Maîtriser les protéines en révolte
Comme une pelote de laine avec laquelle s’est amusĂ© un chat, les protĂ©ines peuvent s’emmĂŞler. D’importantes modifications du matĂ©riel gĂ©nĂ©tique peuvent en effet se traduire par une dĂ©sorganisation de la structure des protĂ©ines. Ă€ la suite de mutations survenant dans certains acides aminĂ©s qui forment les protĂ©ines, de longs brins de protĂ©ines se replient parfois sur eux-mĂŞmes et refusent de se sĂ©parer. Ces brins, appelĂ©s fibrilles amyloĂŻdes, peuvent se rĂ©vĂ©ler extrĂŞmement toxiques et sont gĂ©nĂ©ralement nuisibles. Ils s’attachent aux organes, comme le cerveau et le pancrĂ©as, et les empĂŞchent de fonctionner comme ils le devraient. Ils sont Ă l’origine d’affections qui semblent très diffĂ©rentes, comme le »ĺľ±˛ą˛úèłŮ±đ et la maladie d’Alzheimer, pour n’en nommer que deux. Pour mettre au point des mĂ©dicaments qui peuvent traiter efficacement ces maladies en dissolvant ces fibrilles, les biochimistes doivent gĂ©nĂ©ralement s’engager dans le processus Ă la fois long et coĂ»teux d’une sĂ©rie d’essais et erreurs.
Des milliards de possibilités
Des chercheurs de l’UniversitĂ© McGill dirigĂ©s par le , de l’École d’informatique, ont crĂ©Ă© une suite de programmes informatiques susceptibles d’accĂ©lĂ©rer le processus de mise au point de mĂ©dicaments pour ce type de maladies. Ces programmes sont conçus pour passer en revue les fibrilles (ou protĂ©ines mal repliĂ©es) afin de trouver leurs points faibles. L’objectif d’une telle analyse est de concevoir des mutations gĂ©nĂ©tiques utiles pour dissoudre les liens qui retiennent les fibrilles ensembleĚý– un peu comme si on cherchait le brin de laine sur lequel il faut tirer pour dĂ©mĂŞler toute la pelote. Il s’agit gĂ©nĂ©ralement d’une tâche colossale, car pour trouver des mutations qui pourraient se rĂ©vĂ©ler utiles dans la mise au point de mĂ©dicaments, les chercheurs doivent explorer des millions de combinaisons structurales dans le matĂ©riel gĂ©nĂ©tique.
Toutefois, cette mĂŞme tâche est Ă la portĂ©e du Fibrilizer – nom donnĂ© par McGill Ă ses outils informatiques qui Ă©voque la puissance surhumaine qui les caractĂ©rise. «ĚýEn l’espace d’une semaine, l’utilisation de nos programmes et d’un superordinateur nous a permis d’analyser des milliards de façons d’affaiblir les liens au sein de ces brins de protĂ©ines toxiques. Nous avons restreint notre champ d’analyse Ă quelque 30 Ă 50ĚýpossibilitĂ©sĚý», explique MohamedĚýSmaoui, boursier postdoctoral Ă McGill et auteur principal de trois articles publiĂ©s rĂ©cemment au sujet de cette Ă©tude. «ĚýLes biochimistes passent gĂ©nĂ©ralement des mois, voire des annĂ©es, Ă chercher ces mutations prometteuses.Ěý»
Superordinateur Ă la rescousse
Les chercheurs ont testé leur programme sur un médicament que les scientifiques tentent d’améliorer depuis une vingtaine d’années. Administré aux patients diabétiques pour accroître l’efficacité de l’insuline, ce composé est commercialisé sous le nom de Symlin. Fabriqué à partir d’une version de la protéine amyline, ce composé synthétique est toxique pour le pancréas lorsqu’il est utilisé à long terme, car il entraîne la formation de fibrilles amyloïdes. L’équipe de McGill a eu recours au Fibrilizer afin de trouver un nombre restreint de modifications génétiques susceptibles de réduire la toxicité de ce médicament.
Selon JĂ©rĂ´meĚýWaldispĂĽhl, ce type de recherche informatique jouera un rĂ´le de plus en plus important dans la dĂ©couverte de mĂ©dicaments au cours des annĂ©es Ă venir. «ĚýLes ordinateurs transforment la façon dont les mĂ©dicaments sont mis au pointĚý», affirme le professeur WaldispĂĽhl. «ĚýLa recherche sur les substances amyloĂŻdes s’est accĂ©lĂ©rĂ©e au cours des 10Ěýdernières annĂ©es. Elle pourrait toutefois se rĂ©vĂ©ler la clĂ© de la dĂ©couverte de mĂ©dicaments plus efficaces pour le traitement de nombreuses maladies systĂ©miques et neurodĂ©gĂ©nĂ©ratives, comme l’arthrite et le Parkinson. Sans superordinateurs et programmes comme le nĂ´tre, cette recherche serait extrĂŞmement longue et couteuse Ă faire.»
Ěý
Ěý