De la famille au gène : Un cheminement de 20 ans
Après avoir d’abord identifié une rare maladie génétique fatale au Québec il y a plus de 20 ans, des scientifiques de l’Institut neurologique de Montréal (INM) de l’Université McGill de concert avec des collègues du monde entier ont travaillé très fort pour faire avancer les connaissances sur le syndrome de myoclonie d’action et d’insuffisance rénale (MAIR) (action myoclonus-renal failure/AMRF), qui affecte le cerveau et les reins. En 1986, Eva et Frederick Andermann, un couple dans la vie, ont publié une étude qui caractérisait cliniquement le syndrome de MAIR à partir de leurs travaux avec quelques patients du Québec et leur famille. Dr Frederick Andermann, neurologue et épileptologue, est réputé pour ses compétences exceptionnelles en matière de diagnostic et sa capacité à reconnaître de nouveaux syndromes neurologiques. Dre Eva Andermann, neurogénéticienne, s’intéresse à identifier la base génétique de troubles neurologiques, en étudiant les familles au Québec et en Europe, et en collaborant avec des généticiens moléculaires et d’autres chercheurs à travers le monde. En 2004, ils ont fait état d’une étude plus vaste avec des cas identifiés dans le monde entier, notamment à Cuba, en Italie, en Allemagne, en Australie et aux États-Unis. Pour l’étude la plus récente, publiée il y a peu dans The American Journal of Human Genetics l’équipe mondiale était dirigée en collaboration par le Dr Samuel Berkovic et John Mulley, Ph. D., en Australie, qui a eu recours à des techniques biologiques moléculaires de pointe et a développé une nouvelle stratégie pour identifier le gène, le SCARB2/LIMP-2, en cause dans le syndrome de MAIR. Le développement de cette nouvelle stratégie moléculaire ouvre la voie à la découverte de gènes responsables d’autres maladies autosomiques récessives rares
Les progrès de la recherche sur les maladies rares et fatales sont souvent difficiles en raison du nombre très limité de personnes en étant affectées. De telles maladies passent souvent inaperçues ou sont mal diagnostiquées. C’est le cas du syndrome de MAIR qui a souvent été interprété à tort comme un trouble rénal pur. L’étude du Dr Berkovic et de ses collègues est l’une des premières à réussir à identifier la mutation génétique dans ce type de maladie rare en utilisant de nouvelles méthodes moléculaires chez des patients individuels. Les résultats de l’étude rendent possibles le dépistage génétique du syndrome de MAIR, des services de counseling, de nouveaux tests diagnostiques et des stratégies thérapeutiques plus efficaces. Qui plus est, ils permettront aussi d’améliorer la qualité de vie des familles touchées et de leur donner de l’espoir, ainsi que de s’intéresser à un important problème de santé publique au Québec et dans d’autres régions du monde.
«Je suis ravie et motivée par les progrès si remarquables accomplis au cours des 20 dernières années depuis que nous avons identifié le syndrome de MAIR. La découverte du gène permet à nos patients et à leur famille d’entrevoir la lumière au bout du tunnel–d’avoir de l’espoir», dit Dre Eva Andermann, directrice de l’Unité de neurogénétique de l’INM, qui a d’abord présenté la maladie lors d’une conférence scientifique internationale en 1984. Dre Andermann a consacré la majeure partie de sa carrière à travailler avec son mari pour identifier et décrire les maladies génétiques rares, comme le syndrome de Joubert et le syndrome d’Andermann ou agénésie familiale du corps calleux avec polyneuropathie. Les Andermann ont aussi identifié et fourni une bonne partie du travail préparatoire menant à la découverte de la base génétique des troubles comme la maladie d’Unverricht-Lundborg, la maladie de Lafora, la chorée acanthocytose et la maladie de Tay-Sachs chez les Canadiens français, la maladie de Tay-Sachs de type juvénile chez les Canadiens libanais, la maladie de Canavan chez les Canadiens français et les Premières nations, les céroïdes-lipofuscinoses neuronales chez les Terre-neuviens ainsi que plusieurs différentes formes d’épilepsies et malformations du développement du cerveau.
