L’Arctique et l’adaptation aux changements climatiques
Par Katherine Gombay, McGill Salle de Presse
Les populations de l’Arctique ont la capacité intrinsèque de s’adapter pour autant qu’elles agissent sur divers facteurs non climatiques
Des pratiques désuètes d’aménagement des terres, le manque d’organismes décisionnels locaux dotés de réels pouvoirs, l’absence de planification à long terme, la déresponsabilisation observée depuis longtemps en matière d’éducation et de finances, ainsi que la marginalisation, comptent parmi les obstacles qui empêchent les populations de l’Arctique de s’adapter aux changements climatiques, affirme une équipe dirigée par des chercheurs de l’Université McGill. Or, ces populations ont la capacité intrinsèque de s’adapter à d’importants changements climatiques, notamment parce qu’elles sont habituées à vivre dans un climat variable et incertain. Toutefois, cette capacité d’adaptation est aujourd’hui limitée par une série de facteurs non climatiques qui varient d’une société à l’autre.
Les chercheurs en sont arrivés à ces conclusions surprenantes après avoir passé en revue un important corpus de travaux scientifiques (135 articles) sur l’adaptation aux changements climatiques, la résilience et la vulnérabilité chez diverses populations de l’Arctique.
En dépit de l’ampleur et de la rapidité des perturbations climatiques observées dans les régions nordiques, les chercheurs estiment que leurs habitants sont fondamentalement bien outillés pour s’adapter à bon nombre des transformations prévues, sinon toutes, moyennant une évolution des politiques et des pratiques.
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L’adaptation au stress environnemental sera tributaire de facteurs nonĚýenvironnementaux
«ĚýOn croit souvent que les populations qui vivent dans l’Arctique sont très vulnĂ©rables, mais ce n’est pas nĂ©cessairement ce que les recherches indiquentĚý», explique JamesĚýFord, du DĂ©partement de ˛µĂ©´Ç˛µ°ů˛ą±čłóľ±±đ de l’UniversitĂ© McGill et auteur principal d’un article Ă ce sujet publiĂ© rĂ©cemment dans la revue scientifique Nature Climate Change. «ĚýLes gens de ces communautĂ©s considèrent gĂ©nĂ©ralement que le milieu arctique est imprĂ©visible et sujet Ă de constantes fluctuations. Ils se sont toujours adaptĂ©s aux changements environnementaux en faisant preuve de souplesse dans l’utilisation de leurs ressources. Mais leur capacitĂ© d’exploiter de nouvelles perspectives, comme une saison de navigation plus longue ou des possibilitĂ©s de rĂ©colte plus variĂ©es, est menacĂ©e par diverses influences et contraintes.Ěý»
Les chercheurs ont dĂ©couvert que la situation des communautĂ©s nordiques variait considĂ©rablement en fonction de la rĂ©gion, selon l’interaction entre la rapiditĂ© des changements climatiques et divers facteurs non climatiques, notammentĚý:
- la diversitĂ© et le type de ressources dont les populations dĂ©pendent; ainsi, la survie des collectivitĂ©s de ViliuiĚýSakha, en SibĂ©rie, qui dĂ©pendent de l’élevage de bovins et de chevaux, est menacĂ©e par les changements mĂ©tĂ©orologiquesĚý‒ notamment les prĂ©cipitations de neigeĚý‒, car elles n’ont guère d’autres moyens de subsistance. Pour leur part, les Inuits de l’Arctique canadien ont dĂ» modifier la pĂ©riode et les lieux oĂą ils pratiquent la chasse ancestrale en raison des changements rapides subis par la glace de mer;
- la nature et l’efficacité du leadership politique à l’échelle locale et son influence dans la prise de décisions plus générales, car souvent, les institutions nordiques ne disposent pas du temps, de la latitude et du financement nécessaires pour lutter contre les effets des changements climatiques; au Canada et en Alaska on constate toutefois que de nouveaux leaders au plan local ou régional font exception à la règle;
- l’inadéquation entre la rigidité des institutions qui ont établi les règlements et les quotas de chasse et de pêche, d’une part, et la rapidité des perturbations environnementales, d’autre part. Par exemple, les communautés qui vivent dans le nord du Canada et de l’Alaska réagissent vite aux changements, alors que les organismes de réglementation tardent à adapter leurs règlements et se montrent inflexibles;
- l’adaptation se produit au niveau des ménages ou des collectivités, mais revêt principalement un caractère réactif, sans se traduire par une planification à grande échelle ou à long terme; et
- certaines communautĂ©s demeurent plus vulnĂ©rables, l’hĂ©ritage colonialeĚý rendant plus difficile la gestion des enjeux en matière d’économie, de santĂ© et d’éducation.
Les modèles de cogestion et l’importance du savoir traditionnel
«ĚýCe ne sont pas toutes les institutions qui nuisent Ă l’adaptationĚý», affirme JamesĚýFord. «ĚýLes institutions peuvent contribuer au dĂ©veloppement du savoir. Dans le nord du Canada et en Alaska, par exemple, les pratiques de cogestion intègrent la science, le savoir traditionnel et les besoins des populations locales dans la gestion des stocks d’animaux sauvages, comme le bĂ©luga dans la mer de Beaufort. Cette façon de faire peut parfois contribuer Ă accĂ©lĂ©rer l’échange d’information et Ă rĂ©duire les conflits en matière de gestion des ressources, mais ce n’est pas toujours le cas. Dans certains cas, le conflit entre la science et celui du savoir traditionnel s’est rĂ©vĂ©lĂ© Ă©pineux, et d’aucuns craignent que le discours sur l’adaptation soit utilisĂ© de manière sĂ©lective par des intervenants influents pour promouvoir certaines voies ou certains programmes politiques.Ěý»
Les chercheurs estiment que l’Arctique n’est pas seulement un indicateur des perturbations climatiques susceptibles de survenir à des latitudes plus basses, mais pourrait aussi nous permettre de mieux cerner les enjeux associés à l’adaptation à ces changements. Selon eux, on devra mener des études plus poussées pour déterminer pourquoi certaines communautés, contrairement à d’autres, ont réussi à s’adapter, et pour mieux comprendre les obstacles et les limites à l’adaptation.
Pour consulter la version intĂ©grale de l’article intitulĂ© «ĚýĚý», par Ford et coll., publiĂ© dans la revue scientifique Nature Climate Change.
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