Beaucoup pourraient croire que l’idée d’entreprendre simultanément un diplôme en médecine et une maîtrise en génie représente un défi démesuré, mais c’est pourtant ce que fait Adi Mithani, étudiant en deuxième année du programme de médecine à l’Université McGill.
Avec le soutien de Robert Primavesi, MDCM, CCMF, CCMF(MU), professeur agrĂ©gĂ© Ă la FacultĂ© de mĂ©decine et des sciences de la santĂ© et de Mark Driscoll, ing., Ph.ĚýD., professeur agrĂ©gĂ© Ă la FacultĂ© de gĂ©nie, Adi a pris un congĂ© de ses Ă©tudes mĂ©dicales enĚý2022 afin de complĂ©ter une maĂ®trise en gĂ©nie (M.ĚýIng.).
Adi cherche ainsi Ă valider le principe d’un Ă©ventuel programme double MDCM-M.ĚýIng. qui serait offert Ă McGill pour former des gĂ©nĂ©rations de mĂ©decins capables de concevoir des outils technologiques novateurs qui amĂ©lioreront les soins aux patients.
Adi nous a parlé de ce qui le pousse à poursuivre un double diplôme, des possibilités que cette formation pourrait ouvrir aux médecins de première ligne et de sa pertinence pour la médecine rurale – et spatiale.
Enseigner des notions technologiques aux médecins afin d’améliorer les soins aux patients
C’est son expérience dans le démarrage d’une entreprise de santé, InnoVie Health (ce qu’il a fait avant même d’entrer à l’École de médecine), qui a inspiré Adi à se lancer dans la poursuite d’un double diplôme.
InnoVie Health, qui avait atteint les quarts de finale au concours AI XPRIZE d’IBM Watson, réunissait des médecins et des experts techniques pour mettre au point un logiciel d’intelligence artificielle (IA) qui reconnaîtrait les patients à risque élevé et optimiserait leur congé de l’hôpital. C’est en travaillant sur ce projet qu’Adi a remarqué qu’il y avait un large fossé dans les échanges entre les experts médicaux et techniques au sein de l’équipe.
«ĚýLes experts en science des donnĂ©es et les ingĂ©nieurs logiciels savent comment dĂ©velopper des logiciels et quelles limites ils pourraient rencontrer. Par contre, ils ne comprennent pas toujours très bien comment intĂ©grer une technologie dans la pratique d’un clinicien sans alourdir sa charge de travailĚý», explique-t-il.
«ĚýD’autre part, les mĂ©decins comprennent les donnĂ©es qu’ils recueillent de leurs patients et savent comment distinguer les patients Ă risque Ă©levĂ©, mais ils n’ont pas toujours de bonnes connaissances techniques.Ěý»
Adi souligne aussi que les plateformes de santé numériques sont de plus en plus populaires depuis le début de la pandémie, par exemple avec le recours à la télémédecine ou l’utilisation des montres connectées pour surveiller certaines données sur la santé des patients.
«ĚýSi les appels vidĂ©o conviennent tout Ă fait aux consultations basĂ©es sur les entretiens, ils ne permettent pas d’évaluer l’état physique ou biochimique d’un patientĚý», explique-t-il. Adi ajoute par ailleurs que si les mĂ©decins avaient une meilleure comprĂ©hension des notions de gĂ©nie, ils pourraient participer Ă la conception de technologies qui les aideraient Ă assurer de meilleurs soins Ă distance.
Adi souhaite qu’un Ă©ventuel programme double MDCM-M.ĚýIng. aidera les futurs Ă©tudiants et Ă©tudiantes en mĂ©decine Ă combler les lacunes en leur enseignant les notions d’ingĂ©nierie pertinentes dans le contexte de la mĂ©decine. «ĚýUn tel programme double aiderait les mĂ©decins Ă fournir l’information et les soins de qualitĂ© que mĂ©ritent les patients.Ěý»
Un apprentissage exigeant
Adi a amorcé ses études en génie biomédical en janvier, mais il est passé au programme de doctorat après seulement neuf mois. Il a tout de même dû faire face à son lot de défis durant sa première année.
