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Les particules de métal : le combustible propre de demain?

Les chercheurs de l’Université McGill explorent une source d’énergie propre à fort potentiel qui a généralement été négligée jusqu’à maintenant : les particules de métal

Aussi étrange que cela puisse paraître, l’idée de brûler des poudres métalliques ne date pas d’hier, puisque ces dernières sont utilisées depuis plusieurs siècles pour la fabrication des feux d’artifice. De nos jours, les fusées porteuses à combustible solide qui servent à lancer les navettes spatiales fonctionnent à l’aluminium.

« Nous voulons exploiter ce procédé pour développer une technologie propre », explique le Pr Jeffrey Bergthorson, directeur adjoint de l’Institut Trottier de durabilité en génie et en design de l’Université McGill.

Les métaux, qui emmagasinent de l’énergie au cours de l’affinage, pourraient servir à transporter et à stocker l’énergie, comme le font présentement les combustibles fossiles. Les résidus issus de la combustion des poudres métalliques pourraient ensuite être recyclés et utilisés de nouveau comme combustibles.

« Pour limiter l’ampleur des changements climatiques, le monde doit se détourner des combustibles fossiles, ajoute le professeur, qui est à la tête du Laboratoire de recherche sur les carburants de remplacement de McGill. Les biocarburants peuvent faire partie de la solution, mais ils ne seront pas en mesure de satisfaire à la demande. L’hydrogène nécessite des réservoirs massifs, et c’est sans compter sa nature explosive. Quant aux batteries, elles sont trop encombrantes et n’accumulent pas suffisamment d’énergie pour bon nombre d’usages. Nos recherches des dix dernières années nous ont permis de déterminer que les carburants métalliques constituaient la meilleure solution de remplacement à faible teneur en carbone. »

Un concept novateur

Dans une et publiée dans la revue , le Pr Bergthorson, cinq autres chercheurs de l’Université McGill et un scientifique de l’Agence spatiale européenne ont jeté les bases d’un concept novateur tirant parti de fines particules de métal – dont la taille est comparable à celle de la farine ou du sucre glace – pour alimenter des moteurs à combustion externe.

Contrairement aux moteurs à combustion interne des véhicules à essence, les moteurs à combustion externe sont alimentés par une source extérieure de chaleur. Ce type de moteur, une version contemporaine de l’emblème de la révolution industrielle, la locomotive à vapeur alimentée au charbon, sert couramment à produire de l’énergie à partir de sources nucléaires, de charbon ou de biocarburants au sein des centrales électriques.

Photo showing flames out of different metal powders

Grâce à un brûleur conçu sur mesure, les chercheurs de l’Université McGill ont démontré qu’une flamme pouvait être stabilisée en un flux de fines particules de métal en suspension dans l’air, et ont constaté que les flammes provenant de la combustion de poudres métalliques « ressemblaient beaucoup » à celles produites lors de la combustion des hydrocarbures.

Recyclable après combustion

Le concept présenté par l’équipe de chercheurs de l’Université McGill mise sur une caractéristique importante des poudres métalliques. En effet, lorsqu’elles sont brûlées, ces dernières réagissent avec l’air pour produire un oxyde solide non toxique pouvant être recueilli assez facilement, puis recyclé (contrairement au dioxyde de carbone émis dans l’atmosphère lors de la combustion de pétrole).

Le fer est un matériau abondant, ce qui en fait une option de choix pour faire fonctionner les moteurs alimentés aux poudres métalliques. Les industries métallurgique, chimique et électronique commandent déjà la production de plusieurs millions de tonnes de poudre de fer chaque année, et les technologies de recyclage du fer sont déjà éprouvées.

« L’objectif est de boucler la boucle, c’est-à-dire de réutiliser les mêmes particules de fer ou d’aluminium à l’infini, a indiqué le professeur. C’est ce qui fait du métal un combustible durable. »

Réactions de l’aluminium avec l’eau

La combustion n’est peut-être pas le seul moyen efficace de libérer l’énergie emmagasinée dans le métal. Une autre méthode, qui a longtemps intrigué les chercheurs, consiste à mettre le métal – et tout particulièrement l’aluminium – au contact de l’eau afin de provoquer une réaction chimique.

La réaction ainsi induite entraîne la division de la molécule d’eau, formée d’un atome d’oxygène et de deux atomes d’hydrogène, et la libération d’hydrogène gazeux, combustible pouvant être brûlé dans l’air ou utilisé dans une pile à combustible. L’oxygène se lie aux atomes métalliques pour former un oxyde recyclable.

Dans le Laboratoire de recherche sur les carburants de remplacement, la doctorante Keena Trowell fait réagir des particules d’aluminium avec de l’eau surchauffée à hautes pressions, et elle constate que l’énergie est libérée sous forme de chaleur et d’hydrogène.

Une portée plus grande que celle des lignes de transport d’électricité

Les deux techniques – à savoir la combustion des poudres métalliques et la réaction des particules d’aluminium avec l’eau pour produire de l’hydrogène – pourraient être utilisées pour acheminer l’électricité au-delà des zones desservies par les lignes de transport.

« Au Québec, pour produire de l’aluminium à partir de minerais, nous utilisons principalement de l’hydroélectricité renouvelable, explique la doctorante. C’est un peu comme si on stockait l’hydroélectricité sous forme d’aluminium. »

D’autres technologies de production d’électricité propre – principalement l’énergie solaire et éolienne – connaissent un essor rapide. Néanmoins, « nous ne pouvons pas nous servir de cette électricité pour bon nombre d’activités utilisant pour l’heure le pétrole et le gaz, telles que le transport et le commerce mondial de l’énergie », remarque le Pr Bergthorson.

« Le remplacement des combustibles fossiles offre aux producteurs de métaux une occasion unique de s’ouvrir au marché de l’énergie », ajoute-t-il.

Prochaine Ă©tape : la fabrication de prototypes

Même si les expériences réalisées en laboratoire, à McGill comme ailleurs, ont démontré que l’utilisation de combustibles métalliques dans les moteurs thermiques est théoriquement possible, personne n’a encore mis l’idée en pratique. Par conséquent, pour pouvoir convertir ces découvertes en technologie exploitable, la prochaine étape consistera à fabriquer un prototype de brûleur et à le fixer à un moteur thermique.

Le laboratoire du Pr Bergthorson espère amorcer des essais de prototypes dans le courant de l’année. « Nous souhaitons démontrer qu’il est possible de produire de l’électricité à partir de combustibles métalliques sans émettre de dioxyde de carbone. Une fois que nous aurons éprouvé la technologie en laboratoire, nous pourrons amorcer le processus de commercialisation. »

En parallèle, le groupe du Pr Bergthorson met sur pied un consortium dans le but de fabriquer un prototype de réacteur à métal et à eau. « Si nous parvenons à démontrer que nous pouvons produire de l’hydrogène à partir d'aluminium grossier et sûr de manière efficace, nous pourrons étendre l’utilisation de ce nouveau combustible propre à de nombreux usages, de la production d'électricité à distance aux transports lourds, comme le transport maritime. »

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