L’avancement des connaissances sur la base génétique de maladies récessives rares a été favorisé en partie par la reconnaissance de l’effet fondateur, selon lequel une population provenant d’un petit groupe de migrants a de faibles taux de variation génétique. Par exemple, les 2,600 personnes qui ont migré de la France au Québec entre 1608 et 1760 ont connu un goulot d’étranglement génétique, créant une population au sein de laquelle les incidences de maladies génétiques rares sont élevées à cause d’un patrimoine génétique limité. Conscient de ce fait, le gouvernement du Québec prévoit mettre en œuvre un projet pilote de dépistage de masse des maladies récessives autosomiques qui ont un taux de prévalence particulièrement élevé dans la région Saguenay-Lac St-Jean du Québec. Dre Anne Andermann, la fille des Andermann, spécialisée en santé publique, a agi comme consultante lors de ce projet.
L’étude sur le syndrome de MAIR a été subventionnée par le National Health and Medical Research Council of Australia, les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), la Fondation Savoy, les Thyne Reid Charitable Trusts, et la Deutsche Forschungsgemeinschaft".
Du 23 au 25 octobre, les réalisations de Frederick et d’Eva Andermann seront honorées et célébrées lors du symposium «La fine pointe de l’épilepsie» qu’ont organisé les professeurs Jean Gotman, François Dubeau et David Colman, directeur de l’INM. Plus de 40 scientifiques et médecins invités des quatre coins du monde, dont bon nombre sont des collaborateurs et d’anciens stagiaires de l’INM, prendront la parole sur divers sujets se rapportant au domaine et s’exprimeront sur les contributions exceptionnelles des Andermann. Le conférencier d’honneur est le Dr Samuel Berkovic et parmi les principaux sujets du symposium figurent les malformations du développement cortical, les épilepsies généralisée et focale ainsi que le traitement chirurgical de l’épilepsie. Quelques anciens stagiaires de l’INM relateront aussi leurs souvenirs personnels au sujet de leur expérience à l’INM.
Les Andermann ont reçu nombre d’honneurs et de récompenses au cours de leur carrière. Frederick Andermann a reçu le Prix Wilder-Penfield des Prix du Québec, et il est Officier de l’Ordre du Canada. Il est aussi vice-président de la Ligue internationale contre l’épilepsie. Eva Andermann est une ambassadrice de la Ligue internationale contre l’épilepsie, et membre honoraire de la Ligue allemande, brésilienne, espagnole et polonaise contre l’épilepsie. Elle a récemment reçu le Prix d’excellence Maude Abbott. Les Andermann ont reçu deux prix conjointement : la Médaille commémorative du 125e anniversaire de la Confédération du Canada du Gouverneur général et le Prix Peter Emil Becker attribué conjointement par la Société de neuropédiatrie de la Suisse, de l’Allemagne et l’Autriche
Octobre 2009 marque le 75e anniversaire de l’INM. L’INM est un institut de recherche et d'enseignement de l’Université McGill, qui se consacre à l'étude du système nerveux et des maladies neurologiques. Fondé en 1934 par l'éminent Dr Wilder Penfield, l'INM est l'un des plus grands instituts du genre au monde. Ses chercheurs sont des chefs de file mondiaux en neurosciences cellulaires et moléculaires, en imagerie cérébrale, en neurosciences cognitives, ainsi que dans l'étude et le traitement de l'épilepsie, de la sclérose en plaques et des troubles neuromusculaires. L'INM et son partenaire clinique, l'Hôpital neurologique de Montréal (HNM), rattaché au Centre universitaire de santé McGill, continuent d'intégrer recherche, soins aux patients et formation. Reconnu comme un des premiers centres de neurosciences au monde, l’INM s’efforce d’appuyer par des investissements les professeurs, le personnel et les étudiants qui mènent de remarquables recherches, prodiguent des soins de pointe avec compassion et préparent la prochaine vague de percées médicales. Par leur grand talent et leur détermination, ces chercheurs sont l'âme de la recherche, la clé du progrès des soins médicaux. Un nouveau bâtiment, prolongement de l'aile nord, est en construction; il abritera des installations ultramodernes d'imagerie cérébrale. Une fois la construction achevée et les équipements installés, les scientifiques engagés dans la recherche en imagerie cérébrale à l'INM y formeront un groupe sans équivalent dans le monde.