Pour progresser dans ses études ou sa carrière, il faut « avoir de l’expérience ». Or, pour avoir de l’expérience, encore faut-il… acquérir de l’expérience. C’est le dilemme auquel se butent nombre d’étudiants et de jeunes diplômés.
Ce paradoxe constitue un obstacle bien réel pour les étudiants au premier cycle qui aspirent à des études supérieures ou à une carrière en recherche, mais n’ont pas accès à l’expérience pratique susceptible de leur ouvrir ces portes. S’ils n’ont jamais travaillé en laboratoire, ce n’est certes pas par manque de motivation; souvent, il faut simplement savoir quels professeurs recrutent et quels postes sont offerts, et se trouver au bon endroit, au bon moment.
« En faisant de la recherche, l’étudiant peut mettre ses connaissances en pratique. Cet apprentissage le prépare à des études, aux cycles supérieurs ou non, qui mènent à une carrière fortement axée sur la recherche, par exemple la médecine », explique Connie Yang (B. Sc. 2021).
Et Connie parle en connaissance de cause : c’est notamment grâce Ă son travail d’adjointe Ă la recherche Ă Ěý qu’elle a pu dĂ©crocher une place hautement convoitĂ©e dans un programme de M.D.-Ph. D.
À son arrivée à l’Université McGill, en 2017, elle ignorait encore à quel point la recherche la passionnerait. Au cours de sa première année, elle a obtenu un poste à l'Institut du cancer Rosalind et Morris Goodman par l’entremise du programme travail-études de l’Université. Elle en avait entendu parler entre les branches et a opté pour ce poste parce qu’il semblait cadrer avec ses champs d’intérêt, mais surtout parce que c’est l’occasion qui s’est présentée à ce moment-là . Au Centre, elle a occupé deux postes non liés à la recherche : d’abord un poste à temps partiel à la Plateforme d’histologie, puis un poste à la Plateforme de perturbation cellulaire.
De la recherche pendant l’été
Pour Connie, le dĂ©clic s’est fait lorsque Sidong Huang, professeur agrĂ©gĂ© de biochimie et directeur de la Plateforme de perturbation cellulaire deĚýL'Institut du cancer Goodman, l’a recrutĂ©e dans son laboratoire Ă l’étĂ© 2018. L’expĂ©rience a Ă©tĂ© Ă ce point concluante que Connie s’est redirigĂ©e vers la majeure en biochimie, qui repose sur l’acquisition d’une solide connaissance des concepts scientifiques fondamentaux et dont les cours sont axĂ©s sur les travaux les plus rĂ©cents en recherche. C’est prĂ©cisĂ©ment cette importance accordĂ©e Ă la recherche qui plaisait Ă Connie, qui a acceptĂ©, Ă la demande du PrĚýHuang, de se joindre Ă l’équipe de son laboratoire comme adjointe de recherche.
« Les Ă©tudiants-chercheurs sont des membres Ă part entière du laboratoire », souligne le PrĚýHuang, qui a Ă©tĂ© conseiller en recherche auprès de Connie. « Ils rĂ©alisent des expĂ©riences et analysent des rĂ©sultats sans lesquels nous ne pourrions pas progresser. Qui plus est, ils Ă©mettent et testent des hypothèses qui, elles aussi, font avancer nos travaux. »
Un léger problème se posait, cependant : l’emploi d’été était pleinement rétribué, mais non les heures de recherche effectuées pendant la session, ces dernières n’étant pas régies par le programme travail-études. Souvent, les chercheurs peuvent rétribuer les étudiants aux cycles supérieurs à même les subventions obtenues dans le cadre d’un projet donné, mais ils peuvent rarement en faire autant pour les étudiants au premier cycle. « En règle générale, les étudiants au premier cycle ne sont pas payés pour faire de la recherche; ce sont plutôt eux qui paient pour en faire, puisque la recherche s’inscrit dans les cours compris dans leurs droits de scolarité », explique Connie.
Une aide financière essentielle
C’est donc grâce au soutien de donateurs que Connie a pu acquĂ©rir de l’expĂ©rience en recherche dans le laboratoire du PrĚýHuang. En effet, elle a reçu la gĂ©nĂ©reuseĚýBourse de premier cycle Jake-Dougherty-St-ArnaudĚýde la FacultĂ© des sciences, soit presque l’équivalent des droits de scolaritĂ© d’une session entière.
« Sans cette bourse, il aurait fallu que je me trouve un autre emploi », affirme l’étudiante. Après un certain temps de travail comme adjointe de recherche Ă l'Institut du cancer Goodman, Connie s’est vu dĂ©cerner la bourseĚýÉtoile montante Canderel, remise aux Ă©tudiants au premier cycle d’exception souhaitant faire carrière en recherche scientifique ou mĂ©dicale.
