Les transformations radicales de l'écosystème mettent en péril les régions du monde les plus pauvres, déclarent des spécialistes de l'eau
Des chercheurs canadiens et suédois étudient les liens entre l’agriculture et la dégradation de l’environnement, comme la prolifération des algues toxiques
Des chercheurs du Centre de résilience de Stockholm, affilié à l’Université de Stockholm, et de l’Université McGill ont affirmé que l’agriculture et les pratiques modernes d’utilisation du sol pourraient être la cause de perturbations importantes dans le débit de l’eau partout dans le monde et éventuellement avoir des conséquences radicales et terribles dans les régions moins aptes à y faire face.
Dans un article paru le 1er avril dans le bulletin Trends in Ecology and Evolution, la Pre Line J. Gordon, du Centre de résilience et de l’Institut d’environnement de Stockholm, et les Prs Garry Peterson et Elena Bennett, de l’Université McGill, soutiennent que la gestion de l’eau à l’échelle planétaire s’est trop concentrée sur la composante « eau bleue » du cycle hydrologique et qu’elle néglige les modifications invisibles très importantes que l’humanité a fait subir à ce qu’on appelle l’« eau verte ».
« L’eau bleue est la partie du cycle que nous pouvons voir, comme les ruisseaux et les rivières », a déclaré Mme Gordon, professeure adjointe au Centre de résilience et à l’Institut d’environnement de Stockholm. « Elle s’oppose à l’eau verte, qui est l’humidité contenue dans le sol ou l’évapotranspiration des plantes, que l’agriculture peut influencer de façon considérable. »
Le terme « résilience » décrit la capacité des systèmes socioécologiques à supporter des chocs climatiques ou économiques pour ensuite se reconstruire et se renouveler. Dans leur article, les chercheurs font observer la vraisemblance que cette résilience vitale disparaisse après des modifications catastrophiques au cycle hydrologique, modifications qui pourraient être causées par l’agriculture et les pratiques d’utilisation du sol.
« Notre principal message, c’est que ces effets ne se traduiront pas nécessairement par des changements graduels », a expliqué le Pr Peterson, de la Chaire de recherche du Canada en modélisation socioécologique, également professeur adjoint au Département de géographie de l’École d’environnement de McGill. « Ils peuvent résulter en des changements surprenants, graves, ce que nous appelons des transformations radicales de l’écosystème ou des modifications au régime de l’écosystème, dont les effets pourraient être très difficiles, voire impossibles à réparer. »
Selon le Pr Peterson, la prolifération récente d’algues toxiques dans les lacs du Québec et le long du littoral de la mer Baltique, en Suède, constitue un excellent exemple de transformation radicale de l’écosystème, soit la conséquence de nutriments provenant de fertilisants qui pénètrent le sol et qui se jettent dans les ruisseaux, les rivières et les océans.
« Plus on nourrit le sol de nutriments, plus on en arrive à un point où l’on peut même cesser complètement l’exploitation agricole sans que ceux-ci disparaissent », a expliqué la Pre Bennett, professeure adjointe au Département des sciences des ressources naturelles et à l’École d’environnement de McGill. « On dépasse un certain seuil où il devient très difficile de revenir en arrière. »
Les modifications radicales à l’écosystème peuvent avoir des effets marqués et parfois dévastateurs sur le bien-être des humains, à mesure que les populations de la planète perdent brusquement des ressources dont elles dépendent, ont déclaré les chercheurs. Certaines des régions les plus vulnérables sur Terre sont les endroits comme les terres arides de l’Afrique sub-saharienne.
« Dans certaines de ces régions, nous risquons d’observer deux types de transformations radicales de l’écosystème, une qui entraîne une dégradation rapide du sol et qui a des effets graves sur les rendements et sur le gagne-pain des fermiers, et une autre qui influence les pluies et, par conséquent, la croissance des végétaux », a ajouté la Pre Gordon.
« Ces endroits sont ceux où les populations croissent le plus rapidement, où les gens disposent de la plus petite quantité d’eau par personne et qui sont les plus pauvres de tous les biomes du monde. Ce sont aussi les régions les plus susceptibles d’être touchées par les changements climatiques », a poursuivi le Pr Peterson.
À mesure que les demandes mondiales pour l’agriculture et l’eau continuent de croître, ont conclu les auteurs, il est de plus en plus urgent pour les scientifiques et les gestionnaires de trouver de nouvelles façons de bâtir la résilience par la prévision, l’analyse et la gestion des changements liés à l’agriculture. Il est aussi important de gérer la composante « eau verte » du cycle hydrologique que d’encourager des pratiques agricoles plus diversifiées.
Transformations du régime – un sujet clé à la Conférence Résilience 2008
Le risque de transformations catastrophiques du régime de l’écosystème et la nécessité de bâtir une résilience sont des sujets clés de la prochaine conférence internationale sur les sciences et les politiques de Stockholm dont le titre est « Résilience, adaptation et transformation en période de turbulences – se préparer pour des changements dans les systèmes socioécologiques ».
Les Prs Line J. Gordon et Garry Peterson présenteront leur recherche lors de la conférence. Les conférenciers principaux comprennent le père de la théorie de la résilience Buzz Holling, le chef de file des sciences politiques Elinor Ostrom et l’écologiste de renom Steve Carpenter, pour n’en nommer que quelques-uns. La dernière journée de la conférence sera consacrée à un forum politique de haut niveau sur les répercussions de la science de la résilience.
Résilience 2008 est organisée par Resilience Alliance, en collaboration avec l’Académie royale des sciences de Suède et le Conseil international pour la science. Les organisateurs locaux sont le Centre de résilience de l’Université de Stockholm, l’Institut d’environnement de Stockholm et l’Institut Beijer d’économie de l’environnement.
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