Les rivières et les ruisseaux sillonnant les vastes paysages nordiques du Canada, tout comme les lacs qui les parsèment, alimentent une faune et une flore d’une grande richesse et constituent une abondante source d’eau potable. Comment préserver ces trésors de la nature pour les générations futures, au moment même où la croissance de la population du pays fait gonfler la demande de ressources?
Voilà la question sur laquelle se penche depuis cinq ans pour son doctorat en sciences des ressources naturelles, qu’elle vient tout juste de terminer à l’Université McGill. Déjà , elle a publié trois articles scientifiques sur ses travaux. Cependant, elle a réussi à joindre un public beaucoup plus vaste en partageant ses découvertes et son amour du plein air avec des enfants, des adolescents et des adultes curieux dans le cadre d’une panoplie d’activités : expéditions de canot-camping pour des jeunes femmes, balados scientifiques et récits d’aventures dans le cadre d’un programme du National Geographic destiné aux leaders de demain, qui ont à cœur la protection de notre planète et de la vie qu’elle abrite.
« Les écosystèmes d’eau douce sont indispensables à notre survie », déclare Dalal dans une tournée pour le National Geographic. « Ils nourrissent une biodiversité d’une grande richesse, nous procurent de l’eau potable et sont de formidables lieux de ressourcement et de communion avec la nature. »
En sa qualité de membre du Programme des sciences du paysage du Pôle des systèmes de développement durable de l’Université McGill, Dalal a également participé à un projet de mobilisation de jeunes chercheurs issus de diverses disciplines, en quête de solutions pour une gestion plus équitable et plus durable des ressources de la planète.
« Dalal est une scientifique brillante qui a vraiment le don de choisir des sujets intéressants et importants, et qui cherche inlassablement dans sa science des réponses solidement étayées », affirme la Pre Elena Bennett, directrice de recherche de Dalal et codirectrice du Programme des sciences du paysage (Landscape Scholars). « Et elle est tout aussi inlassable lorsque vient le temps de sensibiliser le grand public à la science et de lui faire prendre conscience, surtout, de la richesse des cours d’eau, des lacs et de l’ensemble des écosystèmes du Québec et du Canada. »
Le Canada au fil de l’eau
Dalal, qui a grandi en banlieue d’Ottawa, a découvert le canot-camping dans des camps de vacances. En 2011, après l’obtention de son baccalauréat en sciences de l’environnement à l’Université d’Ottawa, elle a entrepris une traversée du Canada en canot.
Cette expédition de six mois, qui visait à recueillir des fonds pour la Société pour la nature et les parcs du Canada et à sensibiliser la population à la conservation des bassins hydrographiques, a également éveillé Dalal à « la menace qui guette ces écosystèmes d’une grande beauté ». Un jour, dans le nord de l’Alberta, en canot sur la rivière Athabasca avec le reste du groupe, elle a été saisie par la forte odeur qui s’échappait des usines d’exploitation de sables bitumineux des environs. « Nous avons fait la traversée complète du Canada en canot, et c’est l’un des rares endroits où l’on nous a dit de ne pas boire l’eau de la rivière » en raison de la présence possible de contaminants difficiles à éliminer. « Ça m’a marquée. »
L’abc de la communication scientifique
Cette aventure a cristallisé le désir de Dalal de faire des études de deuxième cycle en écologie des eaux douces. Elle a donc fait une maîtrise en biologie à McGill, sur la concentration de mercure dans les poissons d’eau douce d’Afrique. En collaboration avec sa directrice de recherche, la Pre Lauren Chapman, elle a publié deux articles dans des revues avec comité de lecture spécialisées en environnement.
Par la suite, elle a produit pendant un an le balado avec Andrea Reid, elle aussi étudiante aux cycles supérieurs à l’Université McGill. Soucieuses de proposer du contenu accessible au profane, elles se sont limitées aux 1 000 mots les plus fréquents en anglais pour la rédaction de leurs textes.
