La douleur freine la libido chez la souris femelle
«ĚýPas ce soir, chĂ©ri, j’ai mal Ă la tĂŞteĚý». On attribue gĂ©nĂ©ralement cette expression Ă la femme, suggĂ©rant que son dĂ©sir sexuel est plus affectĂ© par la douleur que l’homme.
Or, des chercheurs de l’UniversitĂ© McGill et de l’UniversitĂ© Concordia Ă MontrĂ©al ont Ă©tudiĂ©, sans doute pour la première fois, toutes espèces confondues, l’impact direct de la douleur sur le comportement sexuel de la souris. Leurs travaux, publiĂ©s dans le Journal of Neuroscience du 23 avril, montrent que la douleur inflammatoire chez la souris femelle en chaleur rĂ©duit considĂ©rablement sa motivation sexuelle – alors qu’elle n’a aucun effet chez la souris łľĂ˘±ô±đ.
«ĚýDes Ă©tudes antĂ©rieures nous ont permis de savoir que le contexte influe beaucoup plus sur le dĂ©sir sexuel de la femme que sur celui de l’homme. Mais ce que nous ne savons pas, c’est si ce phĂ©nomène est liĂ© Ă des facteurs biologiques ou Ă des facteurs socioculturels, comme l’éducation et l’influence des mĂ©dias, affirme Jeffrey Mogil, professeur de psychologie Ă McGill et auteur-ressource de la nouvelle Ă©tude. Le fait que les souris femelles montrent, elles aussi, un dĂ©sir sexuel inhibĂ© par la douleur indique que ces effets chez l’humain pourraient Ă©galement ĂŞtre liĂ©s Ă la biologie Ă©volutive, et non pas seulement Ă des facteurs socioculturels.Ěý»
Aux fins de l’étude, les chercheurs ont placĂ© des souris dans une chambre d’accouplement divisĂ©e par une cloison amĂ©nagĂ©e d’ouvertures trop petites pour que le łľĂ˘±ô±đ puisse s’y faufiler. De cette façon, la femelle pouvait dĂ©cider de passer ou non du temps avec un partenaire łľĂ˘±ô±đ, et dĂ©terminer la durĂ©e de la visite. La souris femelle Ă©prouvant de la douleur a passĂ© moins de temps du «ĚýcĂ´tĂ© des łľĂ˘±ô±đsĚý», entraĂ®nant une activitĂ© sexuelle plus faible. Les chercheurs ont constatĂ© qu’il Ă©tait possible de rehausser l’intĂ©rĂŞt sexuel de la femelle Ă l’aide d’un analgĂ©sique (prĂ©gabaline), ou de l’un ou l’autre des deux mĂ©dicaments connus pour stimuler le dĂ©sir.
Les souris łľĂ˘±ô±đs se trouvaient dans une chambre sans cloison et avaient libre accès Ă une partenaire femelle en chaleur. La mĂŞme douleur inflammatoire que celle induite chez les femelles n’affectait en rien leur comportement sexuel. Les chercheurs ont Ă©tabli en outre que les deux sexes avaient la mĂŞme perception de la douleur.
«ĚýChez l’humain, la douleur chronique s’accompagne très souvent de problèmes d’ordre sexuel, affirme Yitzchak Binik, professeur de psychologie Ă l’UniversitĂ© McGill et directeur du Service de thĂ©rapie sexuelle et de couple du Centre universitaire de santĂ© McGill. Cette recherche fournit aux scientifiques un modèle animal du dĂ©sir sexuel inhibĂ© par la douleur qui permettra d’étudier cet important symptĂ´me liĂ© Ă la douleur chronique.Ěý»
Melissa Farmer, aujourd’hui stagiaire postdoctorale à l’Université Northwestern, a mené cette étude alors qu’elle était doctorante à McGill, sous la direction du professeur Mogil, chercheur dans le domaine de la douleur, et du professeur Binik, spécialiste des troubles sexuels humains.
Le professeur James Pfaus, du Centre de recherche en neurobiologie comportementale de l’UniversitĂ© Concordia et expert du comportement sexuel chez les rongeurs, est Ă©galement coauteur de cette Ă©tude. «ĚýLes diffĂ©rences entre les sexes sur le plan de la rĂ©activitĂ© Ă la douleur fournissent de nouvelles pistes pour comprendre comment les rĂ©ponses sexuelles s’organisent dans le cerveau, soutient le professeur Pfaus. En rĂ©alitĂ©, la tendance croissante de la mĂ©decine personnalisĂ©e exige que nous comprenions en quoi une affection spĂ©cifique et son traitement peuvent influencer l’activitĂ© sexuelle des femmes et des hommes.Ěý»
Ces travaux ont été soutenus par une bourse du Service national de recherche des Instituts nationaux de santé des États-Unis, par la Fondation Louise et Alan Edwards et par une bourse de recherche sur la douleur de Pfizer Canada.
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“Pain Reduces Sexual Motivation in Female But Not Male Mice”, Melissa A. Farmer et al. The Journal of Neuroscience, April 23, 2014.
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