Inhiber le cancer de la prostate sans perturber les processus physiologiques habituels
Des chercheurs découvrent comment une enzyme facultative gouverne la croissance tumorale
Une kinase est une sorte d'enzyme que le corps utilise pour réguler les fonctions des protéines nécessaires à la croissance et à la maintenance cellulaires. Des chercheurs viennent de découvrir qu'une certaine kinase en particulier joue un rôle clé dans la progression du cancer de la prostate. « On la nomme 'Mnk' et, bien qu'elle ne semble pas essentielle au maintien des cellules normales, elle est importante pour la croissance du cancer », a déclaré le professeur Luc Furic, chercheur postdoctoral au sein de l'équipe du professeur Nahum Sonenberg au Centre de recherche sur le cancer Goodman et au Département de biochimie de l'Université McGill.
Il s'agit d'une découverte importante parce que les processus chimiques corporels sont hautement complexes et interconnectés. Par conséquent, le fait de cibler une cause du cancer touche les fonctions corporelles normales. Une part importante de la recherche sur le cancer consiste donc à découvrir les processus qu'il est possible d'inhiber ou de stopper sans causer de dommages aux tissus sains.
On appelle phosphorylation le processus chimique utilisé par la Mnk, et ce processus active ou désactive les protéines corporelles, contrôlant ainsi les mécanismes qui peuvent causer la maladie. Dans ce cas-ci, la Mnk travaille avec une protéine appelée elF4E pour synthétiser les protéines cellulaires.
Des chercheurs du Centre de recherche du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CRCHUM), de l'Université de Montréal et de l'Université McGill ont modifié génétiquement des souris en leur retirant un gène - le gène PTEN - afin qu'elles puissent bloquer le processus de phosphorylation de cette protéine. L'équipe a découvert que ces souris devenaient ainsi résistantes à la croissance du cancer de la prostate. « Le gène PTEN et sa protéine agissent comme un suppresseur tumoral », a expliqué le docteur Fred Saad, chercheur au CRCHUM et au Département de chirurgie de l'Université de Montréal. « En retirant ce gène de la prostate de la souris, nous pouvons étudier l'effet de la protéine elF4E sur la croissance cellulaire. »
Cette recherche aura un impact sur l'humain puisque, dans les cas de cancer de la prostate humaine, la PTEN est fréquemment modifiée. Des études sur des patients cancéreux ont confirmé le rôle de l'elF4E. Il reste à découvrir un inhibiteur pharmacologique spécifique et sélectif des Mnk, car même si des inhibiteurs sont utilisés à des fins de recherche, ils ne sont pas hautement spécifiques à cette kinase.
Publiée dans Proceedings of the National Academy of Science, ce projet de recherche a été financé par l'Institut de recherche de la Société canadienne du cancer, les Instituts de recherche en santé du Canada, la Fondation Knut et Alice Wallenberg et le Fonds de la recherche en santé du Québec.