« J’ai appris un tas de choses sur l’art de transmettre de l’information scientifique, confie-t-elle. Selon moi, c’est très important pour aider les gens à comprendre le fonctionnement de notre monde et, par le fait même, à prendre de meilleures décisions. »
Les cours d’eau du Québec sous la loupe
Pour son doctorat au sein du , à McGill, Dalal Hanna s’est de nouveau tournée vers les forêts et les cours d’eau de la nature québécoise. Comment préserver la santé de nos rivières?, s’est-elle demandé. Elle a consacré l’essentiel de son temps au prélèvement et à l’analyse d’échantillons d’eau provenant de deux parcs nationaux, soit celui du et celui des . Elle a également mesuré la circonférence des arbres poussant sur la rive des ruisseaux et des rivières pour évaluer la quantité de carbone emmagasinée dans les bassins hydrographiques.
S’il est un constat qui ressort de ses travaux, c’est que les changements dans l’utilisation des terres – la transformation de forêts en exploitations agricoles, par exemple – peuvent avoir d’énormes répercussions sur l’écologie des eaux douces. Pour préserver les cours d’eau, leur biodiversité et les services écosystémiques qu’ils procurent, on peut, par exemple, conférer un statut de protection à un bassin hydrographique.
Charmants face-Ă -face avec des bestioles sympathiques
Dalal ne manque pas d’anecdotes à raconter, elle qui a vécu de multiples aventures et mésaventures sur le terrain. Ainsi, par une belle journée d’automne, après s’être frayé un chemin à travers une talle d’arbustes sur la rive d’un ruisseau près du , au Québec, elle s’est arrêtée pour mesurer un tronc d’arbre. En enserrant l’arbre de son ruban à mesurer, elle a baissé la tête et vu des milliers de guêpes grouiller à ses pieds.
« Ce n’était pas la première fois que je marchais sur un nid de guêpes, précise-t-elle, mais c’était la première fois que je ne pouvais pas me sauver en courant. » Heureusement, ses vêtements étaient assez épais pour faire office d’armure. Battant en retraite avec mille précautions à travers ronces et broussailles, elle s’en est sortie avec une dizaine de piqûres sur la main… mais elle n’a jamais revu son ruban à mesurer.
Et que dire des sangsues! Plus tôt cette année, lors d’une organisée par la revue National Geographic, un jeune spectateur a demandé à notre chercheuse quelle était sa trouvaille la plus dégoûtante. Voici la réponse de Dalal : « une super grosse sangsue sur ma jambe ». Puis, s’empressant de rassurer son auditoire, elle a ajouté : « les sangsues ne sont pas si mal au fond; on les décolle de la peau, et c’est tout ». (Certes repoussantes à nos yeux, les sangsues sont un précieux aliment pour de nombreux poissons très prisés, fait observer Dalal.)
Apprentis scientifiques, Ă vos pagaies!
De retour à Ottawa et maintenant boursière postdoctorale à l’Université Carleton, Dalal entend mener des recherches visant à éclairer les décideurs du fédéral quant aux politiques à mettre en place pour protéger les écosystèmes d’eau douce du pays.
Elle souhaite également donner des ailes à , organisme de bienfaisance canadien qu’elle a cofondé avec sa partenaire de balados, Andrea Reid, aujourd’hui spécialiste des pêches autochtones. Riparia s’est donné comme mission d’éveiller la passion de la science des eaux douces chez les jeunes femmes. Son programme phare : une expédition de canot-camping gratuite d’une semaine dans le , au Québec, où Dalal a découvert cette activité lorsqu’elle était enfant.
« Pour moi, il est vraiment primordial de faire tomber certaines des barrières qui séparent les scientifiques des citoyens, lance Dalal. Et je pense qu’on peut y arriver, notamment en invitant les jeunes à participer à nos activités scientifiques. »