Les corticostéroïdes inhalés peuvent-ils soulager les premiers symptômes de la COVID-19?
Malgré les espoirs, une nouvelle étude pancanadienne publiée aujourd’hui dans The BMJ révèle que le ciclésonide — un médicament stéroïde nasal et inhalé employé couramment pour traiter l’asthme et la rhinite — n’aura pas la capacité de changer le cours de la pandémie. Les résultats de ce premier essai de stéroïdes inhalés pour traiter la COVID-19 contrôlé par placébo, mené par une équipe de chercheurs de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) à Montréal, en collaboration avec des scientifiques du Sunnybrook Health Sciences Centre à Toronto, du Vancouver Coastal Health Research Institute et de l’Université de la Colombie-Britannique à Vancouver, démontrent que les corticostéroïdes inhalés ne réussissent pas mieux que le placébo à accélérer la guérison de jeunes personnes en bonne santé atteintes du virus et présentant des symptômes respiratoires.
En début de pandémie, la Dre Nicole Ezer, première auteure de l’étude, a lu des études d’après lesquelles le traitement au ciclésonide — un médicament sécuritaire, peu coûteux et très accessible — pouvait réduire la reproduction virale du SRAS-Cov2 dans des modèles murins de COVID-19. Afin de valider le soulagement des symptômes chez des adultes atteints du virus et présentant des symptômes respiratoires, la Dre Ezer a réuni une équipe de chercheurs avec le soutien de l’Initiative interdisciplinaire en infection et immunité de l’Université McGill (MI4) et de la Fondation du CUSM. L’équipe a conçu un essai clinique randomisé, à double insu et contrôlé par placébo pour évaluer l’efficacité du ciclésonide inhalé.
« Sur la base de mon expertise dans le traitement de l’asthme, il était logique de vérifier si ce médicament pouvait diminuer l’inflammation pulmonaire durant les premières phases de l’infection, puisque les maladies pulmonaires affectent grandement les patients et qu’elles constituent un effet majeur du virus, explique la Dre Ezer, qui est pneumologue et scientifique au sein du Programme de recherche translationnelle sur les maladies respiratoires à l’IR-CUSM. En outre, nous tenions à étudier un médicament pour traiter les symptômes respiratoires qui présentait un très bon profil de sécurité, et pouvant desservir les pays à faible revenu, à revenu intermédiaire et à revenu élevé. L’accès à des médicaments abordables est essentiel pour corriger l’inégalité des soins de santé à travers le monde. »
L’importance du contrôle par placébo
ł˘â€™Ă©tłÜ»ĺ±đ a recrutĂ© un total de 215 adultes symptomatiques entre le 15 septembre 2020 et le 8 juin 2021. Les participants ont reçu au hasard un traitement de 14 jours de ciclĂ©sonide inhalĂ© et nasal ou un placĂ©bo inhalĂ© et nasal. Ils ont rĂ©pondu Ă un questionnaire en ligne le jour du recrutement, puis Ă six sondages supplĂ©mentaires en 14 jours. Ils ont finalement rempli un sondage de suivi au 29e jour pour recueillir les rĂ©sultats Ă plus long terme.
Partant de l’hypothèse que le traitement agirait mieux lorsqu’administrĂ© en dĂ©but d’infection, on a recrutĂ© les participants dans les cinq jours suivant un rĂ©sultat positif au test PCR pour le SRAS-CoV-2 et l’apparition des symptĂ´mes. Ceux-ci ont reçu le traitement Ă domicile par messagerie commerciale. ł˘â€™Ă©tłÜ»ĺ±đ n’a inclus aucune personne vaccinĂ©e.
ł˘â€™Ă©tłÜ»ĺ±đ n’a rĂ©vĂ©lĂ© aucune diffĂ©rence notable entre le groupe traitĂ© au ciclĂ©sonide et le groupe de contrĂ´le. Après sept jours de traitement, 40 % (42/105) des participants ayant pris le mĂ©dicament ne prĂ©sentaient plus de fièvre ni de symptĂ´mes respiratoires, contre 35 % (34/98) de ceux ayant pris le placĂ©bo. Au 14e jour, il s’agissait de 66 % (69/105) des participants du « groupe ciclĂ©sonide », contre 58 % (57/98) des participants du « groupe placĂ©bo ».
Ces résultats déçoivent, d’autant plus que deux récentes études ouvertes avaient fait naître l’espoir dans la communauté scientifique que les stéroïdes inhalés pourraient soulager les symptômes respiratoires associés à la COVID-19. Une étude démontrait également l’efficacité de la dexaméthasone chez les patients atteints et hospitalisés.
« Les études publiées précédemment contenaient une faille importante : elles étaient ouvertes et ne comportaient pas de volet placébo. D’autres études indiquent par ailleurs que les inhalateurs ont eux-mêmes un fort effet placébo, explique l’auteure principale de l’étude, la Dre Emily McDonald, qui est directrice de l’Unité d’évaluation des pratiques cliniques du CUSM et professeure agrégée de médecine à l’Université McGill. Voilà la preuve que toute étude sur un médicament, en particulier sur les inhalateurs, se doit d’être contrôlée avec un placébo avant que nous nous empressions de recommander son utilisation. »
En dépit des résultats de l’étude CONTAIN, les chercheurs croient toujours au potentiel des stéroïdes inhalés pour traiter la COVID-19.