Pour Connie, cet appui financier a eu une importance cruciale, puisqu’il lui a permis d’assurer sa subsistance en travaillant en laboratoire plutôt que dans un emploi quelconque. Et ce travail de recherche l’a fort bien servie.
« Connie a participĂ© Ă de nombreux projets au labo, dont deux pour lesquels elle compte parmi les principaux auteurs », se rĂ©jouit le PrĚýHuang. Un des articles, publiĂ© rĂ©cemment, dĂ©crit un nouveau rĂ©gulateur d’une protĂ©ine clĂ© dans la rĂ©ponse immunitaire chez les patients atteints de cancer (deuxième auteure); l’autre, sous presse, dĂ©crit la dĂ©couverte d’un mĂ©canisme inattendu qui explique en partie la rĂ©ponse timide Ă la chimiothĂ©rapie dans plusieurs cancers difficiles Ă traiter (coauteure principale). « Ces expĂ©riences de recherche seront fort utiles dans son cheminement de M.D.-Ph. D. »
Effectivement, Connie – qui a obtenu son diplĂ´me avec distinction au printemps 2021 – poursuit ses travaux sur la gĂ©nĂ©tique du cancer pendant son M.D.-Ph. D. dans le cadre duĚýMedical Scientist Training ProgramĚýde la Washington University in St. Louis. « Je me rĂ©jouis de pouvoir faire ce programme conjoint. En venant complĂ©ter le doctorat, la composante ‟mĂ©decine” me permet de faire de la recherche pertinente sur le plan clinique. » Elle est reconnaissante au PrĚýHuang et Ă un ancien Ă©tudiant aux cycles supĂ©rieurs du laboratoire de l’avoir prĂ©parĂ©e Ă cette nouvelle Ă©tape. « Le PrĚýHuang m’a appris la pensĂ©e scientifique et grâce Ă ma formation, je me sens bien outillĂ©e pour m’attaquer Ă des questions de recherche. »
L’Initiative en recherche étudiante (IRE)
Connie a eu la chance d’aller chercher une prĂ©cieuse expĂ©rience en recherche, mais il reste que la recherche au premier cycle, ce n’est pas toujours Ă©vident. C’est ici que l’Initiative en recherche Ă©tudianteĚý(IRE), que Connie a coprĂ©sidĂ©, entre en scène. « L’IRE est un groupe dirigĂ© par des Ă©tudiants qui s’emploie Ă mettre en contact les Ă©tudiants au premier cycle avec des chercheurs susceptibles de leur offrir des perspectives intĂ©ressantes, rĂ©tribuĂ©es ou non », explique-t-elle.
Les Ă©tudiants membres de l’Initiative ont tissĂ© un rĂ©seau de professeurs et de chercheurs reconnus issus de diverses facultĂ©s et dĂ©sireux d’accueillir des Ă©tudiants au premier cycle qui se passionnent pour la recherche. Ă€ partir deĚý, l’IRE jumelle Ă©tudiants et postes en laboratoire, et elle offre mĂŞme une bourse de recherche d’étĂ©, bien que ses ressources soient actuellement limitĂ©es. « Comme les critères habituels, soit la moyenne gĂ©nĂ©rale pondĂ©rĂ©e et l’excellence, peuvent constituer un obstacle pour certains, la bourse de l’IRE est attribuĂ©e exclusivement en fonction de l’intĂ©rĂŞt de l’étudiant pour la recherche », prĂ©cise Connie.
Depuis sa mise en place, en 2014, le programme a pris du galon; nombreux sont les chercheurs qui, après avoir embauché un assistant de laboratoire par l’entremise de l’IRE, continuent de travailler avec le groupe pour le recrutement d’étudiants au premier cycle.
C’est le cas du PrĚýHuang. Il recrute des Ă©tudiants aux cycles supĂ©rieurs en quĂŞte d’un diplĂ´me axĂ© sur la recherche, mais il estime que la prĂ©sence d’étudiants au premier cycle dans son laboratoire prĂ©sente des avantages indĂ©niables. « L’étudiant Ă la maĂ®trise ou au doctorat se consacre souvent Ă la question, très ciblĂ©e, sur laquelle porte sa recherche; mais l’étudiant au premier cycle, lui, peut explorer divers sujets d’intĂ©rĂŞt tout en travaillant avec les membres plus expĂ©rimentĂ©s de l’équipe. Ils voient les choses sous d’autres angles et insufflent une belle Ă©nergie au laboratoire; en retour, nous pouvons leur montrer Ă quel point la recherche, c’est utile et passionnant. »
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