Des physiciens de McGill découvrent un nouvel état de la matière dans un « transistor »
Un type de cristal d’électron inconnu par le passé pourrait-il aider le futur de l’électronique?
Des chercheurs de l’Université McGill ont découvert un nouvel état de la matière, un cristal d’électron quasi-tridimensionnel, dans un matériau très similaire à ceux utilisé dans la fabrication de transistors modernes. Cette découverte pourrait aider le développement de nouveaux dispositifs électroniques. À l’heure actuelle, le nombre de transistors qu’il est possible d’intégrer à faible coût dans une seule puce d’ordinateur augmente de façon exponentielle, doublant environ tous les deux ans, une tendance appelée Loi de Moore. Mais il y a des limites, affirment des experts. À mesure que le format des puces rapetisse, les scientifiques prévoient que les lois et comportements bizarres de la physique quantique prendront le dessus, ce qui rendra impossible la fabrication de puces toujours plus petites.
Cette découverte, ainsi que d’autres efforts, pourrait aider l’industrie de l’électronique, une fois que les techniques de fabrication traditionnelle approcheront de ces limites quantiques, soit au cours de la prochaine décennie ou à peu près, ont déclaré des chercheurs. En travaillant avec un des matériaux semi-conducteurs les plus purs jamais fait, ils ont découvert le cristal d’électron quasi-tridimensionnel dans un dispositif refroidit à des températures ultra basses, 100 fois plus froide que celle de l’espace intergalactique. Le matériau a ensuite été exposé au champ magnétique continu le plus puissant qu’on puisse générer sur terre. Leurs résultats ont été publiés dans le numéro d’octobre du journal Nature Physics.
Des cristaux d’électron en deux dimensions ont été découverts en laboratoire dans les années 1990 et, déjà , en 1934, leur existence avait déjà été prédite par le physicien hongrois reconnu Eugene Wigner.
« Imaginez un sandwich. Le jambon, au centre, représente les électrons, » a expliqué le Pr Guillaume Gervais, directeur du laboratoire expérimental sur la matière condensée à température ultra basse. « Dans un cristal d’électron bidimensionnel, les électrons sont comprimés entre deux matériaux et ils sont très bidimensionnels. Ils peuvent bouger sur un plan, comme des boules sur une table de billard, mais il n’y a pas de mouvement de haut en bas. Ils ont une épaisseur, mais ils sont collés. »
Toutefois, jusqu’à ce qu’une découverte accidentelle se produise pendant une des premières expériences à température ultra basse en 2005, personne n’avait prédit l’existence de cristaux d’électron quasi-tridimensionnels.
« Nous avons décidé de détruire la bidimensionnalité en appliquant un très fort champ magnétique, à l’aide du plus gros aimant au monde, celui du Magnet Lab, en Floride », a-t-il déclaré. « Nous n’y avons accès qu’environ cinq jours par année et, le troisième jour, quelque chose de complètement inattendu s’est produit. »
La surprise dont parle le Pr Gervais était la transformation brusque d’un système d’électrons bidimensionnels à l’intérieur du matériau semi-conducteur en un système quasi-tridimensionnel, quelque chose que la théorie existante n’avait pas prédit.
« Il ne s’agit pas complètement d’un état tridimensionnel. C’est un état entre les deux, un phénomène complètement nouveau », a-t-il déclaré. « C’est le genre de chose que les théoriciens adorent. Maintenant, ils se creusent les méninges et essaient de peaufiner leurs modèles. »
L’importance de cette découverte pour la microélectronique et l’informatique pourrait être considérable. Depuis l’invention du circuit intégré en 1958, la Loi de Moore a propulsé la révolution dans des domaines qui ont transformé le monde comme les produits électroniques domestiques, les ordinateurs personnels et Internet. Mais, a expliqué le Pr Gervais, la Loi de Moore n’est pas une force irrésistible et, quelque part au cours de la prochaine décennie, elle se heurtera inévitablement à l’immuabilité des lois de la physique.
« Dans un transistor standard, il y a une grille, et les électrons sont contrôlés par cette grille un peu comme si c’était un gaz que l’on laissait passer par un robinet », dit-il. « Vous pouvez considérer les électrons comme des unités indépendantes, ce qui nous permet de les traiter comme des uns et des zéros ou comme des interrupteurs «marche/arrêt » en calcul numérique.
« Toutefois, une fois qu’on examine le tout à l’échelle nano, les forces quantiques s’appliquent et les électrons peuvent se condenser dans de nouveaux états collectifs et perdre leur caractère individuel. Ensuite, toutes sortes de phénomènes bizarres peuvent se produire. Dans certains cas, les électrons peuvent même se fragmenter. Les concepts « marche » et « arrêt » perdent toute leur signification dans ces conditions. »
« Il s’agit d’un sujet de discussion universitaire, mais pas uniquement. Les mêmes matériaux semi-conducteurs avec lesquels nous travaillons sont présentement utilisés dans les téléphones cellulaires et d’autres dispositifs électroniques. Nous devons comprendre les effets quantiques pour pouvoir les utiliser à notre propre avantage et, peut-être même réinventer complètement le transistor. De cette façon, le progrès dans l’électronique pourra continuer d’avancer. »