16 marcheurs se sont récemment réunis sur le Mont-Royal pour célébrer les 10 ans d’existence du premier groupe de marche à Montréal pour les personnes en deuil d’un être cher. Ils ont marché pendant une heure tantôt en silence, tantôt en conversant. Ils ont également partagé des photos et des souvenirs de leurs proches et ont laissé le pouvoir guérisseur de la nature les aider à faire face au deuil.
La Marche du deuil a été fondée à Montréal par Alice Lehrer, ergothérapeute à la retraite et bénévole pour l’organisme L’espoir, c’est la vie. L’idée lui est venue après avoir lu un article dans le Globe and Mail sur une « Grief Walk » (Marche du deuil) à Vancouver et à Victoria. Elle s’est empressée d’en faire part au Dr. Bernard Lapointe, qui était alors directeur des soins palliatifs à l’Hôpital Général Juif. Peu après, l’organisme L’espoir, c’est la vie a mis le programme à l’essai comme option supplémentaire à leur groupe de soutien traditionnel de huit semaines pour les personnes endeuillées.
Ce qui a attiré Alice vers l’idée d’utiliser la marche et la nature comme mécanismes d’adaptation est ce qui a attiré tant de personnes au cours de ces dix dernières années. « C’est une zone de confort pour les personnes endeuillées », explique Alice. « Marcher dans la nature offre aux participants l’espace et la liberté de faire leur deuil à leur manière ». Elle fait remarquer que lorsque vous marchez, vos yeux sont rivés vers l’avant et le regard des autres n’est pas posé sur vous comme dans un groupe de soutien traditionnel. C’est tout à fait possible de marcher en silence et d’être seul avec ses pensées. Cela permet aux gens d’avoir une certaine liberté de parler quand ils se sentent à l’aise, ce que certains trouvent difficile dans un groupe plus traditionnel.
La Marche du deuil est ouverte à tous ceux qui ont perdu un être cher à cause du cancer. Il s’agit d’un groupe hebdomadaire à durée indéterminée, et la plupart des gens y restent entre un et deux ans. Environ 20% des participants restent au sein du groupe pendant plus de quatre ans, sans nécessairement venir chaque semaine, mais en revenant pour les réunions, le temps des fêtes ou d’autres évènements marquants où ils doivent faire face à l’absence de leurs proches.
Alice affirme que le groupe ne juge pas; chacun reconnaît que le temps de deuil diffère d’une personne à l’autre. C’est donc un réconfort et un soulagement pour les participants de savoir qu’ils peuvent rester dans le groupe aussi longtemps qu’ils le souhaitent, puis partir lorsqu’ils sentent que certains de leurs besoins ont été satisfaits, tout en sachant que le groupe les accueilleront à bras ouverts s’ils ressentent le besoin de revenir. Certains membres participent également à des groupes de soutien traditionnels ou consultent un thérapeute. De plus, Alice et ses co-facilitateurs les orientent, si nécessaire, vers le personnel professionnel de L’espoir, c’est la vie ou vers d’autres ressources en matière de deuil.
La Marche du deuil est offerte tous les jeudis à partir de 10h et débute à la Maison Smith sur le Mont-Royal. Après un bref hommage à la personne pour laquelle ils marchent, les membres du groupe marchent en silence ou en discutant, par deux ou par trois, pendant une heure. Ils se retrouvent ensuite à la Maison Smith pour prendre un café, partager et discuter. Alice souligne que le groupe n’est pas un groupe de marche sportive et que tous les niveaux d’aptitude sont respectés, mais que les membres potentiels doivent être capables de marcher pendant une heure, même si c’est à un rythme lent. Le groupe marche qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige, même si parfois une seule personne se présente à cause de la météo.
Au cours des dix ans de la Marche du deuil, de nombreuses amitiés de sont formées dans le groupe et Alice s’émerveille toujours de la façon dont les gens trouvent une âme sœur avec qui marcher et partager leur histoire. Elle a mentionné trois jeunes femmes qui se sont rencontrées en 2013 et qui se sont liées d’amitié de par leur expérience commune d’être devenues veuves jeune. Elles se sont rencontrées régulièrement au fil des ans et ont même voyagé ensemble. L’une d’entre elles, Domenica Pulcini, est maintenant co-facilitatrice du groupe.
Comme tant d’autres groupes qui ont été suspendus en raison des restrictions imposées par la COVID durant la dernière année, la Marche du deuil s’est tournée vers Zoom et a attiré encore plus de membres à revenir prendre part au groupe. L’isolement physique, la peur et la solitude ont exacerbé leur difficulté à faire face au deuil. Certains membres ont expliqué que leur chagrin était plus intense et difficile à gérer; la pandémie a ajouté une couche supplémentaire à leur chagrin. Le groupe a été une sorte de bouée de sauvetage pour certains qui ont bénéficié de partager avec d’autres personnes qui les comprennent. Bien que Zoom ait parfaitement fonctionné pendant plusieurs mois, dès qu’il a été possible, le groupe est retourné sur la montagne avec des masques et en respectant les règles de distanciation sociale.
Le groupe de la Marche du deuil a participé à l’inauguration de la Semaine Projection organisée par le Conseil des soins palliatifs de McGill et a présenté son modèle au Congrès international sur les soins palliatifs en 2018. Comme le note Alice, le modèle est « simple, ne coûte rien et est accessible à tous ». Sa simplicité et son absence de structure formelle font partie de son attrait. Il ne s’agit pas d’un groupe de thérapie mais le programme est certainement thérapeutique! Le groupe est dirigé par des pairs qui connaissent et comprennent la douleur de perdre un être cher. N’importe quel organisation ou groupe communautaire local pourrait en commencer un. La Marche du deuil est un bon exemple de compréhension du large éventail de besoins en matière de gestion du deuil et de développement d’une alternative ou d’un complément simple, efficace, durable et informel au soutien traditionnel au deuil.
Pour en savoir plus sur les programmes de soutien au deuil de L’espoir, c’est la vie, contactez Hinda Goodman par courriel : hgoodman [at] jgh.mcgill.ca
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