gens, ou nous estimons que d’un point de vue statistique, il ne vaut pas vraiment la peine d’inclure tout le monde. Nous devons réellement déployer des efforts pour comprendre cette réalité; cela va ouvrir la possibilité d’enrichir nos données. »
Diane Labelle a exposé le point de vue bispirituel; elle a expliqué qu’une combinaison de méthodologies rend la recherche plus inclusive et que les idées occidentales de validité statistique limitent l’inclusivité. « Toutes les personnes comptent, a poursuivi Diane Labelle. Toutes les personnes comptent; du simple fait qu’elles existent, elles comptent. » Avoir recours à des techniques de recherche mixtes, y compris à des études à la fois quantitatives et qualitatives, et concevoir la recherche comme une expérience collaborative peut contribuer à faire entendre la voix de membres de communautés souvent exclues de la recherche.
Les panélistes ont ensuite abordé la question de l’incidence défavorable de l’exclusion de certaines populations des études de recherche, soit du fait de l’ignorance du contexte soit du fait de se concentrer exclusivement sur les chiffres. « Il y a une structure de pathologie inhérente à la recherche coloniale, que nous devons rejeter, a expliqué Milo Ira, dont le travail englobe les populations neurodiverses. Il y a l’idée, par exemple, d’établir un lien entre un facteur de risque et l’être humain lorsque le facteur de risque provient de l’environnement externe, plus particulièrement dans les espaces neurodivers. »
« Faut-il changer la personne? Non. Il faut changer l’environnement. C’est ainsi que nous devons nous comporter, à commencer par le milieu universitaire. »
Le groupe s’est ensuite penché sur la question de la neurodiversité et des handicaps – notamment sur la manière dont les personnes dyslexiques et d’autres personnes neurodiverses sont perçues à travers le prisme de la recherche. « S’agit-il d’un handicap ou d’une compétence différente? a demandé Jason Harley, lui-même dyslexique. Certaines recherches ont fait ressortir le fait que les personnes dyslexiques pensent différemment et que cela s’avère utile. Pour une raison ou une autre, les services de renseignements sont intéressés à nous embaucher. »
Jason Harley a mentionné l’importance de ne pas pathologiser les personnes et de toujours prendre en compte les intersectionnalités dans lesquelles elles se trouvent, ajoutant ce qui suit : « Il faut avoir des connaissances sur les personnes membres des minorités d’identité de genre et d’orientation sexuelle, afin d’interpréter efficacement les résultats que l’on obtient; il faut ensuite faire des recommandations positives et constructives pour la suite des choses. »
Les panélistes ont clos le séminaire avec une discussion sur la santé mentale dans le contexte de la recherche. Abordant des sujets et soulevant des questions dépassant les limites d’un webinaire, en raison du caractère animé de la discussion, on a suggéré que d’autres événements sous le thème de la Fierté dans la recherche reçoivent à l’avenir un accueil favorable à l’IR-CUSM.
Le séminaire Fierté dans la recherche faisait partie du plan  et a été organisé par la Division des Ressources humaines et santé, sécurité et environnement de l’IR-CUSM.