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Cultiver le jardin du chagrin : un programme de soutien qui met l’accent sur le deuil et l’espoir par le jardinage

Pendant ses études en art-thérapie, Sarah Tevyaw était loin de s’attendre à une carrière en soins palliatifs. Elle s’imaginait plutôt dans un milieu communautaire ou clinique; la voie que la plupart de ses pairs allaient suivre. Cependant, dans le cadre de son programme à l’Université Concordia, elle a effectué un stage à l’Institut thoracique de Montréal auprès de patients en soins palliatifs. De là est née une passion pour ce domaine et, en 2012, elle a poursuivi une occasion de bénévolat à la Résidence de soins palliatifs de l’Ouest-de-l’Île, ainsi nommée à l’époque : un moment charnière dans la trajectoire de sa carrière. Elle fait partie de la Résidence, renommée Résidence de soins palliatifs Teresa-Dellar, depuis 2013. Et c’est cette voie l’a dirigée vers un jardin et son programme Cultiver le deuil.

Conçu par Sarah et lancé en juin de cette année, Cultiver le deuil est un programme de soutien au deuil de 10 semaines qui combine le jardinage et l’art-thérapie. « J’aimais l’idée d’exprimer le deuil par la nature pour englober l’idée que tout revient à la terre, explique-t-elle. Nous cultivons la croissance tout en acceptant que nous ne savons pas comment notre jardin va s’épanouir. » Au moyen de Cultiver le deuil, Sarah crée un parcours métaphorique à travers le deuil et l’acceptation.

Le programme s’inscrit bien dans l’approche de Sarah en matière d’art-thérapie à la Résidence; une approche qui prévoit des activités pour tous, tant les patients que les membres de la famille. Il y a les arts textiles comme le tricot, le crochet et la couture, y compris sur un grand métier à tisser dont l’apprentissage prend moins de cinq minutes. À cela s’ajoutent un studio et du matériel d’artiste pour le dessin, la peinture et le collage, des perles pour la confection de bijoux et bien plus encore. Tout ça permet à Sarah de répondre à tous les désirs d’expression imaginables.

« J’apprends à connaître le patient, puis je fouille dans mon coffre à outils pour trouver ce qui lui convient le mieux, explique Sarah. Une des belles facettes de la thérapie que j’offre, c’est l’occasion de créer une œuvre à laisser en cadeau. » Toutefois, les personnes endeuillées peuvent aussi profiter de l’art-thérapie. Et plus Sarah réfléchissait à son programme, plus elle constatait le rôle que le jardinage pouvait y jouer.

« Jardiner est un art. J’ai réussi à aménager un jardin à la maison avec un éventail de plantes annuelles et vivaces et quelques légumes, souligne-t-elle. Une part importante de l’expérience de jardinage consiste à savoir que les plantes vont mourir. Je voulais m’appuyer sur l’acceptation naturelle qui accompagne la création d’un jardin. »

À l’agrandissement de la Résidence en 2020, Sarah a demandé un accès au terrain qui l’entoure. Des améliorations considérables ont été apportées à l’aménagement paysager au fil des ans et il existe un sentier dans le boisé derrière la Résidence, un ruisseau et un jardin des fées muni de statues dissimulées. Dorénavant, il y a aussi des platebandes surélevées conçues par son partenaire et voisin à l’aide de bois d’œuvre, don d’une scierie locale. Le point central est un grand pavillon où les participants se réunissent.

« Certains proches des participants sont décédés dans les chambres qui font face au jardin. Il règne donc un véritable sentiment de paix ici et le désir, reconnu par ces participants, de donner en retour et de rendre encore plus beau le lieu qui entoure ces chambres. » Elle ajoute même qu’une patiente actuelle de la Résidence, dont la chambre se trouve à côté du jardin et du studio, a commencé à s’adonner au jardinage. Plusieurs fois par jour, on peut l’observer arracher les fleurs mortes et les conserver pour sa création artistique. Ce qui met en lumière le caractère circulaire de l’idée du pouvoir guérisseur du jardin.

Même si la Résidence offre des programmes de soutien au deuil pendant toute l’année, il n’y a normalement aucun programme estival. Selon Sarah, c’est plus difficile d’obtenir l’engagement des gens en été en raison des vacances et du temps passé en famille. « La pandémie m’a rendu la tâche plus facile, car c’était une façon de briser l’isolement. Avec le déconfinement progressif, les gens ressentent le désir et le besoin de tisser des liens. Puisque l’activité se déroule à l’extérieur, les participants se sentent en sécurité », explique-t-elle. Le masque et la distanciation physique sont toujours de rigueur pour le moment. Le nombre de participants est limité à dix, non seulement en raison de la pandémie, mais aussi pour assurer une certaine intimité.

Le groupe se réunit aux deux semaines pour laisser au jardin le temps de croître, comme le précise Sarah. Avant de créer le jardin, Sarah a planté des graines avec les patients : les concombres, les tomates et les courgettes ont poussé en abondance, si bien que le personnel de la Résidence a pu en rapporter à la maison. Pour ce programme, Sarah s’est procuré divers types de plants sans plan précis pour l’aménagement des fleurs et des légumes ni aucune préoccupation quant au contrôle des nuisibles ou l’attrait des abeilles. Elle insiste sur le fait qu’elle ne veut pas trop planifier.
« L’idée, c’est de créer un lieu où les participants pourront cheminer dans le processus de deuil. »

En plus du jardinage, le programme englobe l’art, notamment le dessin et d’autres techniques comme la confection d’estampes à partir de plants et de papier cyanotype : un processus naturel pour reproduire des copies en bleu au moyen de parties de plante et du soleil. « L’objectif est de passer du temps avec les plantes pour en apprécier la complexité et la croissance. Je souhaite que les participants constatent le processus de croissance et le voient comme une analogie du processus de deuil. »

L’inspiration du programme provient en partie de « Garden of Solace », un texte d’opinion de la romancière Margo Rabb publié dans le New York Times en 2019. Dans celui-ci, l’auteure explique comment un jardin public magique l’a aidée à accepter le décès de sa mère 25 ans plus tard. Une autre source d’inspiration se trouve du côté des théories d’Allan Wolfelt portant sur le rôle du proche aidant à titre de jardinier, qu’il a élaborées en grande partie à partir de son travail auprès des enfants endeuillés. Même si Sarah a trouvé de la documentation sur le deuil et le jardinage, il ne semble y avoir aucune étude documentée. « Il existe des jardins commémoratifs, mais aucun processus de groupe structuré, souligne-t-elle. Il s’agit donc d’un projet pilote. Je ne suis pas certaine des résultats, mais je sais déjà que la magie opère. En plus d’offrir aux gens de la Résidence une occasion de poursuivre leur apprentissage. »

Pour plus d’information sur le programme, prière de visiter
ou de téléphoner au 514-693-1718, poste 231.

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