Mémoire isotopique de l'atmosphère terrestre précoce
L’analyse chimique de certaines des plus vieilles roches au monde rĂ©alisĂ©e par une Ă©quipe internationale dirigĂ©e par des chercheurs de l’UniversitĂ©ĚýMcGill a permis d’obtenir les donnĂ©es les plus prĂ©coces dont nous disposons sur l’atmosphère terrestre. Les rĂ©sultats de cette analyse rĂ©vèlent qu’il y a plus de quatre milliards d’annĂ©es, la composition de l'atmosphère Ă©tait très semblable Ă celle qui existait un milliard d’annĂ©es plus tard, quand se dĂ©veloppait Ă la surface de notre planète, une biosphère microbienne florissante Ă l’origine de la diversitĂ© de la vie que l’on trouve aujourd’hui sur la Terre.
Les résultats de cette étude, publiés la semaine dernière dans la revue spécialisée Proceedings of the National Academy of Sciences, pourraient aider les scientifiques à mieux comprendre les origines et l’évolution de la vie sur la planète. Jusqu’à tout récemment, les chercheurs devaient se fier à des modèles informatiques très diversifiés des premières caractéristiques de l’atmosphère.
Cette nouvelle Ă©tude s’appuie sur les travaux antĂ©rieurs de l’ancien doctorant mcgillois JonathanĚýO’Neil (maintenant professeur adjoint Ă l'UniversitĂ© d’Ottawa) et de DonĚýFrancis, professeur Ă©mĂ©rite Ă McGill, qui avaient dĂ©montrĂ© en 2008 que des roches le long de la cĂ´te de la baie d’Hudson dans le nord du QuĂ©bec, dans une rĂ©gion appelĂ©e ceinture de roches vertes du Nuvvuagittuq, avaient Ă©tĂ© dĂ©posĂ©es sous forme de sĂ©diments il y a environ 4,3Ěýmilliards d’annĂ©esĚý‒Ěýsoit quelques centaines de millions d’annĂ©es seulement après la formation de la Terre.
Dans le cadre de cette nouvelle Ă©tude, une Ă©quipe dirigĂ©e par des chercheurs du DĂ©partement des sciences de la Terre et des planètes de l’UniversitĂ© McGill a eu recours Ă la spectromĂ©trie de masse afin de mesurer la quantitĂ© de diffĂ©rents isotopes du soufre dans des roches de la ceinture du Nuvvuagittuq. Les rĂ©sultats ont permis aux scientifiques de dĂ©terminer que le soufre contenu dans ces roches, âgĂ©es d’au moins 3,8Ěýmilliards d’annĂ©es et, plus vraisemblablement de 4,3 milliards d’annĂ©es, provientĚý de l’atmosphère terrestre primitive riche en gaz volcanique soufrĂ©. Les compositions particulières du soufre rĂ©vĂ©lĂ©es par cette Ă©tude dĂ©montrent Ěýqu’à l’époque, l’air Ă©tait extrĂŞmement pauvre en oxygène comparativement Ă aujourd’hui et aurait pu contenir davantage de mĂ©thane et de dioxyde de carbone.
«ĚýNous avons dĂ©couvert que la mĂ©moire Ěýisotopique des cycles atmosphĂ©riques il y a plus de 3,8 milliards d'annĂ©es ressemble Ă celle dĂ©jĂ mis en Ă©vidence dans Ěýdes roches plus jeunes d’un Ă deux milliards d’annĂ©esĚý», affirme ÉmilieĚýThomassot, ancienne chercheuse postdoctorale Ă McGill et auteure principale de l’article, qui estĚý aujourd'hui professeur associĂ©e a l'universitĂ© de Lorraine et mène sa recherche au Centre de recherches pĂ©trographiques et gĂ©ochimiques (CRPG-CNRS) Ă Nancy, en France.
«ĚýCes roches plus jeunes renferment des signes Ă©vidents de vie microbienne, et Il existe diverses façons d’interprĂ©ter la similitude de composition entre les roches plus jeunes d'Afrique du sud et d'Australie et nos propres analyses dans la ceinture canadienne du NuvvuagittuqĚý», explique BoswellĚýWing, professeur agrĂ©gĂ© Ă McGill et coauteur de l’étude. «ĚýSelon l’une de ces interprĂ©tations, la biologie a contrĂ´lĂ© la composition de l’atmosphère au dĂ©but de l’existence de la Terre, par le dĂ©veloppement rapide de biosphères microbiennes semblables produisant les mĂŞmes gaz atmosphĂ©riques au cours des pĂ©riodes considĂ©rĂ©es respectivement comme l’enfance et l’adolescence de la Terre. Toutefois, nous on ne peut Ă©carter la possibilitĂ© que la gĂ©ologie ait jouĂ© le principal rĂ´le dans la dĂ©termination de la composition de l’air primitif du fait des gigantesques Ă©ruptions volcaniques capables de produire de façon rĂ©pĂ©tĂ©e des gaz en quantitĂ© beaucoup plus importante que la faible production biologique de gaz.Ěý»
L’équipe de recherche poursuit maintenant ses travaux afin de tenter de dĂ©terminer si les donnĂ©es probantes dont elle dispose permettent d’étayer l’hypothèse «ĚýbiologiqueĚý» ou «ĚýgĂ©ologiqueĚý»Ěý‒Ěýou une combinaison des deux. Dans un cas comme dans l’autre, l’étude actuelle «Ěýmontre que les sĂ©diments du Nuvvuagittuq portent la mĂ©moire de l’environnement de la surface terrestre au tout dĂ©but de l’existence de notre planète. Fait surprenant, cette mĂ©moire semble compatible avec une surface terrestre apte Ă accueillir la vieĚý», affirme ÉmilieĚýThomassot. L’équipe Ă©tudie Ă©galement les sĂ©diments de l’ArchĂ©en prĂ©coce dans d’autres localitĂ©s au Canada, comme la cĂ´te du Labrador ().
Cette étude a été financée par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, l’Agence spatiale canadienne, la région de la Lorraine, en France, et le Centre national de la recherche scientifique (programme EPOV).
Ěý
--------------
Ěý
L’article «ĚýAtmospheric record in the Hadean Eon from multiple sulfur isotope measurements in Nuvvuagittuq Greenstone Belt (Nunavik, Quebec)Ěý», par E.ĚýThomassot, J.ĚýO’Neil, D.ĚýFrancis, P.ĚýCartigny et B.ĚýA.ĚýWing, a Ă©tĂ© publiĂ© le 5 janvier dans Proceedings of the National Academy of Sciences.
Ěý
Ěý