«ĚýÉtant donnĂ© que je n’avais aucune expĂ©rience en gĂ©nie, je savais que j’allais devoir travailler fort pour me familiariser avec les nouvelles notions, la nouvelle terminologie et les nouveaux logicielsĚý», raconte-t-il. Pour se prĂ©parer Ă la transition, Adi a Ă©tudiĂ© les bases de la mĂ©canique des solides et des fluides, la modĂ©lisation des Ă©lĂ©ments finis et d’autres notions importantes en gĂ©nie durant ses temps libres.
C’était aussi une bonne occasion pour faire des liens entre ses acquis des deux premières années du programme de médecine et les notions de génie qu’il découvrait. Adi ajoute que ses études en génie biomédical l’ont aidé à mieux comprendre certaines notions de médecine qu’il avait déjà vues, par exemple dans les domaines de la cardiologie et des maladies infectieuses, de même que dans l’utilisation d’appareils de biologie diagnostique hors laboratoire.
«ĚýMes Ă©tudes en gĂ©nie biomĂ©dical m’ont aidĂ© Ă consolider efficacement mes acquis du programme de mĂ©decine, affirme-t-il. J’ai vraiment mieux compris comment fonctionne le corps humain et ce qui se passe après un changement.Ěý»
Répercussions potentielles sur la Terre et dans l’espace
Les avantages d’un double diplĂ´me deviennent Ă©vidents lorsqu’on apprend que la mĂ©decine spatiale est l’une des grandes passions d’Adi. Il co-prĂ©side d’ailleurs le , ce qui lui a donnĂ© l’occasion d’organiser des sĂ©minaires avec des mĂ©decins de vol tels que Raffi Kuyumjian, B.ĚýIng., M.D., mĂ©decin de vol pour Chris Hadfield et David Saint-Jacques.
Adi souligne cependant que les principes de la mĂ©decine spatiale (de mĂŞme que les connaissances mĂ©dicales et techniques qu’il acquiert dans le cadre de son double diplĂ´me) ne s’appliquent pas qu’aux astronautesĚý: ces principes pourraient devenir des outils avantageux pour les cliniciens et cliniciennes exerçant en rĂ©gion Ă©loignĂ©e.
«ĚýLa mĂ©decine spatiale et la mĂ©decine rurale appellent les mĂ©decins Ă assurer une surveillance Ă distance et Ă se servir des modes de communication numĂ©riques, fait-il remarquer. Dans l’espace comme dans les communautĂ©s Ă©loignĂ©es, il est très difficile d’avoir accès Ă des spĂ©cialistes pouvant rĂ©soudre les problèmes de santĂ© particuliers des patients.Ěý»
Le bagage de connaissances diversifiĂ©es qu’apporterait un programme double se montrerait par ailleurs particulièrement utile dans un contexte multidisciplinaire. «ĚýLe savoir que les Ă©tudiants et Ă©tudiantes auront accumulĂ© leur permettra de contribuer aux innovations en mĂ©decine spatiale comme dans toutes les spĂ©cialitĂ©s de la mĂ©decine. C’est une possibilitĂ© qui m’inspire et me motive.Ěý»
Améliorer la collaboration interfacultaire
Pour l’instant, le parcours professionnel d’Adi est ancrĂ© sur la terre fermeĚý: il souhaite se spĂ©cialiser en orthopĂ©die ou en mĂ©decine d’urgence, dans l’objectif ultime d’exercer en mĂ©decine sportive.
Adi voudrait aussi approfondir ses connaissances en ingénierie et mettre au point des outils et des procédés destinés aux domaines de la biomécanique et de la réadaptation – que ce soit sur Terre ou ailleurs.
Si son expérience convainc McGill d’offrir le programme double, Adi espère que celui-ci renforcera les collaborations entre la Faculté de médecine et des sciences de la santé et la Faculté de génie.
«ĚýL’École de physiothĂ©rapie et d’ergothĂ©rapie collabore dĂ©jĂ avec la FacultĂ© de gĂ©nie pour un cours dans lequel les Ă©tudiants et Ă©tudiantes des deux facultĂ©s doivent mettre au point des technologies de soutien destinĂ©es Ă une personne ayant un handicap de la rĂ©gion de MontrĂ©al, explique-t-il. Ce serait merveilleux de tirer parti de cette collaboration existante et de concevoir d’autres technologies de la santĂ© qui rĂ©pondent aux besoins de la population quĂ©bĂ©coise.Ěý»
Ěý
Photo: Adi Mithani valide le principe d’un éventuel programme double MDCM-M.Ing. qui serait offert à McGill.