Quel est votre lien avec l'ICG ?
Après avoir obtenu mon doctorat à l'Université d'État de Rostov, en Russie, je suis d'abord venue à Montréal comme post-doc à l'Hôpital général de Montréal pour étudier la réparation de l'ADN et les mécanismes moléculaires de la réponse adaptative aux rayonnements ionisants, sous la supervision du Dr Terry Chow.
J'ai ensuite rejoint le Centre du cancer de McGill (aujourd'hui l'Institut du cancer Goodman, ICG), où j'ai effectué mon deuxième post-doc sous la supervision de la Dre Nicole Beauchemin. Dans le laboratoire de la Dre Beauchemin, je me suis concentrée sur le mécanisme d'action de CEACAM1 dans le cancer, une molécule découverte par Nicole. J'ai eu la chance de rejoindre la communauté de scientifiques qui étudient la transduction du signal et le rôle du cytosquelette d'actine dans la motilité cellulaire et les métastases.
Après avoir passé deux ans et publié plusieurs articles avec la Dre Beauchemin, j'ai obtenu un poste d'associé de recherche dans le groupe d'oncologie moléculaire sous la supervision de la Dre Morag Park, ce qui m'a rapidement conduit à être nommé directrice du groupe de génomique fonctionnelle du cancer du sein fondé par la Dre Morag Park et le Dr Sarkis Meterissian. Ce fut une opportunité incroyable qui a profondément influencé ma future carrière ! J'ai eu la chance de construire un laboratoire, d'embaucher mon groupe (12 scientifiques), de participer à des collectes de fonds importants auprès de Génome Canada et de la Fondation du cancer du sein de Montréal, et d'obtenir ma première subvention de recherche de Genentech. Il s'agissait d'un projet véritablement collaboratif impliquant des scientifiques, des chirurgiens, des pathologistes et des bio-informaticiens, et je suis très fière du travail que nous avons accompli.
Outre les liens professionnels, j'ai aussi beaucoup de liens personnels avec l'ICG et Montréal : j'ai rencontré mon mari grâce à mon travail au laboratoire de Morag, ma première fille, Kathrine, est née à l'hôpital Royal Victoria, j'ai acheté ma première maison à Montréal et j'ai noué plusieurs amis de longue date avec lesquels je suis restée en contact depuis 20 ans et qui me donnent une raison de revenir souvent !
Que faites-vous maintenant ?
Mon expérience à la tête du groupe de génomique fonctionnelle du cancer du sein à McGill m'a permis de me rendre compte que je voulais consacrer ma carrière au développement de médicaments contre le cancer. Après avoir déménagé dans la région de la baie de San Francisco en 2006, j'ai accepté un poste chez Schering Plough Biopharma, où je dirigeais un laboratoire de pathologie translationnelle axé sur le développement de plateformes d'analyse des tissus humains. À la suite de la fusion de Schering Plough et de Merck en 2009, j'ai occupé divers postes à responsabilité croissante, qui m'ont conduit à mon rôle actuel de directrice exécutive de Discovery Oncology chez Merck, à South San Francisco. À ce titre, je supervise tous les aspects du développement préclinique de médicaments, de l'identification et de la validation des cibles à la création et au développement de candidats médicaments pour les essais cliniques de phase 1. Mon département se concentre principalement sur les produits biologiques en oncologie, notamment les anticorps monoclonaux, les conjugués anticorps/médicaments, les agents d'engagement immunitaire bi-spécifiques et les cytokines.
En plus de diriger les efforts de découverte internes, une partie importante de mon temps est consacrée à l'évaluation d'entreprises externes et à l'établissement de collaborations avec des sociétés en phase de démarrage ou, dans certains cas, au soutien d'accords de licence et à la conduite de la diligence en vue d'acquisitions. C'est une occasion passionnante de découvrir des idées novatrices et d'enrichir le portefeuille de produits oncologiques de Merck.
J'ai connu de nombreux hauts et bas au cours de mes dix-sept années passées chez Schering Plough et Merck. Les deux points forts de ma carrière sont ma participation au développement de notre gamme de produits d'immuno-oncologie et, plus récemment, de nos conjugués anticorps-médicaments. C'est avec fierté que j'ai vu le nombre de patients traités par Keytruda, l'inhibiteur PD1 de Merck, atteindre la barre du million en 2022 ! J'ai eu la chance d'être chez Merck pendant ces périodes passionnantes et j'ai contribué à de nombreux programmes d'immuno-oncologie amenés en clinique.
Un conseil que vous donneriez à la prochaine génération de chercheurs en cancérologie
Nous avons souvent tort, mais nous pouvons apprendre et nous adapter. Restez ouverts d'esprit, soyez flexibles et axés sur les données, et concentrez-vous sur la science !
D'un point de vue pratique, j'encourage vivement les étudiants de premier et de deuxième cycle à postuler pour des stages d'été et des programmes coopératifs dans des universités ou des entreprises. Cela leur ouvrira un monde de possibilités et, surtout, leur donnera l'occasion de faire l'expérience de la vie d'un chercheur et de découvrir les autres emplois que l'on peut occuper avec un diplôme scientifique, par exemple le développement commercial, le droit des brevets, l'évaluation de la sécurité, la gestion de projets, etc.
Comment votre formation reçue à l'ICG vous a-t-elle aidé à devenir la professionnelle que vous êtes ?
La formation et l'expérience que j'ai reçues à l'ICG m'ont fourni des bases solides et ont indubitablement établi des normes élevées que je m'efforce de maintenir tout au long de ma carrière. L'opportunité de diriger le groupe de génomique fonctionnelle du cancer du sein et de faire partie de l'équipe multidisciplinaire m'a aidé à réaliser ma passion pour le développement de médicaments et à définir ma voie dans l'industrie.