Nourrir la planète sans en polluer l’eau
Des chercheurs mcgillois mettent au point la toute première carte mondiale détaillée
du bon et du mauvais usage de composés phosphoreux importants
L’accroissement de la population mondiale a entraîné une hausse de la demande alimentaire. Aux quatre coins du monde, les agriculteurs, utilisent – au moins partiellement – des engrais de phosphore afin de préserver et améliorer le rendement des récoltes. Mais la surutilisation de ces derniers peut entraîner la pollution de l’eau douce et la naissance d’une multitude de problèmes, dont la hausse de l’algue bleue dans les lacs et la croissance de « zones mortes » côtières.
Parmi les enjeux à considérer, mentionnons que le phosphore provient d’une roche phosphatée, une ressource non renouvelable disponible en quantité limitée dans des régions géopolitiques où règne une vive tension, telles le Sahara-Occidental et la Chine.
Maintenant, pour la toute première fois, une carte mondiale détaillée a été créée, présentant les déséquilibres quant à l’utilisation du phosphore, un élément nutritif essentiel pour les végétaux, aux quatre coins du monde. « En règle générale, les gens s’inquiètent lorsqu’un excédent de phosphore est présent dans l’eau ou ils se préoccupent de la pénurie de phosphore. Il s’agit de la première étude qui présente l’enjeu dans une lumière globale et qui indique qu’il ne s’agit pas là de deux problèmes distincts, mais bien de la problématique portant sur la distribution du phosphore dont nous disposons », a souligné Graham MacDonald, doctorant au Département des sciences des ressources naturelles de l’Université McGill et directeur de l’étude.
Dans le cadre de l’étude, des données agronomiques détaillées ont été utilisées, indiquant la quantité de phosphore entrant dans la préparation d’engrais et de fumier pour plus d’une centaine d’aliments consommés par les humains et les animaux ainsi que les plantes à fibres produites à l’échelle mondiale au cours de l’année 2000. Les résultats de l’étude présentent des déséquilibres importants relativement à l’utilisation de phosphore, tant en ce qui a trait à sa surutilisation dans certaines régions du monde qu’à son déficit dans d’autres régions. Certains résultats sont fort étonnants. Bien que l’on suppose généralement que les déficits en phosphore ne sont présents que dans les pays pauvres d’Afrique subsaharienne, et que les surplus de phosphore soient enregistrés dans les pays riches d’Europe et d’Amérique du Nord, les taux de phosphore varient largement au sein d’un pays. Il n’est pas rare qu’une région présente à la fois un surplus et un déficit à proximité. De plus, certains pays dont l’Ukraine, longtemps considérée comme le grenier de l’Empire russe, n’a pas connu de déficit de phosphore, alors que l’Est de la Chine et le sud du Brésil ont été répertoriés comme étant des points névralgiques, où des surplus issus de l’utilisation accrue d’engrais risquent de s’écouler des terres arables et ainsi polluer l’eau douce.
« Sans un outil permettant de quantifier l’utilisation de phosphore, il est difficile pour les responsables de l’élaboration de politiques de prendre des décisions éclairées à l’échelle nationale ou mondiale », a précisé Graham MacDonald.
Désormais, ils disposeront d’un tel outil.
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