Faut-il oublier les antioxydants?
Des chercheurs de McGill jettent un doute sur le rôle des radicaux libres dans le vieillissement
Depuis plus de 40ans, l’une des principales explications de notre vieillissement a été liée à ce qu’on appelle le stress oxydatif. Selon cette théorie, l’accumulation de radicaux libres, d’ions d’oxygène et de peroxydes dans les cellules empêche ces dernières de réparer les lésions causées par ces molécules, ce qui favorise leur vieillissement.
Cette théorie a donné naissance à une véritable industrie des antioxydants dits «alternatifs» (tels que les suppléments de vitamineE ou de coenzyme Q10 à très fortes doses) et cela, même si les essais cliniques n’ont pas démontré que ces traitements avaient des effets statistiquement significatifs.
Or, il se trouve maintenant que des chercheurs de l’Université McGill remettent en question toute la théorie du stress oxydatif dans une étude dont les résultats ont été publiés dans le numéro de février de la revue PLoS Genetics . Ces résultats indiquent en effet que certains organismes vivent en réalité plus longtemps lorsque leur aptitude à éliminer les molécules toxiques accumulées dans leurs cellules est partiellement neutralisée. Ces molécules sont désignées par l’expression générique d’espèces réactives de l’oxygène, ou ROS.
Pour le D r Siegfried Hekimi, du Département de biologie de McGill, les preuves à l’appui de la théorie du stress oxydatif sont purement circonstancielles. Autrement dit, le stress oxydatif pourrait tout aussi bien être le fruit du vieillissement que sa cause.
«Le défaut de cette théorie tient à ce qu’elle repose exclusivement sur des données corrélatives, sur le poids de la preuve», explique le professeur Hekimi, titulaire de la Chaire Strathcona de zoologie et de la Chaire Robert Archibald et Catherine Louise Campbell de biologie du développement. «Il est vrai que plus un organisme semble âgé (que ce soit en termes de maladie, d’apparence ou de tout ce qu’il possible de mesurer), plus il semble souffrir de stress oxydatif.»
«C’est précisément ce qui a figé cette théorie», poursuit le chercheur, «car on pense volontiers qu’il n’y a qu’un pas de la corrélation à la relation de cause à effet. Or, cette théorie est un véritablement obstacle au progrès.»
Le professeur Hekimi et le chercheur postdoctoral Jeremy Van Raamsdonk ont étudié des Caenorhabditis elegans mutants. Ils ont progressivement désactivé cinq gènes responsables de la production d’un groupe de protéines de la famille des superoxydes dismutases (SOD), qui neutralisent l’une des principales ROS. Et si des études antérieures avaient apparemment montré qu’une diminution de la production de SOD écourtait la durée de vie, le professeur Hekimi et Jeremy Van Raamsdonk n’ont pas pu observer ce phénomène dans leurs expériences. Ils ont plutôt constaté que c’était précisément l’inverse qui se produisait.
En effet, la durée de vie de leurs vers mutants n’a pas diminué par rapport à celle des vers de type sauvage, même si le stress oxydatif a été nettement augmenté. Il se trouve même qu’elle a augmenté pour une des variétés étudiée, selon les chercheurs.
«La mutation qui augmente la longévité affecte la principale SOD que l’on trouve dans les mitochondries des cellules animales», précise le professeur Hekimi. «Cela va dans le même sens que les résultats antérieurs, selon lesquels la mitochondrie joue un rôle essentiel dans le processus de vieillissement. Il semble qu’en réduisant l’activité mitochondriale par l’intermédiaire des ROS, les vers vivent plus longtemps.»
Les chercheurs s’empressent néanmoins de préciser qu’ils ne veulent pas insinuer que le stress oxydatif est bon pour la santé.
«Il ne fait aucun doute que les ROS sont nocives pour l’organisme. Mais elles ne semblent toutefois pas être en cause dans le vieillissement.»
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A PROPOS DE L’UNIVERSITÉ McGILL
Fondée à Montréal, au Québec, en 1821, l’Université McGill se classe comme chef de file parmi les universités canadiennes. McGill compte deux campus, 11 facultés, 10 écoles professionnelles, 300 programmes d’études et plus de 34 000 étudiants, originaires de 160 pays. L’Université accueille au-delà de 6 200 étudiants étrangers, qui composent près de 20 pour cent de sa population étudiante. Près de la moitié de ses étudiants ont une langue maternelle autre que l’anglais – dont 6 000 francophones.