« Il demeure plausible que les stéroïdes inhalés soient bénéfiques pour les populations plus âgées et à risque, explique la Dre Ezer, qui est également professeure adjointe de médecine à l’Université McGill. Nous devons axer davantage de recherches sur les personnes plus âgées et sur les personnes à haut risque. Ces études doivent comporter un contrôle par placébo pour éviter qu’elles ne tirent de fausses conclusions positives. »
Collaborer de façon novatrice pour relever les défis de la pandémie
Grâce à une nouvelle plateforme développée à l’IR-CUSM, l’ensemble de l’étude a pu se dérouler sans contact. Du formulaire de consentement à la preuve d’identité en passant par les sondages de suivi, tout s’est effectué en ligne. L’équipe a pu recruter rapidement les participants à travers trois provinces lors de la deuxième et de la troisième vague de la pandémie à l’aide de cette plateforme novatrice.
« Il est tout nouveau de pouvoir recruter des patients à domicile, de leur expédier les médicaments et de faire le suivi par téléphone dans le cadre d’un essai clinique », explique la Dre McDonald, qui a participé à créer la plateforme en ligne pour mener des essais cliniques pendant la pandémie. « Nous avons démontré que nous sommes en mesure de le faire de manière sécuritaire et efficace, partout au Canada. »
Avec la participation de chercheurs du Sunnybrook Health Sciences Centre et de l’Université de la Colombie-Britannique, le recrutement des participants s’est vite étendu aux provinces de l’Ontario et de la Colombie-Britannique.
« ł˘â€™Ă©tłÜ»ĺ±đ CONTAIN illustre qu’il est indispensable de mener des Ă©tudes rigoureuses et contrĂ´lĂ©es par placĂ©bo pour confirmer les rĂ©els bienfaits d’un traitement, dĂ©clare le Dr Nick Daneman, clinicien-chercheur et spĂ©cialiste des maladies infectieuses au Sunnybrook Health Sciences Centre. Depuis le dĂ©but de l’annĂ©e 2020, notre programme de consultation COVIDEO a suivi près de 10 000 patients, et nous n’avons eu recours Ă aucun traitement non validĂ©. Le ciclĂ©sonide est un mĂ©dicament sĂ©curitaire, et en thĂ©orie on aurait pu espĂ©rer qu’il aide Ă accĂ©lĂ©rer la guĂ©rison des symptĂ´mes de la COVID. Nous Ă©tions ravis de pouvoir le proposer Ă nos patients dans le cadre de l’essai clinique. Mais en fin de compte, il s’avère que celui-ci n’a probablement pas d’incidence sur l’évolution de la COVID. »
« La recherche doit à présent se pencher sur les traitements destinés aux patients externes qui subissent les premières phases de la COVID-19, déclare la Dre Sara Belga, professeure clinique adjointe à la division des maladies infectieuses de l’Université de Colombie-Britannique et chercheuse principale de l’étude CONTAIN au Vancouver Coastal Health Research Institute. Notre équipe demeure engagée à évaluer des médicaments susceptibles d’accélérer la guérison de la COVID-19, et à réduire la pression exercée sur le système de santé. »
« L’innovation émerge lorsqu’on a les ressources nécessaires pour soutenir des projets comme CONTAIN, déclare Julie Quenneville, présidente-directrice générale de la Fondation du CUSM. Même si cette étude n’a pas donné les résultats que les chercheurs espéraient, il est impératif de donner à nos meilleurs talents le temps et le financement dont ils ont besoin pour trouver des réponses à la COVID-19 et à d’autres affections potentiellement mortelles. »
Ă€ propos de l’étude ł˘â€™Ă©tłÜ»ĺ±đ a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e par Nicole Ezer, Sara Belga, Nick Daneman, Adrienne Chan, Benjamin M Smith, Shay-Anne Daniels, Kristen Moran, Charlotte Besson, Louisa Y Smyth, Susan J Bartlett, Andrea Benedetti, James G Martin, Todd C Lee et Emily G McDonald. Le financement de cette Ă©tude a Ă©tĂ© assurĂ© par l’Initiative interdisciplinaire en infections et immunitĂ© de l’UniversitĂ© McGill (MI4) et par la Fondation du CUSM. |
À propos de l’IR-CUSM
L’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) est un centre de recherche de réputation mondiale dans le domaine des sciences biomédicales et de la santé. Établi à Montréal, au Canada, l’institut, qui est affilié à la faculté de médecine de l’Université McGill, est l’organe de recherche du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) — dont le mandat consiste à se concentrer sur les soins complexes au sein de sa communauté. L’IR-CUSM compte plus de 450 chercheurs et environ 1 200 étudiants et stagiaires qui se consacrent à divers secteurs de la recherche fondamentale, de la recherche clinique et de la recherche en santé évaluative aux sites Glen et à l’Hôpital général de Montréal du CUSM. Ses installations de recherche offrent un environnement multidisciplinaire dynamique qui favorise la collaboration entre chercheurs et tire profit des découvertes destinées à améliorer la santé des patients tout au long de leur vie. L’IR-CUSM est soutenu en partie par le Fonds de recherche du Québec — Santé (FRQS).
L'Université McGill
Fondée en 1821 à Montréal, au Québec, l’Université McGill se classe parmi les meilleures universités au Canada et dans le monde, année après année. Établissement d’enseignement supérieur renommé partout dans le monde, l’Université McGill exerce ses activités de recherche dans deux campus, 11 facultés et 13 écoles professionnelles; elle compte 300 programmes d’études et au-delà de 40 000 étudiants, dont plus de 10 200 aux cycles supérieurs. Elle accueille des étudiants originaires de plus de 150 pays, ses 12 800 étudiants internationaux représentant 31 % de sa population étudiante. Au-delà de la moitié des étudiants de l’Université McGill ont une langue maternelle autre que l’anglais, et environ 19 % sont francophones.