Faire passer le courant
Des chercheurs découvrent un mécanisme de commutation pour contrôler la circulation dans les cellules
Des chercheurs ont identifié un mécanisme qui active un processus très important pour le fonctionnement adéquat et la survie des cellules de notre corps : la voie express de transport de « cargaison » vers et depuis la surface de la cellule. Des défauts dans cette voie peuvent avoir des conséquences graves et engendrer nombre de maladies comme un taux élevé de cholestérol, des neuropathies, la stérilité et des complications dans la réponse immunitaire. Comprendre les mécanismes sous-jacents à ces troubles est crucial pour développer des traitements possibles et de nouvelles stratégies thérapeutiques.
Le Pr Peter McPherson, Ph. D., Brigitte Ritter, Ph. D., et leurs collègues ont découvert comment une molécule appelée Rab35, qui agit comme un commutateur, est mise en marche afin d’activer la voie de recyclage express – qui permet à la cargaison devant être recyclée vers la surface de la cellule d’être sélectionnée et transportée rapidement. La nouvelle étude, publiée dans la prestigieuse revue Molecular Cell, a été menée à l’Institut et hôpital neurologiques de Montréal – le Neuro, de l’Université McGill.
« Les cellules qui composent notre corps sont comme une ville animée », explique le Pr McPherson, chercheur au Neuro et cochercheur principal de l’étude. « La surface d’une cellule est comme une membrane qui sépare son monde interne de son monde externe, comme les murs ou les frontières d’une ville. Au sein de cet environnement, il y a des voies de transport simultané pour les nutriments vitaux, les récepteurs et d’autres éléments nécessaires au fonctionnement des cellules, à l’intérieur de véhicules de cargaison appelés “vésicules”. À l’instar de la circulation dans une ville, ces vésicules de cargaison voyagent à différentes vitesses vers de nombreuses destinations à l’intérieur de la cellule pour des motifs différents. Ainsi, les récepteurs à la surface de la cellule liés au cholestérol sont sur la voie express, de telle sorte qu’après avoir livré le cholestérol à l’intérieur de la cellule, ils regagnent rapidement la surface afin d’en reprendre d’autre. Il est donc crucial de comprendre les contrôles et mécanismes de commutation de transport à l’intérieur des cellules, ce système étant d’une importance vitale pour le fonctionnement adéquat du corps. »
La molécule Rab35 est le commutateur pour la voie express ou de haute priorité de recyclage qui signale le retour rapide de la cargaison vers la membrane de la surface de la cellule. On sait que la Rab35 existe sous deux formes, en état « marche » (liée au GTP) ou « arrêt » (liée au GDP). Lorsque la Rab35 est en « marche », elle permet à la cargaison de revenir à la surface de la cellule. Ce que le Pr McPherson, Mme Ritter et leurs collègues ont découvert est le commutateur qui active l’état « marche » de la Rab35.
« Cette étude identifie une région particulière de la protéine Connecdenn liée aux vésicules, appelée domaine DENN, comme le “doigt” qui actionne le commutateur », explique le Pr McPherson. « Le domaine DENN se raccorde à la molécule Rab35 et par une activité enzymatique change l’état de Rab35 d’inactif à actif, actionnant ainsi le commutateur. »
On trouve des domaines DENN dans de multiples produits protéiques encodés par 16 gènes humains. Des mutations dans le domaine DENN causent des maladies humaines comme la stérilité et la maladie de Charcot-Marie-Tooth, et pourtant la fonction de module commun était inconnue jusqu’à maintenant. Le domaine DENN est ancien d’un point de vue évolutionnaire et des études bioinformatiques semblent montrer qu’il est présent dans toutes les cellules eucaryotes, ou à plusieurs compartiments, ce qui indique que le domaine DENN a médié des fonctions cruciales tout au long de l’évolution.
« Si le doigt sur le commutateur est modifié ou manquant, la cargaison ne peut être recyclée, ce qui a des conséquences désastreuses », ajoute le Pr McPherson. « Par exemple, une cargaison très importante transportée par cette voie spécifique de recyclage express, contrôlée par la Rab35 est le récepteur de HLA de classe I qui intervient dans la réponse du système immunitaire. Si une cellule devient infectée par un virus, le récepteur HLA est chargé de fragments du virus ayant infecté l’intérieur d’une cellule. Le récepteur HLA doit être ramené rapidement à la surface de la cellule pour pouvoir signaler aux cellules immunitaires en circulation que cette cellule particulière a été infectée par un virus et doit être détruite, pour empêcher l’infection virale d’autres cellules. »
Ces nouvelles données déterminantes sur les mécanismes de contrôle du système de transport dans les cellules permettent de mieux comprendre les maladies qui résultent des complications du transport, et de fournir de nouvelles cibles thérapeutiques pour le développement de traitements.
Cette étude a été soutenue par le Fonds de la recherche en santé du Québec (FRSQ), les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) et les National Institutes of Health (NIH) des États-Unis.
L’Institut et hôpital neurologiques de Montréal :
L’Institut et hôpital neurologiques de Montréal – le Neuro – est un centre médical universitaire unique, spécialisé en neurosciences. Cet institut de recherche et d'enseignement de l'Université McGill constitue l’assise de la mission en neurosciences du Centre universitaire de santé McGill. Fondé en 1934 par l'éminent neurochirurgien Wilder Penfield, le Neuro est reconnu mondialement pour son intégration de la recherche, des soins qu’il prodigue avec compassion aux patients et de sa formation spécialisée, tous des éléments essentiels au progrès des sciences et de la médecine. Ses chercheurs sont des chefs de file mondiaux en neurosciences cellulaires et moléculaires, en imagerie cérébrale, en neurosciences cognitives, ainsi que dans l'étude et le traitement de l'épilepsie, de la sclérose en plaques et des troubles neuromusculaires et autres troubles neurologiques. Pour tout renseignement, veuillez visiter, .